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La « méthode carton », ou comment cultiver sur des déchets

Un carton brut, sans colorants chimiques, peut remplacer les paillages classiques. Étalé sur une pelouse, il permet de désherber sans retourner les sols et favorise la multiplication des vers de terre. Une méthode douce notamment employée aux États-Unis.

Le 19/06/2020 par Morgane Russeil-Salvan

Le 8 juin, à Seattle, aux États-Unis, des manifestants du mouvement Black Lives Matter investissait le quartier de Capitol Hill, abandonné par les forces de police. Bientôt transformée en une « communauté autonome », la zone englobe notamment le parc de Cal Anderson, un espace entièrement gazonné.

C’est ici que Marcus Henderson, un militant afro-américain, a entamé la création d’un potager pour ce qu’internet surnomme « La Zone ». Sa méthode a fait l’objet de nombreuses moqueries sur les réseaux sociaux. Elle implique en effet un « système D » : planter les jeunes pousses au travers, voir sur des cartons étalés sur le sol.
 

« Le Jardin du Peuple », ironise un utilisateur sur Twitter. D’autres internautes ont créé une campagne GoFundMe parodique pour « sauver » l’une des plantes du potager de Capitol Hill.

Pourtant, la méthode employée par Henderson a déjà fait ses preuves. L’apprenti fermier, détenteur d’un master en urbanisme durable, est influencé par les règles de la permaculture, à laquelle il a été formé par l’Institut Heartwood, en Californie.

Cultiver sans labourer pour préserver la santé des sols

Dans un entretien accordé au média américain Crosscut, Marcus Henderson décrit sa méthode de la sorte : « C’est du jardinage sans labour. Nous étalons des cartons, que nous avons en quantité, ce qui permet de recycler une partie des déchets produits par le grand nombre d’habitants. Et on nous a fait des dons de compost, que nous étalons par-dessus. Nous plantons dans le compost, au travers du carton, dans la terre cachée en-dessous. Nous verrons si cela fonctionne. »

 

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Marcus Henderson parle de jardinage sans labour. En France, on utiliserait plutôt le terme d’agriculture de conservation. Le principe ? Ne pas retourner la terre en profondeur avant de semer ou de planter des jeunes pousses.

Pour les adeptes des « techniques culturales simplifiées » – un autre terme pour désigner le non-labour – l’important est de favoriser la vie microbienne du sol : la clé de sa fertilité. Bactéries, champignons, acariens et vers de terre aèrent naturellement le sol et décomposent les restes végétaux. Le labour perturbe leur environnement, exposant à l’air libre les organismes vivant en profondeur et enfouissant, à l’inverse, ceux qui ne survivent qu’en surface.

Le carton, paillage insolite mais efficace

Alternative au labour, le carton étouffe la pelouse ou les résidus des cultures précédentes en privant les plantes de lumière. Il est également possible d’utiliser des copeaux de bois ou des bâches pour obtenir le même effet, mais l’usage du carton a pour avantage supplémentaire celui de favoriser le recyclage.

La ferme écologique Seeds of Solidarity, qui propose des programmes d’éducation dans le Massachusetts, détaille cette « méthode carton » dans une des vidéos de sa chaîne Youtube. Ricky Baruc, co-fondateur de la ferme, explique qu’il est possible de planter les jeunes pousses en pleine terre, au travers du carton, mais aussi de semer des graines directement sur ce paillage improvisé.

« Il faut délimiter les espaces où vous allez planter », explique-t-il. Armé d’un marqueur, il dessine plusieurs cercles sur le carton qu’il découpe ensuite au cutteur. Il creuse, dans ces espaces, un trou juste assez profond pour y planter ses pousses de bok choy : c’est le seul travail du sol nécessité par cette technique nécessite.

La terre ainsi prélevée est étalée sur les cartons, pour éviter qu’ils ne s’envolent mais aussi pour accélérer leur dégradation. La jeune pousse est ensuite plantée dans un mélange de compost et de terre. Ricky Baruc l’assure : une saison suffit faire pourrir le carton sous sa couche de terre, révélant un espace parfait pour cultiver. Et ce sans retourner la moindre motte de terre.

Un peu plus tôt dans la vidéo, il s’approche d’un parterre plus ancien : sous le carton à moitié pourri grouillent des vers de terre en quantité impressionnante. « Il y avait des épinards ici », explique Ricky Baruc. Le carton, étalé directement sur les vieilles plantes, a permis de former sans effort un tout nouveau parterre.
 

 

Pour certaines cultures – notamment les salades – Ricky Baruc ne se fatigue même pas à creuser des trous dans son carton. Il se contente d’y étaler du compost et y sème directement ses futurs légumes. On retrouve ici la méthode employée par les jeunes jardiniers de Capitol Hill.

« Le carton fertilise le sol, permet de contrôler l’humidité et les mauvaises herbes », détaille le fermier. Le carton n’aurait donc que des avantages ? Pas tout à fait. Certains seraient nocifs pour la santé des sols. Il est ainsi impératif d’utiliser du carton brut, reconnaissable à sa couleur marron. Les cartons colorés sont à proscrire en raison des produits chimiques utilisés pour les teindre. À noter que même l’utilisation du carton brut demande un minimum de travail puisqu’il faut en retirer les agrafes et toute trace de ruban adhésif, non dégradable.

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