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« J’ai un secret : mon père, c’est Steve Jobs »

Le 29/11/2019 par Jean-Louis Marzorati
Petite chose, Mémoires, par Lisa Brennan-Jobs, éd. Les Arènes, 558 pages, 21,90 euros
Petite chose, Mémoires, par Lisa Brennan-Jobs, éd. Les Arènes, 558 pages, 21,90 euros

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« Au lieu de s’occuper de moi, il inventait des machines qui changeaient le monde. » L’autrice a le don du raccourci saisissant pour formuler les rapports yo-yo qui rythmèrent sa vie avec son géniteur. Comme lorsque, collégienne, elle confie à une copine d’école :
« – J’ai un secret. Mon père c’est Steve Jobs.
– C’est qui ? a demandé la fille.
– Quelqu’un de célèbre, ai-je répondu. Il a inventé l’ordinateur personnel, il vit dans une grande propriété et conduit une Porsche décapotable. Il en achète une nouvelle à chaque fois qu’elle a une rayure. »

(La « rayure » relève du fantasme, Jobs pouvait se montrer fantasque, mais il ne jetait pas l’argent « par les fenêtres »).

Leurs relations seront, jusqu’à la fin, marquées par ce très mauvais départ : « Cet enfant n’est pas de moi », assène Steve à Chrisann, la mère. C’est lui pourtant qui choisit le prénom, Lisa, sans pour autant la reconnaître.

Début des séquences déphasantes, entre deux foyers, pauvreté et opulence, précarité et puissance. Passionnantes par ce qu’elles nous révèlent sur l’homme Steve Jobs, plus que sur le génie médiatisé de Palo Alto. « Il était comme les sculptures de Michel-Ange saisies dans la pierre, mi-brutes, mi-lisses. » Un homme que la mère de Lisa – artiste peace and love – doit relancer pour qu’il s’acquitte de la pension alimentaire, et qui, impulsivement, lui achète un jour une voiture, un autre une maison. Un homme despotique, arbitraire, obligeant par à-coups Lisa à choisir entre sa mère et lui. L’invitant ainsi à Hawaï alors qu’elle a des cours à l’université : « Si tu ne te débrouilles pas pour faire ce voyage, tu ne devrais pas te considérer comme un membre de la famille. » Il est vrai qu’il fait peu de cas des cursus universitaires : « On y apprend comment pensent les autres […]. Ça tue la créativité et ça transforme les gens en crétins. »  Tout ce qui est convention semble d’ailleurs lui être étranger. il manifeste généralement une sorte de dédain, de mépris pour ce qui relevait des règles de la société.

« Même les lois, dit-il à Lisa. II n’est pas tant question de ce qu’on a le droit de faire ou non, que de la probabilité de se faire prendre ou non. »  Excessif, il peut passer d’une glaçante cruauté à un chaleureux élan de tendresse. « Tu n’auras rien, tu m’entends, rien du tout ! », lui avait-il un jour lancé, faisant allusion à un éventuel héritage. Et puis il y a cet autre jour : 
« –Au fait, Lisa, ça te dirait de changer de nom ?
– Pour quoi faire ?
– Prendre le mien.
– Tu veux dire… Jobs ? – Oui »
.
Ce jour-là, l’adolescente que Steve appelait « Petite chose », s’est sentie pour la première fois « de la famille ».
 

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