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L’anti Black Mirror : quand la fiction rend le futur désirable

Pour imaginer des futurs utopiques et trouver des solutions innovantes aux problèmes de notre société, le cabinet Bluenove a lancé les ateliers d’écriture Bright Mirror. Notre journaliste s’est prise au jeu.

Le 11/10/2018 par Paola De Rohan-Csermak
(Crédits : @bluenove)
(Crédits : @bluenove)

Notre imagination est une « arme de construction massive » inestimable, selon Antoine Brachet, un des directeurs de Bluenove, cabinet de conseil en intelligence collective.  Sa mission : libérer l’imaginaire de millions de personnes grâce à l’écriture collective d’utopies, pour qu’émergent des solutions innovantes aux problèmes de notre société.

Une dizaine de sessions « Bright Mirror » (pied de nez à la série « Black Mirror ») se sont tenues cette année à Paris, Nantes, Agen, Mâcon et Annemasse. 200 scénarios futuristes rédigés par 500 personnes ont été passés au crible d’un algorithme et soumis à un comité éditorial, en charge de classifier et synthétiser les idées.

Le dernier atelier, consacré au Grand Paris circulaire, financé par la Métropole du Grand Paris, s’est déroulé le 4 octobre après-midi au Beffroi de Montrouge. We Demain était partenaire de l’événement.
 
Dans l’un des salons art déco, de petites tables rondes, munies de papiers blancs, de post-it et de stylos, invitent à travailler par groupes de deux à quatre. Le public est varié. Les benjamines, Clémentine et Eugénie, font équipe. « Vous venez tous avec le même bagage, votre imagination et votre optimisme », commence Antoine Brachet pour détendre l’atmosphère. « Vous allez successivement adopter trois postures. Spectateurs, auteurs et acteurs… »

Spectateurs actifs

D’abord l’échauffement. Deux intervenants invitent les participants à interroger nos modèles économiques. « Les biens d’une maison font le poids d’1 hippopotame explique la première, dessin à l’appui. Pour les produire, on a utilisé une masse de matériaux égale à 18 hippopotames. La maison a coûté le poids de 44 hippopotames… « . « Pour mettre fin au gaspillage, il existe un autre modèle : l’économie de la fonctionnalité, commente le deuxième.  On achète ou vend des usages, non des biens et des services. Ce modèle inclut l’économie circulaire.« 

Ketty Steward, auteure de science-fiction, décomplexe les troupes : « Oubliez l’idée géniale. Lancez-vous. Soyez qui vous voulez. On dit qu’une histoire commence quand un personnage a un désir ou une envie. » Certains participants prennent déjà leur stylo. « Pendant 1h, vous jouerez au cadavre exquis : un groupe écrit une partie du récit sur un papier qu’il passe au groupe suivant ; il doit écrire la suite, etc. Chaque nouvelle s’écrira sur quatre tables. Vous commencerez par : 4 octobre 2050. Je marche dans un grand Paris circulaire et… »

Auteurs

20mn pour faire fleurir les idées. Des post-it roses, jaunes et bleus ont recouvert les tables. Clémentine et Eugénie cherchent les thématiques en relation avec le Grand Paris circulaire : l’éducation, le transport, l’habitat, la nourriture… avant de se lancer.

« Je » sera un enfant. Il se presse de rejoindre les copains dans la cour de partage de l’école pour cultiver les légumes de la cantine : des potiverts, par exemple… Trop tard pour vanter la qualité de ses vêtements recyclés : le groupe de gauche tend sa feuille et celui de droite attend.

Léa, leur nouveau personnage, a 80 ans. Elle ne se voit pas à la retraite avant 20 ans. « Son job serait de faire des gros câlins aux collaborateurs » propose Eugénie. « Cette initiative a amélioré l’ambiance de l’entreprise », précise Clémentine avant de procéder au deuxième échange.
 

(Crédit : Julie Albet)

Les voilà responsables d’un chien en vadrouille. La Défense est une jungle. Paris pourvoit à sa consommation. Lui-même fertilise de ses crottes le jardin de l’Elysée, il ne mange que bio. Vite, inventer une loi qui assure aux animaux la sécurité sociale avant de confier le toutou à la table voisine.

L’homme dont elles doivent achever l’histoire vit une grossesse heureuse. Les jardins solidaires permettent à tous les Parisiens de se nourrir, les perturbateurs endocriniens ont disparu des produits chimiques. Le héros bénéficie de cours de sophrologie gratuits et se prépare à un accouchement sans douleur. Elles doivent conclure. Elles déclenchent les contractions.

Acteurs

Leur visage s’assombrit. Le petit écolier dont elles ont initié le récit est un cyborg, un outil pédagogique pluridisciplinaire, fait de matériaux de récupération. C’est l’ami d’un légume doté de vie animale. Pas le temps de méditer sur le devenir de leur personnage, chaque groupe a 30mn pour transcrire et numériser la nouvelle qu’il a initiée, avant de la lire au micro. Sur un grand tableau blanc, la dessinatrice Johanna de Mones résume la séance.

Nathalie, une habituée des ateliers « Bright Mirror », juge l’exercice du cadavre exquis « très stimulant ». « On peut croiser les histoires, dit-elle avec un clin d’œil. J’ai présenté Léa à mon personnage, Théo. Entre eux, ça roule. » Mais Patrick trouve « frustrant d’abandonner à d’autres le personnage auquel on a donné vie ».

Une vingtaine d’auteurs de BD se sont approprié 12 des 200 scénarios publiés sur le site de Bluenove. Leurs planches seront éditées en décembre. Des prémices à des sessions « Bright Mirror » BD, pour les adeptes du dessin ?
 

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