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Quand la lutte anti-gaspi et la sobriété s’invitent dans les cantines scolaires

Adapter, doser, éduquer. Lorsque les élèves des écoles maternelle et élémentaire de Saint-Germain-Laprade (Haute-Loire) déjeunent à la cantine, c’est la politique du zéro gaspillage qui s’applique. Tout doit être avalé, préoccupations environnementales et économiques obligent. Les portions distribuées sont revues à la baisse pour correspondre à des estomacs d’enfants et non à des yeux d’adultes. Quitte à ce que les élèves demandent du rab. La dose minimale est adaptée à chaque repas et en fonction des aliments.

Le service, lui, est organisé selon les tranches d’âges des enfants, les plus petits mangeant avant leurs aînés. « Les élèves sont divisés en deux groupes : les 3 à 6 ans et les 7 à 11 ans. On augmente la taille des portions lorsqu’on passe aux plus vieux, qui ont plus d’appétit« , détaille Jérôme Suc, responsable du restaurant municipal de cette commune de 3 600 habitants, proche du Puy-en-Velay. Et à l’âge où tout change vite, les équipes mènent « des petits audits continus pour se rendre compte des goûts et des besoins de l’enfant. On réajuste ensuite ce qu’on met dans leurs assiettes« , continue-t-il.

En 2022, WE DEMAIN a noué un partenariat avec le Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ). Onze jeunes journalistes en contrat de professionnalisation ont travaillé à la production d’une série d’articles autour du thème de la sobriété. Retrouvez ici l’ensemble des sujets publiés sur la question.

52 000 repas anti-gaspi servis chaque année

Ne pas avoir de portions uniformes est particulièrement important pour le restaurant municipal de Saint-Germain-Laprade. En effet, il approvisionne aussi la crèche communale, le centre de loisirs et ses encadrants, l’hébergement temporaire pour seniors et le service de portage à domicile. 52 000 repas sont servis chaque année, dont deux tiers aux scolaires. Pour un prix allant de 30 centimes à 4 euros selon les quotients familiaux.

La lutte anti-gaspi, parce qu’elle fait revoir à la baisse la quantité de denrées servies et donc achetées, réduit d’un cinquième le prix du repas. « On demande aussi à nos fournisseurs de s’adapter et de créer des produits pour nous. Par exemple, les steaks ou les yaourts ne font pas 125 ou 150 grammes mais 100« , précise Jérôme Suc.

Un cadre réglementaire strict

Saint-Germain-Laprade se situe à l’avant-garde d’une « vraie prise de conscience » pour aller vers la sobriété dans les cantines françaises, d’après Laurence Gouthière. Chargée de la lutte contre le gaspillage alimentaire à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), elle suit depuis des années le sujet : « Il n’est plus possible de ne rien faire. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire [adoptée en 2020, elle concerne autant les établissements publics que privés N.D.L.R.)] impose de réduire de moitié le gaspillage alimentaire dans la restauration collective d’ici 2025 par rapport à son niveau de 2015. Les collectivités territoriales ont été mises devant leurs responsabilités.« 

Avec l’Ademe, qui intervient auprès des cantines pour réaliser des diagnostics et proposer des solutions pour réduire les déchets, elle constate que les premières mesures donnent rapidement des résultats. Mais l’objectif des 50 % de gaspillage en moins est beaucoup plus compliqué à atteindre. « Il faut changer beaucoup de process, comme instaurer un système de réservation de repas », prévient Laurence Gouthière.

Un lutte anti-gaspi plus simple dans les cuisines intégrées

Parmi les autres initiatives à mettre en œuvre, la représentante de l’Ademe cite l’exemple des pastilles de couleur à apposer sur les plateaux au moment de passer au self. Pour quoi faire ? Pour indiquer aux cantiniers sa « grosse ou petite faim ». Mais une seule action isolée ne suffira pas.

Comme à Saint-Germain-Laprade,« il faut que tout le monde s’implique, qu’il s’agisse du gestionnaire, des équipes éducatives et en cuisine, des élèves, etc.« . Avec une constante : c’est dans les cantines à la cuisine intégrée, et non ravitaillées par une cuisine centrale, que les changements sont les plus faciles. « Les cuisiniers connaissent mieux les élèves dans ces conditions« .

En Dordogne, les élèves des collèges sont associés à la conception des menus. Des petits groupes de « testeurs » sont invités durant la récréation du matin à veni goûter les plats qui seront servis lors du déjeuner. Crédit : Conseil départemental de Dordogne/Denis Nidos.

La bonne idée anti-gaspi : associer les élève au menu

Le Conseil départemental de Dordogne figure parmi les collectivités en pointe sur la sobriété alimentaire. Dans ses 35 collèges, dont neuf intégralement approvisionnés en produits bio, la lutte anti-gaspi est le corollaire de l’alimentation durable et de qualité promue par la collectivité territoriale.

« Nos élèves sont associés à la conception du menu. Par petits groupes, ils peuvent venir goûter les plats lors de la récréation du matin et donner leur avis« , explique Aurélie Mansard, diététicienne pour le Département. Il a fallu roder les surveillants et les cuisiniers à un même discours vantant le bio, le local et ses bénéfices pour la santé et l’environnement.

La pédagogie fait beaucoup dans le succès de cette nouvelle sobriété

Des bouchers ont été recrutés pour découper les viandes sur place et récupérer tous les morceaux possibles. « Cela permet de consommer l’animal dans sa globalité. Et de se détacher de la livraison de pièces ‘’standardisées’‘ », reprend Aurélie Mansard. Les portions sont adaptées et les élèves finissent leurs plats. Résultat, le gaspillage des collèges périgourdins est estimé à à 50 grammes par plateau, 30 dans les collèges au tout bio. « Si dans certains établissements, on est à 100 grammes (la moyenne nationale est à 110 grammes d’après l’Ademe), c’est une alerte« , poursuit la diététicienne. Elle est persuadée que « quand on explique aux jeunes l’histoire d’un produit et comment il est préparé, il n’y a pas de gaspillage. »

Sensibiliser au contenu de l’assiette est la clé dans la lutte anti-gaspi. À Saint-Bonnet-le-Froid, petit village de Haute-Loire limitrophe de l’Ardèche, situé à une cinquantaine de kilomètres de Saint-Germain-Laprade, c’est le chef trois étoiles Régis Marcon qui élabore les menus de la cantine de l’école primaire. Avec un souci pour l’éducation au « bien manger » : « Honnêtement à l’âge des élèves, le gaspillage n’est pas encore leur souci. Mais c’est à ce moment qu’on doit leur apprendre à respecter le produit. »

Auteur : Nicolas Binoux.

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