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Abdeljalil Cherkraoui : « L’ESS garantit une croissance qui profite aux Africains »

Abdeljalil Cherkraoui est coordinateur du Réseau africain de l’économie sociale et solidaire. À l’occasion des Rencontres du Mont-Blanc, il explique à wedemain.fr comment l’ESS peut générer un développement profitable au continent et à ses populations.

Le 12/11/2013 par WeDemain

L’Afrique est désormais le continent de la planète qui connaît la croissance la plus forte. Quel regard portez-vous sur cette situation inédite ?

Ces chiffres, qui émanent de la Banque Africaine de Développement, sont discutables. D’abord, car rares sont les Africains à bénéficier des fruits de la croissance. D’autre part parce que cette croissance n’inclut pas les externalités négatives qu’elle génère. Il y a parfois des entreprises qui viennent s’installer et polluent tout en employant des expatriés. Cela fait certes monter la croissance, mais il s’agit uniquement de la quantité de marchandise générée. La dynamique économique doit améliorer concrètement la situation des Africains. L’Économie sociale et solidaire en est la meilleure garantie parce que les bénéfices qu’elle génère irradient la société africaine.

Dans quels secteurs l’ESS est-elle appelée à se développer en Afrique ?
 
Agriculture, production industrielle, services à la personne, on ne le répètera jamais assez : il n’y a pas de secteur qui soit interdit à l’économie sociale et solidaire. Prenons l’exemple des transports. Dans certains pays africains – la plupart à vrai dire – le secteur est absolument chaotique. Si les taxis motos s’organisent en mutuelle, ils peuvent mettre en commun les frais de réparation et de carburant. Ils peuvent aussi décrocher des contrats auprès des pouvoirs publics, auprès des services de santé pour pouvoir faire intervenir un médecin lorsqu’une femme accouche dans un village. Il en va de même pour les ressources pour lesquelles la forme coopérative peut permettre aux Africains de se réapproprier leur richesse. Il faudra cependant pour cela rompre avec les gouvernements autocratiques qui signent des contrats sans donner voie de chapitre aux populations concernées.
 
En Égypte l’économie sociale et solidaire possède un fort potentiel dans le tourisme responsable, alors que pour l’instant l’argent du secteur est capté par de grandes compagnies occidentales. C’est en résolvant la misère qu’on résoudra la crise politique que traverse ce pays et qu’on fera par exemple avancer le droit des femmes, car le fondamentalisme se nourrit de la pauvreté.

Pourquoi a t-on besoin d’un réseau d’Économie sociale et solidaire structuré à l’échelle du continent africain ?
 
Le continent africain a une longue tradition de vie collective et solidaire, souvent informelle, qu’il faut valoriser. Le Réseau Africain de l’Économie sociale et solidaire agit comme inter-médiateur auprès des associations, coopératives et mutuelles pour les aider dans leur développement sur le continent et renforcer leur visibilité aux yeux du monde. Notre conception de l’économie sociale et solidaire s’appuie sur les valeurs plus que sur les statuts. Pendant l’époque coloniale, il n’y a jamais eu autant de coopératives. On était pourtant bien loin de l’économie sociale.
 
Il y a une réelle nécessité aujourd’hui : sortir d’une lecture à sens unique de la mondialisation, dans laquelle les pays du Nord appliquent aux pays du Sud des concepts qui ne leur conviennent pas. Je pense par exemple aux technologies de l’information et de la communication. N’oublions pas qu’à Conakry, il y a des coupures de courant de plusieurs heures et que tout le monde n’a pas accès à un ordinateur. On a besoin que les pays du Sud puissent faire entendre leur voie dans les grandes discussions car ils sont les mieux placés pour penser leurs modalités de développements.
 

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