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Biocarburant : bientôt du whisky à la pompe ?

Ce n’est pas une blague mais un projet très sérieux. L’idée vient du professeur Martin Tangney, de l’université Napier située à Édimbourg en Écosse. Ce dernier a fondé en 2007 le premier centre de recherche en biocarburant au Royaume-Uni. Il a passé en revue de très nombreuses matières premières renouvelables et peu chères (algues, papier journal…) qui pourraient servir à créer un biocarbuant viable commercialement. Écosse oblige, il n’a pas pu s’empêcher de tester le whisky, où du moins les déchets qui résultent de sa fabrication.

Pas moins de 44 bouteilles de whisky sont expédiées aux quatre coins de la planète chaque seconde. Cette industrie, qui représente une valeur de près de 6 milliards d’euros par an, produit donc énormément de déchets. Dans l’idée de ne pas gâcher et de valoriser des matières vouées à la destruction, Martin Tangney s’est donc intéressé aux moût sucré fermenté pour voir s’il était possible d’en faire quelque chose. Et il s’est assez vite aperçu du potentiel des céréales fermentées pour créer du biocarburant.

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La fabrication du whisky, quel gâchis !

Pour chaque litre de whisky produit, il reste environ 2,5 kilos de drêches, les résidus issus d’un brassage ou d’une distillation, et 8 litres de « pot ale », un liquide jaune qui ressemble un peu à de la bière. Au niveau global du marché, on estime que cela représente 2,3 milliards de litres de « pot ale » et 684 000 tonnes de drêches par an. Jusqu’à présent, si certains transforment les drêches en engrais naturels via le compostage, la grande majorité de ces résidus n’est pas valorisée et finit dans les rivières, les océans ou les champs.

Martin Tangney a fondé la société Celtic Renewables pour produire en grande quantité du biocarburant à partir des sous-produits de l’industrie du whisky écossais. Il a mis au point un processus de fermentation connu sous le nom d’acétone-butanol-éthanol (ABE) qui permet de décomposer les sucres des résidus, les transformant en acide. À partir de là, les acides sont décomposés en alcools primaires – comme le butanol et l’éthanol – qui servent de base aux biocarburants. Ainsi Celtic Renewables a d’ores et déjà fait rouler une voiture Ford non modifiée avec du carburant mélangé à 15 % avec du biobutanol. Son usine, qui a une capacité de transformation de 50 000 tonnes de résidus de whisky par an, sera pleinement opérationnelle d’ici la fin 2022.

Du biogaz pour la distillerie Glenfiddich

Il est également possible de réaliser une méthanisation des résidus permettant de produire un biogaz à faible teneur en carbone. C’est ce que fait la célèbre distillerie Glenfiddich, située dans le village de Dufftown, dans le nord-est de l’Ecosse. Pour tester le système, elle s’est dotée de trois camions ad hoc afin de pouvoir transporter ses spiritueux dans tout le pays en utilisant une source d’énergie renouvelable à très faible teneur en carbone. A la clé, environ 250 tonnes de dioxyde de carbone en moins dans l’atmosphère chaque année. C’est 90 % d’émissions en moins par véhicule par rapport à un carburant classique.

L’objectif est désormais de basculer l’ensemble de sa flotte, 20 camions, en véhicules roulant au biogaz. « Si l’on tient compte du coût d’achat du camion, de son fonctionnement et de son entretien pendant toute sa durée de vie, ainsi que du prix du carburant, le coût du biogaz est très similaire à celui du diesel », estime Stuart Watts, directeur des distilleries de l’entreprise. A l’heure actuelle, les biocarburants ne représentent encore que 3 % des carburants utilisés sur la planète.

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