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Cette usine américaine capture le CO2 dans l’air

Elon Musk a promis de financer “la meilleure technologie” de captage de CO2 dans l’air pour freiner le réchauffement climatique. Aux États-Unis, une usine de l’Illinois a déjà franchi le pas.

Le 25/01/2021 par Vincent Rondreux
capture le CO2
Divers projets de captage du CO2 existent. L’entreprise suisse Climeworks construit des usines faites de ventilateurs qui propulsent l’air ambiant à travers des filtres constitués de granulés poreux avec lesquels le CO2 se lie chimiquement. Une fois un filtre saturé en CO2, il est chauffé pour libérer le gaz concentré. Climeworks espère ainsi capter 1 % des émissions mondiales d’ici 2025, ce qui nécessiterait selon elle d’installer 250 000 usines. Que de CO2 dépensé pour en capter  ! (Crédit : Julia Dunlop/Climeworks)
Divers projets de captage du CO2 existent. L’entreprise suisse Climeworks construit des usines faites de ventilateurs qui propulsent l’air ambiant à travers des filtres constitués de granulés poreux avec lesquels le CO2 se lie chimiquement. Une fois un filtre saturé en CO2, il est chauffé pour libérer le gaz concentré. Climeworks espère ainsi capter 1 % des émissions mondiales d’ici 2025, ce qui nécessiterait selon elle d’installer 250 000 usines. Que de CO2 dépensé pour en capter  ! (Crédit : Julia Dunlop/Climeworks)

Cet article a initialement été publié dans le numéro 29 de la revue WE DEMAIN, paru en Février 2020, disponible sur notre boutique en ligne.

À Decatur, dans l’Illinois, une usine fabrique de l’éthanol par fermentation du maïs. Un processus qui émet de grandes quantités de CO2 dans l’atmosphère. Sauf que depuis 2017, ce CO2 est isolé, compressé puis envoyé dans un pipeline. Direction le sous-sol du mont Simon Sandstone, à environ deux kilomètres de profondeur. Objectif de ce projet à plus de 200  millions de dollars du géant américain de l’agro-industrie Archer Daniels Midland (ADM), soutenu par le ministère américain de l’Énergie ? Stocker tous les ans, dans les entrailles de la Terre, environ un million de tonnes de CO2 issues de l’usine. Une première mondiale. Selon Todd Werpy, directeur technique de la firme, « la technologie que nous utilisons peut être un modèle pour réduire les émissions industrielles de carbone à travers le monde »

Les premiers projets de captage et d’injection de CO2 pressurisé sous terre ont été menés dans les années 1980 par des producteurs de pétrole, afin de ­récupérer davantage d’or noir ! Mais depuis le début du millénaire, à l’heure de l’urgence climatique, cette technique est aussi expérimentée dans le but de réduire les émissions d’activités industrielles : centrales électriques à charbon ou à gaz, production d’acier, de ciment, d’engrais… Selon ETC Group, une ONG nord-américaine qui surveille ce type de technologies, il existe environ 80 projets de captage et stockage de CO2 en cours dans le monde, et une trentaine d’autres sont planifiés.

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Moins de CO2 dans l’air mais des effets secondaires

Appliqué à grande échelle, le concept porte le doux nom de « bioénergie avec captage et stockage du carbone », BECSC pour les intimes. Et il ne s’agit pas seulement de capter du CO2 dans l’atmosphère pour le stocker, mais aussi de développer des cultures de végétaux absorbant du CO2 atmosphérique durant leur vie. Reste alors à transformer ces plantes en agrocarburants utilisables dans les centrales de chauffage ou d’électricité : biodiesel à partir d’huile, comme l’huile de palme ; bioéthanol à partir notamment du sucre de la canne ou de la betterave, ou encore à partir de l’amidon du blé ou du maïs, comme l’usine ADM de Decatur. Avec de tels carburants, émettant du CO2 qui sera à nouveau absorbé par les plantes promises à être elles-mêmes transformées en carburant, la boucle serait bouclée.

Selon une étude de l’Institut de recherche de Potsdam (Allemagne) sur les effets du changement climatique, convertir 10 % des terres naturelles les plus productives pour séquestrer du CO2 atmosphérique grâce aux plantes permettrait de limiter la hausse de température à 2 °C à l’horizon 2100… mais cela anéantirait ou dégraderait de nombreux habitats naturels, de l’ordre de la moitié des pâturages actuels. Et pour rafraîchir la planète d’un degré, il faudrait monopoliser 25 % de ces terres, ce qui équivaudrait à une disparition massive d’habitats naturels.

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Le principe est néanmoins assez séduisant pour que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime, dans plusieurs de ses scénarios, que ces bioénergies avec captage et stockage du CO2 pourraient, dans la deuxième partie du siècle, retirer chaque année jusqu’à plus de 20 milliards de tonnes de CO2 de l’atmosphère (on en émet actuellement environ 40 milliards de tonnes par an) afin de limiter le réchauffement à 1,5 °C. Mais cette technologie reste « incertaine », précise le même GIEC. Les cultures d’agro­carburants entrent en concurrence avec les parcelles alimentaires, accroissent la déforestation, l’accaparement de terres, la perturbation des sols… Sans oublier leur faible taux de retour énergétique, le coût élevé du captage de CO2 et l’incertitude sur la fiabilité des puits de stockage géologique.

Pour l’ONG Biofuelwatch, l’application de cette technique à grande échelle entraînerait de nombreux effets secondaires : conversion de terres en mono­cultures énergétiques, dégradation d’écosystèmes, sur­exploitation de forêts… amplifiant ainsi le chaos ­climatique qu’elle prétendait régler  ! 

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