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En Arménie, j’ai découvert l’aquaponie, une solution agricole durable face aux problèmes d’eau

RÉCIT. Par Marie Boisseau, étudiante en Lettres à Poitiers.

Le 19/07/2017 par WeDemain

Étudiante en Lettres – Sciences Po à l’Université de Poitiers, je me suis envolée pour l’Arménie en mai afin de réaliser mon stage de fin de première année au sein d’Impact Hub Yerevan, durant deux mois.

« Mais pourquoi l’Arménie ? »  était la réaction la plus courante à laquelle j’avais le droit lorsque je parlais de mon projet. Si les origines arméniennes d’une partie de ma famille ont motivé cette décision, ce pays niché entre les montagnes est également bien plus qu’une simple partie du vaste « trou noir » que représente le Caucase pour Brzezinski (Le Grand Echiquier). Sa culture, son histoire et sa biodiversité en font un pays unique animé par une jeunesse pleine de ressources et d’idées qui provoque le changement.

Ma licence nous laissant libre pour nos stages, j’ai décidé de le réaliser avec l’ONG arménienne Green Age à Yerevan. Son principal domaine d’action est l’agriculture biologique.

Green Age

Née en 2013, cette ONG est spécialisée dans l’aquaponie (combinaison de l’aquaculture et l’hydroponie), un système auto-suffisant basé sur l’utilisation d’excréments de poissons comme engrais pour les plantes cultivées hors-sol, grâce à un circuit fermé dans lequel l’eau est le principal vecteur.

En effet, l’essence écologique de ce système réside dans sa non-consommation d’eau grâce à sa continuelle réutilisation au sein de la serre et à l’emploi d’énergies renouvelables, telles que le photovoltaïque. De plus, la production est entièrement biologique car n’utilise aucun pesticide ou produit chimique.

L’idée d’une nature qui se suffit à elle-même se constate jusque dans les moindres détails avec la formation naturelle d’herbes aquatiques dans les bacs où se trouvent les plantes, qui servent ensuite d’aliments pour les poissons.

Ainsi, l’autonomie d’une serre d’aquaponie en fait un système idéal pour les zones touchées par la sècheresse et les sols appauvris. Le but premier étant de subvenir aux besoins alimentaires des populations locales, offrant la possibilité de développer un commerce et créant ainsi des emplois. 

Sensibiliser à l’agriculture biologique

Green Age a mis en place sa première serre en 2014 dans le village d’Apaga (région d’Armavir), avec le soutien de l’Ambassade Norvégienne à Moscou. Elle est la seule serre d’aquaponie reconnue dans le Caucase par l’European Union Aquaponics Hub. Depuis, l’ONG a mené plusieurs projets comme la construction d’« aquaponics schools » dans la région de Syunik afin de sensibiliser les enfants (et les parents) à l’agriculture biologique. 

Le dessein de cette action est de répondre aux problèmes de gestion de l’eau en Arménie, notamment causée par une utilisation intensive des deux sources majeures du territoire.

En effet, en 2002, le Lac Sevan a connu une forte baisse de niveau et une importante dégradation de son écosystème, conduisant le gouvernement à réduire son utilisation (décision qui risque d’être supprimée par l’actuel gouvernement). Ainsi, l’aquifère de la Vallée d’Ararat est aujourd’hui utilisée comme la principale source alternative pour alimenter les étangs artificiels de l’industrie du poisson et les cultures.

Seulement, en plus de la pression négative exercée sur cet aquifère et donc le niveau des sols, les eaux usées sont rejetées dans les bassins fluviaux connectés, comme l’Araxe. Ces derniers délimitent une partie de la frontière turco-arménienne, risquant ainsi de devenir une source de tensions entre les deux pays.

Des mines d’or pas si enrichissantes

Mais la gestion de l’eau n’est pas le seul challenge environnemental de Nairi (nom assyrien de l’Arménie historique signifiant « la terre des sources »). L’une des grandes problématiques écologiques est celle des mines d’or, cuivre et autres métaux précieux.

Aujourd’hui, on en décompte près de 700 sur tout le territoire arménien, dont la tristement célèbre – pour ses dégâts environnementaux – Teghut, dans la région de Lori (nord du pays).

Bien qu’il existe un activisme environnemental en Arménie, les actions sont souvent compromises du fait de la grande promiscuité entre les sphères politiques et industrielles. Ainsi, la mobilisation en 2008 contre la construction de la mine de Teghut s’est muée en échec, faute de moyens face aux multinationales et à l’argument de la « création d’emplois » du gouvernement.

Les dégâts causés par ces mines sont divers : la mise en danger d’espèces, la destruction de milliers d’hectares de végétation et la création de lacs artificiels appelés Tailings.

Remplis de déchets toxiques créés par l’exploitation minière, ils provoquent des malformations à la naissance ainsi que de nombreuses maladies au sein des populations environnantes.

Mais la multiplication des mines se poursuit, avec l’ouverture de la mine d’or d’Amulsar (région de Vayots Dzor), en 2018, par la compagnie britannique Lydian Corporation. Si cette dernière avance que les nouvelles technologies d’exploitation permettront de ne générer aucun déchet toxique, les activistes assurent que les dégâts environnementaux seront sans précédents, comprenant l’extinction d’espèces locales.

Cela provoquera également des impacts sociaux négatifs comme la destruction de la station thermale de Jermuk, un lieu touristique important qui crée des emplois dans la région. Consciente de ces problèmes, Lydian Corporation promet des compensations financières, une intense communication avec la population locale ou encore des plans de protection de l’environnement. Et le gouvernement acquiesce face à ces promesses désuètes. 

La lutte contre le changement climatique et l’État d’oligarques qui mine l’avenir des citoyens et citoyennes est de taille en Arménie. Tant pour la santé publique que pour la simple préservation de la beauté des paysages arméniens. 
 

Marie Boisseau

Après un bac ES obtenu en 2016, j’ai intégré la licence Lettres – Sciences Po de l’Université de Poitiers dans le département de Lettres et Langues.

Dans le cadre de cette formation, nous devons réaliser un stage de minimum trois semaines en fin de première année. La liberté de choix et le soutien de nos professeurs m’a amené à repartir en Arménie (mon dernier voyage étant il y a 10 ans). J’ai décidé de travailler dans le milieu de l’environnement et plus précisément de l’agriculture biologique et les innovations qui rythment son évolution, comme l’aquaponie, dans l’esprit de donner plus de pouvoir aux populations locales.

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