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“Comment des entreprises concurrentes collaborent pour relever des défis sociaux”

ILS CHANGENT D’ÉPOQUE. Par Maguelone, Yoon-Joo, Alexandre et Simon, étudiants à l’EDHEC Lille, actuellement en année de césure à Kampala (Ouganda).

Le 15/06/2015 par WeDemain
ILS CHANGENT D’ÉPOQUE. Par Maguelone, Yoon-Joo, Alexandre et Simon, étudiants à l'EDHEC Lille, actuellement en année de césure à Kampala (Ouganda).
ILS CHANGENT D’ÉPOQUE. Par Maguelone, Yoon-Joo, Alexandre et Simon, étudiants à l'EDHEC Lille, actuellement en année de césure à Kampala (Ouganda).

ÉPISODE 6. Au lieu d’opter pour un stage classique en parallèle de leur école de commerce, nos quatre contributeurs sont partis en Ouganda pour aider au développement de modèles économiques à fort impact social. Dans leur sixième billet, ils expliquent comment l’entreprise sociale Green Bio Energy s’associe à des partenaires, même concurrents, pour atteindre ses objectifs.

Kampala, le 15 juin 2015.
 
Comment une entreprise comme Green Bio Energy (GBE), qui oeuvre au développement des énergies alternatives en Ouganda, s’y prend-elle pour développer des partenariats locaux et internationaux ? Depuis notre arrivée à Kampala, en février, au fil de notre collaboration avec cette entreprise, nous avons pu observer l’ampleur du travail que nécessite un tel développement.

C’est l’idée de la  « collaboration radicale », un concept selon lequel les défis sociaux et environnementaux auxquels le monde fait face ne se relèvent qu’en collaborant entre entreprises, même concurrentes.

Pour créer un impact social positif, l’entreprise doit d’abord repérer comment et avec quels acteurs locaux elle peut collaborer, ces derniers détenant les données clefs du territoire sur lequel elle s’est installée. Pour les connaître, GBE s’est donc lié aux associations et ONG locales. Ces dernières lui permettent en outre de définir sa « proposition de valeur », autrement dit les services qu’elle destine à sa clientèle afin que celle-ci la choisisse elle, plutôt que ses concurrents.

Si la collaboration est réussie, elle permet une « coconstruction de valeurs ». Concrètement, il s’agit, pour des partenaires aux valeurs et objectifs communs mais aux modes opératoires différents, de trouver une façon intelligente de travailler ensemble. L’impact social est par conséquent intensifié pour l’entreprise, ses partenaires et les habitants d’une communauté ciblée.

En s’associant avec des les ONG BRAC et Living Goods, dans un pays où 85 % de la population vit en zone rurale, GBE jouit d’une proximité précieuse avec les communautés locales les plus inaccessibles (géographiquement et/ou socialement). Ces dernières assurent le rôle de relai entre l’entreprise et les habitants, tout en formant les communautés sur place à partir des techniques délivrées par l’entreprise.

Pour les ONG comme pour l’entreprise, il s’agit d’un échange pertinent : tandis que BRAC et Living Goods aident GBE à atteindre son public, GBE met à leur disposition ses produits et services. C’est ainsi qu’en janvier 2015, une communauté villageoise d’une centaine d’habitants a été formée à la fabrication de fours à base de terre cuite.
 

La collaboration entre des acteurs concurrents ne s’arrête pas aux frontières ougandaises. Les soutiens de GBE viennent de plusieurs grandes universités internationales, qui lui apportent des ressources intellectuelles et humaines. Des liens étroits se sont par exemple tissés avec le MIT (Massachusetts Institute of Technology), plus précisément avec son laboratoire dédié au développement : le D-Lab .

Celui-ci fournit à GBE des assistances techniques sur le design et l’efficacité de ses produits, mais aussi sur des aspects commerciaux. Pour ce faire, une équipe de volontaires a été dépêchée en 2014 afin de mener des études marketing, au bénéfice de GBE. La collaboration internationale passe également par des réseaux comme la Global Alliance for Clean Cookstoves, une ONG américaine qui fédère et soutient les fabricants de fours améliorés dans les pays en développement. L’objectif étant d’équiper 100 millions de familles d’ici à 2020.

Mais ce n’est pas tout. La collaboration radicale peut aller jusqu’à la « coopétition », c’est-à-dire la collaboration opportuniste entre différents acteurs économiques qui sont ou pourraient être des concurrents. Un concept pertinent quand il s’agit de faire adopter un nouveau produit au plus grand nombre.

Le plus gros client de GBE est UpEnergy, une autre entreprise sociale qui centre son activité sur les fours améliorés, qu’elle achète majoritairement auprès de GBE. C’est notamment grâce à cette coopétition que GBE peut rendre ses produits accessibles au plus grand nombre d’Ougandais. Cela dit, cet accord montre ses limites : les fours d’UpEnergy et de GBE, exactement similaires mais sous des marques différentes, se retrouvent parfois en concurrence directe. Ce fut notamment le cas lors d’une foire commerciale qui a eu lieu dans l’est du pays au début de mois de mai, à laquelle nous avons assisté.

Si son cadre et ses limites sont bien délimités, la collaboration radicale s’impose comme une solution de choix pour les défis environnementaux et sociaux de notre temps. L’enjeu est désormais de mettre en place cette collaboration à une échelle suffisamment grande pour que d’autres communautés puissent en profiter à leur tour. 

Et pour (re)lire les précédents volets de notre aventure en Ouganda, c’est par ici -> Épisode 1    / Épisode 2    / Épisode 3   / Épisode 4  /  Épisode 5

Maguelone, Yoon-Joo, Alexandre et Simon sont étudiants en école de commerce à l’EDHEC. 

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