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En 2040, les ours blancs pourraient avoir disparu de la banquise : voici pourquoi

RÉCIT. Par Jean-Paul Curtay, nutrithérapeute et auteur.

Le 12/01/2017 par WeDemain
RÉCIT. Par Jean-Paul Curtay, nutrithérapeute et auteur.
RÉCIT. Par Jean-Paul Curtay, nutrithérapeute et auteur.

De l’Islande à la péninsule antarctique, Jean-Paul Curtay est parti en « croisière-expédition » autour des nouvelles routes maritimes rendues possibles suite à la fonte des glaces. Chaque semaine, il la raconte à We Demain. 

Les lieux de débarquement se suivent et ne se ressemblent pas (mais pas du tout) : aujourd’hui c’est sur la banquise.

Le commandant et les officiers de L’Austral ont « chassé » pendant la nuit un patch de banquise dérivante grâce aux images satellitaires. Car elle est devenue beaucoup plus rare.

L’été, entre 1970 et 2000, sa surface minimale était de 6,5 millions de km² . En 2012, elle était de 3,41 millions de km². Au cours de l’été 2015, la surface couverte par la banquise a atteint le quatrième point le plus bas depuis 1979, couvrant 34 % moins que la moyenne entre 1979 et 2000. Son épaisseur moyenne ayant aussi diminué, la banquise a perdu environ la moitié de son volume en une trentaine d’années.

Une disparition imminente ?

Le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) qui prévoyait que la banquise d’été pourrait totalement disparaître vers 2080 a révisé sa prévision, en admettant que cela pourrait maintenant arriver autour de 2040. Pire, en novembre 2016, les températures arctiques ont excédé de 15 à 20° les moyennes des années précédentes. La banquise ne s’est pas reconstituée comme chaque hiver, demeurant au niveau le plus bas jamais enregistré pour une banquise hivernale en décembre.

Et ce matin, la voici. Elle apparaît d’abord en morceaux disloqués, puis en plaques plus consistantes, à peu près rondes dont la blancheur est fracturée d’un bleu électrique. Cette glace, plus épaisse, a résisté depuis un ou deux an. Les parties bleues correspondent à des pertes de gaz piégés à cause de successions de fontes et de regel. Cela donne une glace plus transparente réfléchissant les rayons les plus énergétiques de la lumière.

Une source immense de biodiversité

Nous faisons le tour de la grande plaque en tout petit groupe. Elle est ponctuée de petits lacs de fonte d’un bleu plus pâle et de quelques traces d’urines de phoque ou d’ours. L’ours dépend de la banquise pour pouvoir chasser car il ne peut attraper que les phoques qui s’y reposent ou qui remontent respirer dans des trous. Même si c’est un mammifère marin qui nage très bien, dans l’eau, les phoques sont beaucoup plus rapides et donc totalement inaccessibles.

Ce que nous ne voyons pas en marchant sur la banquise, c’est qu’elle est un jardin flottant, une source de biodiversité qui, par ailleurs, contribue fortement à la capture du CO₂. En effet, l’eau froide capte beaucoup mieux le CO₂ que l’eau chaude. Le plancton, quant à lui, est responsable de la captation de 50 % de tout le CO₂ émis : c’est beaucoup plus que les forêts qui ne peuvent en capter qu’un tiers. Dans certaines régions arctiques, les concentrations de CO₂ ont augmenté de près de 25 %.

Sous la banquise, on peut observer beaucoup de micro-organismes, d’algues de glace (100 espèces différentes), de larves de crabes, d’anémones, d’ophiures, de gorgonocéphales, de crinoïdes, de nématodes, de gastéropodes ou encore des alevins de morues polaires. Des copépodes, des amphipodes et des siphonophores viennent aussi se nourrir sous nos pieds.

Un réchauffement destructeur

La spectaculaire rétraction de la banquise n’est pas qu’un phénomène local. Elle a des répercussions mondiales. La banquise est un des éléments moteurs du climat de la terre entière. En effet, sa couche sert d’isolant qui protège l’océan du réchauffement par le soleil. Ainsi, grâce à sa blancheur elle renvoie vers le ciel l’énergie solaire et sa chaleur. En disparaissant, elle dévoile les couleurs sombres de l’eau qui absorbent alors beaucoup plus de chaleur.

Ces phénomènes expliquent, avec celui de la rétraction des glaciers, que l’Arctique se réchauffe beaucoup plus rapidement que le reste de la planète. Il a déjà atteint les 2°C considérés comme le seuil fatidique (alors que les scientifiques et l’ensemble des gouvernements réunis à la COP 21 ont affirmé la nécessité de viser une limitation à 1,5°C). Sur l’île norvégienne du Spitzberg, les températures se sont même déjà élevées de 3°C.

Tout ceci entraîne un réchauffement important de l’atmosphère et de l’océan qui contribue à emballer en retour la vitesse de disparition de la banquise et des glaciers. Le volume des eaux se dilate du fait de l’élévation de la température. Et qui dit dilatation du volume des océans, en plus de la fonte accélérée des glaces, dit évidemment montée plus rapide des eaux.

Si nous n’arrivons pas à enrayer la disparition de la banquise, il est très peu probable que nous puissions atteindre les objectifs (même les plus conservateurs) quant au réchauffement climatique et à ses conséquences.

L’urgence de parer l’offensive climato-sceptique

La souffrance des pôles annonce nos souffrances prochaines.

Il faut espérer que les scientifiques et les citoyens arriveront à résister à l’offensive climato-sceptique annoncée par l’arrivée de Donald Trump et de ses acolytes prédateurs (recrutés parmi les multinationales de l’exploitation des hydrocarbures et de la finance spéculative). Celui-ci a non seulement annoncé son intention de dénoncer l’accord de la COP21, mais aussi celle de couper les fonds de la recherche. Pire, des scientifiques, dénoncent un début de « chasse aux sorcières ». Certains auraient même été menacés de mort par des climato-sceptiques.

Nous reprenons le zodiac vers le bateau, sous un ciel de moutons gris, avec des sentiments mélangés. Cette facette du monde que nous venons d’approcher de si près pourrait bien, de notre vivant, ne plus exister que sous forme de carte postale…

Jean-Paul Curtay.

Pour en savoir plus :

 

Pierre Taverniers, La Banquise, Éditions de l’Escargot Savant

Marie-Antoinette Mélières & Chloé Maréchal, Climats – passé, présent, futur, Éditions Belin

 

http://www.lemonde.fr/planete/video/2016/12/12/comprendre-comment-la-planete-perd-sa-banquise-en-3-minutes_5047470_3244-html

 

http://grist.org/briefly/for-every-ton-of-co2-pumped-into-the-atmosphere-we-lose-32-square-feet-of-arctic-sea-ice/?utm_source=digg

 

En Arctique , entre octobre  2015 et septembre  2016, la température moyenne a été de 2 °C supérieure à la moyenne
http://www.lemonde.fr/sciences/portfolio/2016/12/19/2016-images-de-sciences_5051315_1650684-html

 

Dans la dernière édition de la revue Science Advances, une équipe de chercheurs européens et américains revoit à la hausse la masse glaciaire perdue par le Groenland. Selon les auteurs, il faudrait ajouter environ 8 % aux décharges de glace mesurées jusqu’à présent, soit l’équivalent de 20 milliards de tonnes par an.
http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/09/27/les-mauvaises-nouvelles-s-accumulent-sur-le-front-climatique_5003829_3244-html

Jean-Paul Curtay, a commencé par être écrivain et peintre, au sein du Mouvement Lettriste, un mouvement d’avant-garde qui a pris la suite de Dada et du surréalisme, avant de faire des études de médecine, de passer sept années aux États-Unis pour y faire connaître le Lettrisme par des conférences et des expositions, tout en réalisant une synthèse d’information sur une nouvelle discipline médicale, la nutrithérapie, qu’il a introduite en France, puis dans une dizaine de pays à partir des années 1980. 

Il est l’auteur de nombreux livres, dont Okinawa, un programme global pour mieux vivre, le rédacteur de www.lanutritherapie.fr, et continue à peindre et à voyager afin de faire l’expérience du monde sous ses aspects les plus divers.

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