« Générosité embarquée » : pour faire un don, jouez, achetez, courez !

Depuis 2008, le secteur de l’humanitaire avait été plutôt épargné par la crise économique. Ce n’est plus le cas. Pour la première fois, en 2012, le nombre et les montants donnés sont en baisse. Pour palier cette chute des contributions, des initiatives dites de « générosité embarquée » se développent. Le principe : proposer aux particuliers de donner peu, mais souvent. Certaines actions se passent même du portefeuille du donateur et lui proposent de contribuer à une bonne cause en faisant du sport ou en se divertissant.

Donner sans rien verser

Plusieurs programmes subventionnés par le privé offrent la possibilité de faire des dons sans devoir verser un centime pour autant. Ces plateformes utilisent des programmes ludiques pour sensibiliser les donateurs et les amener à faire des dons sur leurs propres fonds.

C’est le cas de l’application Charity Miles, qui a été dotée d’un fond d’environ 800 000 euros par des mécènes privés. Ce podomètre convertit les foulées du joggeur en dons : à la fin de son footing, le coureur doit partager un message sur les réseaux sociaux pour que les investisseurs partenaires, comme les assurances Humana par exemple, reversent l’argent à l’association de son choix. Des calories en moins et pas un centime de versé. Mais des recettes réelles au profit d’une trentaine d’ONG internationales.  

Même mode de fonctionnement pour un jeu mis en ligne par le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM). L’institution lève des fonds grâce au jeu gratuit FreeRice, où l’utilisateur répond à des questions de vocabulaire pour gagner des grains de riz. À chaque bonne réponse, une petite bannière s’affiche. Ces publicités génèrent les revenus reversés par le programme. Périodiquement, l’ONU convertit le nombre de grains de riz amassés en nourriture réelle, reversée aux pays bénéficiaires de programmes d’aide alimentaire.

Donner autrement

Asi Burak et Michelle Byrd ont, eux aussi, bien compris que le jeu, associé à des dons de petites sommes, pouvait rapporter gros aux associations. En 2004, ils fondent Games for Change, une entreprise solidaire qui aide à la création et à la distribution de jeux vidéo à visée sociale et humanitaire. Les jeux qu’ils éditent ou qu’ils parrainent sont tous basés sur des enjeux mondiaux réels – comme le conflit israélo-palestinien ou la prévention du sida. Dernier exemple notable en date : Half the sky, un jeu Facebook sur la condition des femmes dans le monde, où les joueurs progressent en donnant de petites contributions. Plus les dons sont élevés, plus le joueur termine la partie rapidement. Il peut également débloquer les fonds de sponsors, dont certains peuvent aller jusqu’à 500 000 dollars. 

Mais l’une de plus grandes réussites en matière de jeux responsables provient de la communauté des joueurs en ligne. Un gamer superstar – Bachir Boumaaza, plus connu sous le pseudo Athene – a créé la plateforme de jeux payants Gaming for Good. Tous les gains du site sont reversés à l’association Save the Children. La plateforme Gaming for Good, lancée en 2013, a déjà permis de lever 7,5 millions d’euros !

Donner sans même s’en rendre compte

Il est également possible de faire des dons au cours des transactions du quotidien. Importé du Mexique par Pierre-Emmanuel Grange, le président de l’association MicroDON, l’arrondi permet ainsi de donner de faibles sommes. En caisse par exemple, il est possible d’arrondir le montant de ses courses à l’euro supérieur, en offrant la différence à une association. Un employé peut également choisir de verser, tous les mois, une certaine somme de son salaire net à une association, l’employeur faisant de même sur le brut.

Le versement automatisé de petites sommes représente un apport considérable pour les associations – les dons par prélèvement automatique sont d’ailleurs ceux qui résistent le mieux à la baisse des dons enregistrée par le Centre d’Etudes et de Recherche sur la Philanthropie (CerPhi). Pour Pierre-Emmanuel Grange, ces formes de micro-générosité correspondent à l’air du temps : « À l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, la jeune génération est friande de ces mini dons instantanés. On pourrait ainsi contribuer à faire émerger une nouvelle communauté de donneurs solidaires. » Le micro don et le gaming solidaire ne visent pas à remplacer le don traditionnel, mais placent la générosité à la portée de toutes les bourses. 

Elisabeth Denys  
Journaliste web / We Demain  
@ElissaDen

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