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Vive la transition agricole !

Marie-Monique Robin, journaliste d’investigation, documentariste, écrivaine, prix Albert-Londres en 1995, et fille de paysan.nes depuis 1630, est l’auteure de cette tribune, qui appelle à se mobiliser pour une agriculture de qualité, respectueuse de la santé humaine, de la planète, du climat et, bien-sûr, des agriculteurs eux-mêmes.

La gestion de la « colère du monde agricole » par le gouvernement est un désastre d’un point de vue social, économique, écologique et sanitaire. Pire : c’est une reddition devant la FNSEA, qui est le seul syndicat, dont les positions conduisent à la mort économique et physique de ses adhérents. En 1960, la France comptait 1,8 million de fermes, aujourd’hui il n’y en a plus que 400 000.

Pendant ces décennies funestes, la FNSEA s’est résignée à constater la disparition des paysans, qui est une conséquence directe du modèle agro-industriel qu’elle prône au profit de ceux qui la dirigent, à savoir une poignée de gros exploitants agricoles très liés à l’agro-business (grandes coopératives, multinationales des pesticides et semences, marchés des matières premières).

La mort annoncée des paysans

En effet, pour survivre dans ce système intégré dans le capitalisme mondialisé, où les marges sont réduites, il faut impérativement s’agrandir. Au cours des cinquante dernières années, la surface moyenne des exploitations agricoles a augmenté de 50 hectares. Ce processus est encouragé par la Politique agricole commune qui continue d’indexer une grande partie de ses aides sur le nombre d’hectares, en privilégiant les cultures de céréales plutôt que les prairies et jachères.

Il se fait aussi aux dépens des … voisins qui se suicident (un paysan tous les deux jours) ; font faillite, après avoir tiré le diable par la queue (20 % des agriculteurs vivent sous le seuil de la pauvreté) ; ou succombent aux maladies générées par l’usage massif de pesticides, dont la FNSEA continue de nier la toxicité, alors que la liste des maladies professionnelles reconnues par la Mutualité sociale agricole ne cesse de s’allonger (maladie de Parkinson, lymphome non hodgkinien, cancer de la prostate, myélomes, etc).

Le syndicat de l’agro-business

Cette politique d’une extrême brutalité est préconisée par une organisation syndicale qui ne représente qu’un quart des agriculteurs (54 % d’abstentions aux élections professionnelles) et dont le président actuel, Arnaud Rousseau, a plus le profil d’un patron du CAC 40 que d’un paysan : il est à la tête d’une méga-exploitation de 700 hectares de céréales, générant 178 000 euros d’aides de la PAC, auxquels s’ajoutent 44 168 euros pour sa société de production d’énergie photovoltaïque. Il dirige aussi un mastodonte de l’agroalimentaire, le groupe Avril, qui compte 7 300 salariés, avec un chiffre d’affaires de 9 milliards d’Euros et un profit de 218 millions en 2022.

Ce représentant de l’agro-business et ses lieutenants, qui sont reçus avec le tapis rouge dans les ministères, voudraient nous faire croire que le problème de « l’agriculture française », prétendument uniforme, sont les normes environnementales, alors que la colère qui gronde dans les campagnes s’explique surtout par une crise du revenu agricole et un besoin urgent de protection de la part de l’État, face aux bouleversements en cours. Les « normes environnementales » ne sont pas le problème, mais un début de solution, pour sortir progressivement l’agriculture française et européenne d’un modèle qui mène la profession droit dans le mur.

Chronique d’une catastrophe annoncée

Partout, dans les campagnes, les paysan.nes voient les signaux passer au rouge :

25 % des sols sont érodés, voire morts, en raison des pratiques agro-industrielles ; les ressources aquifères s’épuisent et la pollution se généralise ; la biodiversité, qui est le berceau de l’agriculture, s’effondre ( 80 % des insectes et 30 % des oiseaux ont disparu au cours des quarante dernières années) ; le dérèglement climatique provoque une baisse continue des rendements en raison des aléas de la météo de plus en plus fréquents (sécheresses, inondations). Or, l’agriculture industrielle, avec ses monocultures, l’élevage intensif et la transformation industrielle des aliments qui voyagent sur de longues distances, émet 19 % des émissions de gaz à effets de serre de la France, alors que l’agriculture devrait être un puits de carbone !

La nécessité de promouvoir l’agro-écologie

Devant un tel aveuglement, le rôle du gouvernement devrait être de rebattre les cartes en proposant une nouvelle loi d’orientation agricole, similaire dans son ampleur, à celle conduite au début des années 1960 par Edgar Pisani. Fondée sur l’agro-écologie (et donc la sortie programmée des intrants chimiques dépendants du pétrole et du gaz), celle-ci permettrait d’assurer la survie de l’activité agricole, de produire durablement des aliments sains, de protéger la biodiversité et l’eau, de créer des emplois tout en réduisant nos émissions de gaz à effets de serre. Malheureusement, ce n’est pas la voie qu’a choisie le gouvernement, qui préfère soutenir un modèle agricole complètement obsolète, dont l’issue est un désastre annoncé pour les agriculteurs et pour la société dans son ensemble.

Tous et toutes le 11 avril à Bruxelles !

Les élections européennes approchent, et nous devons être nombreuses et nombreux à faire entendre notre voix. Après les tracteurs en janvier dernier, nous aussi, rassemblons-nous pour exiger une agriculture de qualité, respectueuse de la santé humaine, de la planète et du climat. Faisons de ce rassemblement une fête. Nous vous convions à un grand goûter qui préfigure cet avenir. Nous appelons artistes, comédien.nes, musicien·nes, à nous rejoindre pour revendiquer l’indispensable transition agricole, au service de l’intérêt général. Soyons nombreuses et nombreux le 11 avril, place du Luxembourg proche du Parlement Européen à Bruxelles à 16 heures pour faire entendre notre voix !

Pour plus d’informations : https://fb.me/e/1XHZKNcrv

Signataires de la tribune :

  • Marie-Monique Robin
  • Charles Berling, acteur
  • Juliette Binoche, actrice
  • Lucie Lucas, actrice
  • Abd Al Malik, poète
  • Yannick Kergoat, réalisateur
  • Emily Loizeau, artiste auteure compositrice Interprète
  • Marie Catrix, actrice
  • Lara Odemard, actrice
  • Magali Payen, productrice à impact, artiviste
  • Benjamin « bobi », Bonnave, artiste musicien
  • Jean-Yves Dutertre, peintre
  • Laëtitia Eïdo, actrice

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