Obsolescence programmée : la première plainte en France vise des fabricants d’imprimantes

« Mon imprimante ‘toutes options’ scanner qualité photo… n’aura duré que le temps de la garantie, puis a affiché que les têtes étaient endommagées. C’est de l’arnaque et scandaleux pour l’environnement. »
 
Voilà le type de commentaires que l’on peut lire sur le site Produits Durables, à propos de plusieurs modèles d’imprimantes personnelles disponibles dans le commerce. Ces dernières se bloquent sous n’importe quel prétexte, leurs cartouches ne durent pas, elles coûtent quasiment le prix de la machine…
 

« Les imprimantes cristallisent le débat sur l’obsolescence programmée depuis longtemps. Notamment depuis 2009, avec le documentaire ‘Prêt à jeter’ qui ciblait déjà ce produit. Ce qui nous a alerté, ce sont les milliers de consommateurs mécontents de leur imprimante qui laissaient des commentaires sur les sites spécialisés », explique à We Demain Laetitia Vasseur, co-fondatrice et déléguée générale de l’association HOP (Halte à l’Obsolescence Programmée).

 
Depuis la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, l’obsolescence programmée est considérée comme un délit. Elle peut être punie de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. 

L’association HOP, engagée dans la lutte contre le « prêt-à-jeter », est ainsi la première en France à déposer plainte pour obsolescence programmée. Cette plainte, déposée le 18 septembre contre X auprès du Procureur de la République de Nanterre, vise des constructeurs d’imprimantes personnelles.

La marque la plus citée dans la plainte est Epson, même si les pratiques dénoncées « paraissent toucher également les trois autres principaux fabricants : Canon, HP et Brother ».

Augmenter le taux de remplacement des imprimantes

Selon HOP, ces marques visent à réduire « délibérément » la durée de vie des imprimantes et des cartouches afin d’augmenter leur « taux de remplacement ». En clair, que le consommateur achète davantage.
 
L’association met en évidence le fait que certaines cartouches d’encre coûtent presque le même prix que la machine correspondante. Le prix de ces dernières ne fait qu’augmenter depuis une dizaine d’année alors que leur qualité baisse, ajoute HOP, qui dénonce « une possible entente anticoncurrentielle, faits pénalement réprimés par le Code de commerce ».
 

« Epson vend [certaines cartouches de] 48ml d’encre au prix de 98,99 euros TTC7, soit 2 062 euros le litre ou deux fois plus cher que le parfum Chanel n°5 ! », peut-on lire sur la plainte rendue publique. 

Mais surtout, après une enquête de plusieurs mois, HOP dénonce la volonté d’obsolescence programmée de ces enseignes à travers deux preuves :

  • Les imprimantes se bloquent, annonçant que les cartouches d’encre sont vides, alors que ce n’est pas le cas.
  • Le tampon absorbeur, qui sert à éviter que l’encre ne coule sur les copies ou dans l’imprimante, est affiché en fin de vie alors qu’il ne l’est pas.

Pour établir ces preuves, de nombreux tests ont été menés. L’organisation démontre par exemple qu’il resterait entre 20 et 50 % d’encre dans les cartouches, alors même que l’imprimante indique qu’elle est vide et qu’elle doit être remplacée.
 

« Il existe un code qui bloque les imprimantes après l’impression d’un certain nombre de copies. Comment cela peut-il ne pas être intentionnel ? Lorsqu’il y a réduction de la durée de vie du produit, on en déduit que la raison ne peut être que volontaire », explique l’avocat de l’association, Émile Meunier.

 

Une pratique illégale

Idem pour le tampon absorbeur : après un temps donné, la machine se bloque et informe le consommateur qu’il faut le changer. Or, des tests ont prouvé que ce dernier pouvait en réalité encore fonctionner durant plusieurs années.

De plus, si l’utilisateur souhaite le changer, cela lui coûte quasiment le même prix qu’une imprimante neuve : « Le client n’est donc pas encouragé à la réparer mais au contraire à en racheter une neuve », explique HOP dans sa plainte.
 

« Un proverbe arabe dit : ‘Il faut suivre le menteur jusqu’à sa porte’. C’est un peu ce qu’on est en train de faire », conclut Émile Meunier.

 
Il revient désormais au Procureur de décider s’il a assez d’éléments pour poursuivre ou non l’action. Émile Meunier et l’association HOP se sont constitués partie civile pour, que dans le second cas, ils puissent eux-mêmes activer la plainte auprès du juge d’instruction.

« On est confiant, on pense que les éléments sont suffisamment précis et étayés pour que l’autorité compétente ait envie d’approfondir », se réjouit l’avocat.

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