On y paye à l’heure et non à la consommation : l’Anticafé à la conquête de l’Europe

Depuis plus de 60 ans, les Français désertent les cafés traditionnels, dont la fréquentation ne cesse de baisser. Sur les 200 000 bistrots que comptait la France dans les années 1960, il en reste aujourd’hui moins de 35 000. Les causes de cette érosion sont nombreuses. Parmi ces dernières, le manque d’adaptation des lieux traditionnels aux nouvelles exigences des consommateurs. 

Dans une société où le salariat décline, où l’économie collaborative et l’auto-entreprenariat sont en pleine croissance, de nouveaux besoins naissent. Selon une étude de l’ANACT (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) de 2014, deux millions de salariés en France sont des télétravailleurs réguliers. Une évolution de l’organisation du travail qui révèle, entre autres, le désir des actifs de travailler dans une ambiance plus conviviale, alternative à celle du bureau traditionnel.

Autant d’opportunités de développement de nouveaux lieux pour accueillir les travailleurs indépendants. Des travailleurs de plus en plus nomades, hyper-connectés, des étudiants et jeunes actifs qui recherchent de nouvelles manières de travailler et de consommer. Parmi ces derniers, l’Anticafé rencontre de plus en plus de succès auprès de la génération connectée.

 

« Le numérique ne remplace pas la valeur d’un espace physique », explique Leonid Goncharov, fondateur de l’Anticafé. 

C’est au cours de ses études à Paris que ce dernier, d’origine Ukrainienne, constate qu’il n’existe pas un bar où il peut travailler tranquillement sans se sentir gêné de rester plus d’une heure après avoir bu son café. Il décide alors de créer ce lieu. Le premier Anticafé voit le jour rue Quimcampoix (75003) en 2013. 

Tarif dégressif

Dans ce café, ce ne sont pas les consommations qui sont facturées, mais le temps passé sur place.
 

« Nous avons voulu créer un refuge dans la ville, un espace que les gens peuvent se réapproprier. En ne payant que le temps, les clients arrivent avec un état d’esprit différent », ajoute Leonid Goncharov. 

Au menu : thé, café, jus de fruit, et encas à volonté. Se positionnant comme un mélange entre café et espace de coworking, les Anticafés mettent à disposition des clients wifi, imprimantes, vidéoprojecteurs et scanners en libre service. 

Comptez 5 euros pour la première heure ; le tarif est dégressif pour les heures suivantes. Dans un esprit collaboratif, des ateliers et workshop sont également fréquemment organisés. 

Pour retranscrire l’état d’esprit qu’il voulait générer, Leonid Goncharov s’est entouré du collectif de designers Bonkerslab pour l’aménagement intérieur des lieux. Soucieuses de bâtir un lieu de convivialité et de partage, les équipes ont créées des espaces modulables.
 

« C’est l’espace qui s’adapte aux besoins des gens, et non l’inverse », explique Salim Haïdar, designer chez Bonkerslab

Agriculture et cuisine de conservation

Côté restauration, l’offre des Anticafés a évolué, en collaborant notamment avec le chef Arnaud Daguin. 
 

« Lorsque j’ai rencontré Leonid et son équipe, nous nous sommes tout de suite mit d’accord pour offrir une cuisine respectueuse à la fois de notre santé et de nos sols. Et il était temps, puisqu’il proposait encore des cacahouètes à ses clients », ironise le chef étoilé Arnaud Daguin. 

Fervent défenseur des produits locaux et de saison, Arnaud Daguin travaille avec des producteurs qui pratiquent une agriculture de proximité, de qualité et respectueuse de l’environnement, notamment avec Agnès Sourisseau.

Dans son exploitation de Claye-Souily, cette dernière développe une agriculture qui utilise des techniques d’agroforesterie. Dans une logique circulaire, Agnès réutilise également certains déchets des Anticafés : elle s’en sert de matière organique pour nourrir les sols de son exploitation, située au bord du canal de l’Ourcq, à 35 km de Paris. 

Mais ce n’est pas tout. Si le café proposé aux clients provient pour le moment du groupe Richard, il sera bientôt issu de la brûlerie locale Caron. Le marc de café rejeté par l’Anticafé sera récupéré et utilisé par Agnès pour faire pousser des champignons, qui seront ensuite livrés dans le laboratoire d’Arnaud Daguin pour enfin se retrouver dans les assiettes des clients. 

Parmi les créations d’Arnaud Daguin : une compote de pomme (100 % de pomme , pépins inclus), des verrines  à la tomate (sans additif, sans sel) et des crakers à base de drêche de bière.

Actuellement, 25 % des produits proposés sont issus de bassins de production locaux. Et dès 2016, c’est 80 % de leur offre qui devrait être issue de l’agriculture raisonnée. 

50 nouveaux Anticafés

Depuis le lancement du premier Anticafé il y a 2 ans, trois autres établissements ont déjà vu le jour : deux à Paris, Olympiades (13e arrondissement) et Louvre (1er arrondissement), et un à Rome.

Fort de son succès, le fondateur Leonid Goncharov prévoit aujourd’hui l’ouverture d’une cinquantaine de franchises d’ici 2018, en France et en Europe. Ces dernières pourraient ouvrir à Bordeaux, Toulouse, Lille, Aix-en-Provence mais également à Londres et à Berlin. Les premières ouvertures sont prévues début 2016. 

Les nouveaux Anticafé ne devraient pas être un simple copier-coller des cafés existants.
 

« Le franchisé apportera sa propre identité au café. Le concept s’adaptera aux différentes habitudes de consommation tout en gardant la même atmosphère », souligne Leonid Goncharov. 

Afin de faire évoluer ces espaces et de répondre aux attentes des consommateurs l’équipe met d’ailleurs à disposition des clients une boîte à idées.

Juliette Bise 
 

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