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Tourisme : Instagram et les influenceurs, une menace pour l’environnement ?

« Quand j’ai déménagé à Sydney il y a cinq ans, j’ai découvert un lieu magique appelé Gordons Bay […], une crique magnifique avec une eau cristalline et seulement quelques personnes assises sur les rochers. […]. La dernière fois que j’y ai été, vous pouviez à peine bouger sur les rochers et il y avait deux bouées flamant rose géantes dans l’eau », raconte Bridie Jabour, éditorialiste à The Guardian Australie

Les endroits préservés du tourisme deviennent rares. Et les réseaux sociaux menacent de plus en plus ceux qui le restent : une photo postée de façon anodine sur Instagram par un touriste, ou par un influenceur suivi par des milliers de personnes, peut se révéler dévastatrice…

Dans sa tribune, la journaliste australienne Bridie Jabour poursuit en citant d’autres exemples de lieux envahis du fait de leur potentiel « instagrammable ». Par exemple, le spot de Roys Peak, au sud de la Nouvelle-Zélande, où les touristes font jusqu’à une heure de queue pour prendre une photo.

https://twitter.com/LukasStefanko/status/1066823108546478080?ref_src=twsrc%5Etfw

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​Une menace pour la nature

Le mois dernier, c’est le parc national de Lake Elsinor au sud de la Californie qui a été victime de son succès sur les réseaux sociaux. Après un hiver pluvieux, toute la vallée s’est couverte de coquelicots.

Steve Manos, le maire de Lake Elsinore, raconte au New York Times  : la première semaine de mars, « il y a eu quelques influenceurs des réseaux sociaux qui ont décidé de profiter du magnifique paysage. Nous avons assisté à une explosion d’intérêt et, tout d’un coup, à une foule de visiteurs », ajoute-t-il. 

Le week-end de la Saint-Patrick, les 16 et 17 mars, ce sont plus de 100 000 visiteurs qui sont venus se photographier allongés au milieu des fleurs ou un bouquet à la main, piétinant les coquelicots sur leur passage. La ville a tenté d’agir en fermant le sentier principal pour atteindre le site et en mettant en place un service de navettes à 10 dollars le week-end et 5 dollars la semaine. Mais les visiteurs ont trouvé d’autres moyens de s’y rendre.          

Certains internautes ont réagi, en ajoutant le hashtag #HorriblePerson à leur commentaire, s’insurgeant de voir ces touristes écraser les coquelicots sans aucun respect pour le lieu. 

Une famille, propriétaire d’une ferme en Otario aux Canada, a vécu une histoire similaire l’été dernier en ouvrant ses champs de tournesols au public, pour un prix de 7,50 dollars. Les 1,4 millions de tournesols sont vite devenus viraux sur les réseaux sociaux et des milliers de voitures ont commencé à débarquer, racontent les maîtres des lieux au média canadien The Globe and Mail

« Je peux seulement décrire cela comme une apocalypse de zombie », compare Brad Bogle, le fils de la propriétaire.

La ferme a donc été fermée au public, « pour toujours ». Mais les visiteurs continuent de venir, et la famille doit se battre pour les faire fuir, malgré les panneaux « ne pas passer » en bordure des champs.

https://twitter.com/lionel_duval/status/1107723173599084545?ref_src=twsrc%5Etfw

Plus proche de nous, dans le Var, ce sont les sources de l’Huveaune, près du village de Nans-les-Pins, qui ont été la cible des instagrammeurs. Il y a environ un an, le photographe Lionel Duval, gérant de la page Facebook « Bienvenue à Marseille » suivie par plus de 150 000 personnes, poste des photos des sources à l’eau cristalline légèrement bleutée.

Le week-end suivant, plus de 300 voitures ont afflué, certains touristes se prenaient même en photo en pleine baignade alors que le site est classé Natura 2 000, rapporte la maire Pierrette Lopez au journal 20 Minutes

Un arrêté municipal a été diffusé pour interdire le stationnement près du sentier menant aux sources, deux éco-gardes ont été envoyés sur les lieux pour sensibiliser les touristes et une réunion de crise avec les services de l’État a été organisée pour aménager le site à l’accueil du public.

​Une menace pour la faune

Comme certains lieux, des poses ou des mises en scène ont la cote sur les réseaux. Par exemple empiler des pierres dans un cadre paradisiaque. Le hashtag #Stonestacking compte plus de 20 000 publications sur le réseau social.

En plus de dénaturer le paysage, cette mode met en péril des monuments historiques, notamment néolithiques, mais aussi la faune comme les nids d’oiseaux ou les invertébrés vivant dans les sols.

Les selfies avec les animaux les plus rares et mignons font aussi grimper les « like ».

Résultat : en 2016, un bébé dauphin d’une espèce en voie de disparition est mort sur les plages d’Argentine. Une vidéo montre les touristes le sortir de l’eau et se le passer pour prendre des selfies. Jusqu’à ce qu’il soit abandonné sur le sable, sans vie. 

Suite à l’interpellation par l’ONG World Society for the Protection of Animals l’année dernière, Instagram diffuse aujourd’hui un message de sensibilisation dès qu’un internaute lance une recherche avec un hasthag type #koalaselfie ou #monkeyselfie

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​Une menace pour l’homme

Si poster la photo la plus belle ou la plus impressionnante sur les réseaux sociaux est devenu pour certains plus important que la vie d’un animal, d’autres vont jusqu’à mettre leur propre existence en péril pour un cliché. 

Au sud de Sidney en Australie, les bassins de Figure 8 Pools, en bord de mer, sont devenus très populaires sur les réseaux sociaux. Une eau turquoise, une nature atypique, l’occasion de poser en maillot de bain… Tous les critères sont réunis pour amasser des like. Le spot a ainsi fait l’objet de plus de 20 000 publications sur Instagram, avec le hashtag #figure8pools.

Mais des précautions sont à prendre car ces bassins peuvent être submergés. De nombreuses noyades ont eu lieu aux endroits les plus populaires sur le réseau. La dernière en date, en février dernier : un jeune homme de 22 ans emporté par la marée haute.

Les photos valent-elles le coup de prendre tous les risques ? Pour ce couple, visiblement oui. Et vous, réserverez-vous votre prochain séjour en fonction de son potentiel instagrammable ?  

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