Transformer des bureaux vides en logements pour sans-abri, cette asso l’a fait !

C’est un décalage criant : d’un côté, la France abrite près de 5 millions de mètres carrés de bureaux vides. Dans le même temps, 4 millions de personnes sont sans toit, mal logées ou sans logement personnel, selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre.

Face à cette absurdité, la jeune association toulousaine Unity Cube a imaginé une nouvelle solution d’hébergement d’urgence. Son idée? Construire des modules d’habitation intégrables dans les immeubles de bureaux vacants, des « boîtes » en palettes de bois à l’assemblage rapide. Son slogan : « Occuper l’inoccupé « .

À Toulouse, 220 000 m² de bureaux inoccupés

L’idée de rentabiliser ces surfaces perdues a d’abord mûri au sein d’un groupe d’amis étudiants en ingénierie et en architecture, à Toulouse.
 

« Au départ, c’était un exercice scolaire, raconte Clément Breton, chef de projet à Unity Cube. L’idée a beaucoup plu au jury de notre cours et c’est devenu plus sérieux : il s’est transformé en réel projet d’entrepreneuriat social. »

À Toulouse, 220 000 m² de bureaux sont inhabités, souvent pour de longues durées. « Nous avons conçu une opération pilote pensée pour des familles », poursuit Clément Breton. Pièce à vivre, chambres, cuisines et sanitaires rattachés au système d’électricité et d’eau des bureaux : les étudiants ont tâché de prendre soin du confort « et de l’intimité des différents membres de la famille », ajoute l’ingénieur.

Les cubes sont par ailleurs modulables et donc adaptables à toutes les populations, pas seulement aux familles : un agencement différent est possible pour l’hébergement de femmes isolées dont le nombre est en forte augmentation.

Le bois de palettes recyclé : des LÉGO durables

Les unités d’habitation en forme de cube sont construites en bois recyclé, grâce à un système imaginé par Sofrinnov, partenaire d’Unity Cube. Cette start-up, dont We Demain a déjà parlé, a breveté une nouvelle façon de bâtir des habitations avec des palettes, à la manière d’une construction en LÉGO.

Cette technique permet une installation simple et rapide, avec des matériaux durables, sans aucun traitement chimique.
 

“Les palettes utilisées pour nos logements sont issues du recyclage et amenées à resservir une fois l’abri démoli”, précise Clément Breton.

La loi Molle, obstacle et alliée

Seulement, loger des personnes dans des bureaux est-il autorisé ? Oui et non : l’association doit effectuer un tour de passe-passe juridique. La loi Molle de 2009, à la fois obstacle et alliée, permet l’usage de bâtiments à une autre fin que celle prévue lors de leur construction. Mais aucun décret ne permet de l’appliquer.
 

“Il faut donc outrepasser cette inapplicabilité et obtenir un accord franc de la préfecture”, explique Clément Breton.

Unity Cube travaille donc en collaboration avec les pouvoirs publics et avec les associations de terrain : pour ces collectifs d’aide au logement, cette solution de logement est intéressante car elle évite de financer des nuits d’hôtel plus onéreuses lorsque les centres d’hébergement d’urgence sont complets.

Des patrons avec des « convictions et des valeurs »

Une dizaine de dirigeants d’entreprise de la région toulousaine a déjà lancé des démarches pour participer au projet.
 

“Ce sont des personnes qui ont des convictions et des valeurs. Récemment, un promoteur toulousain nous a contactés après avoir rencontré un SDF près d’un distributeur. En le voyant, il a tout de suite pensé au gâchis de tous ses bureaux inutilisés”.

Pour ces patrons, les bureaux vides sont aussi un manque à gagner. Unity Cube leur verse un petit loyer (35 euros par personne hébergée). « Les bâtiments occupés sont également moins sujets au vandalisme que des bâtiments vides », ajoute Clément Breton. Sans oublier l’intérêt, en terme d’image pour ces entreprises, de mettre un pied dans l’économie sociale et solidaire.

Après avoir conquis des espaces inoccupés de Toulouse, Unity Cube s’est installée à Paris cet été. « À terme, nous aimerions être non plus seulement une association mais une entreprise, une SCOP. » Le concept, lui aussi, s’élargit : pourquoi se limiter aux bureaux ?
 

« Nous allons certainement investir un grand bâtiment public désaffecté », annonce Clément Breton.

Si l’entrepreneur ne souhaite pas, pour l’heure, révéler le bâtiment dont il s’agit, on sait qu’il se situe à Toulouse. Margaux Frantz, de l’équipe d »Unity Cube, ajoute : « Nous sommes actuellement en pourparlers avec les Mairies de Toulouse et Paris pour monter les premières opérations dans des locaux publics. »

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