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Avortement : la législation US booste la vente non régulée de pilules abortives

« Des personnes vont être forcées à accoucher. D’autres seront contraintes de se tourner vers des avortements à risques », prévenait Amnesty International dans un communiqué le 24 juin dernier. Ce jour-là, l’arrêt Roe vs Wade, adopté en 1973, était annulé par la Cour suprême américaine. Désormais, le droit à l’IVG n’est plus garanti dans tous les États américains. Chacun est libre d’appliquer la législation qu’il souhaite. Depuis cette décision, sept États ont déclaré l’avortement totalement illégal. Il s’agit de l’Alabama, l’Arkansas, le Dakota du Sud, le Mississippi, le Missouri, l’Oklahoma et le Texas.

Au total, 17 États ont ou vont interdire l’avortement, ou en tout cas le rendre particulièrement difficile d’accès. Conséquence directe : la santé des femmes va être mise à mal. Selon une étude, une interdiction totale du droit à l’avortement dans ces États pourrait augmenter de 21 % le nombre de décès liés à la grossesse dès la deuxième année suivant la révocation de Roe v. Wade. « L’avortement est beaucoup plus sûr pour les femmes enceintes aux États-Unis, avec 0,44 décès pour 100 000 procédures de 2013 à 2017. A titre de comparaison, en 2019, on comptait 20,1 décès pour 100 000 naissances vivantes », souligne l’étude.

Le succès des sites underground de vente de pilules abortives

Depuis le 24 juin dernier, les sites non régulés qui vendent des pilules abortives ou des kits MTP connaissent un succès grandissant, révèle le site du magazine américain Wired. Un kit MTP associe deux médicaments, la mifépristone et le misoprostol. Combinés en deux prises espacées de 24 à 48 heures, ils provoquent un avortement.

C’est tout un réseau intercontinental d’entreprises et d’organisations à but non lucratif qui a vu le jour. Elles expédient ces pilules dans des États qui en restreignent l’accès. Certaines sont motivées par la volonté de donner un accès à ces solutions abortives au plus grand nombre. D’autres le font par pur profit et opportunisme. Toutes tombent en tout cas dans une zone grise juridique, non régulée. Pas vraiment illégale, pas tout à fait légale, les régulateurs ne se sont pas encore exprimés sur le sujet… et ne semblent pas pressés de le faire.

Avortement à la maison : en quête d’un « Plan C » sur Internet

Pour trouver ces sites underground, il faut faire une recherche sur Internet avec le mot-clé « Plan C ». C’est en effet cette association, fondée en 2013, qui référence une liste de pharmacies en ligne relativement sérieuses qui délivrent des pilules abortives, explique Wired. Le site cite le témoignage de Jayda, qui a eu affaire à l’une d’entre elles.

Elle a commandé sur AbortionRX. Un site qui promet une réception de la pilule abortive sous 8 jours dans l’État de Floride en échange de 250 dollars (environ 250 euros). Le paiement peut se faire de manière classique ou, beaucoup plus anonyme, en bitcoin.

Brouiller les pistes « au cas où »

L’adresse du site AbortionRX est enregistrée à Amsterdam aux Pays-Bas, l’emballage du médicament semble provenir d’Inde. Il a été envoyé en gros aux États-Unis à une adresse inconnue, sans doute en Californie. Puis il a été expédié, sous pli quelconque, vers la Floride. Le propriétaire du site préfère ne pas révéler son véritable nom. Au cas où l’activité soit jugée illégale dans quelques semaines ou mois. Pour l’heure, elle est simplement non régulée.

Le prix du médicament en vente libre dans d’autres pays est généralement de 5 dollars. À la revente, il est souvent cinquante fois plus cher en ligne, voire davantage. Et pour ce qui est de la provenance des pilules, l’Inde, le Vietnam ou encore la Russie font partie des pays régulièrement cités. Les fournisseurs changent régulièrement au gré des stocks.

Des sites vérifiés régulièrement… mais non recommandés

S’il n’y a pas de test systématique des adresses en ligne listées, Plan C et l’ONG Gynuity Health Projects veillent. Elles ont passé commande sur seize sites différents et envoyé les pilules à un laboratoire pour les tester. Résultat ? « Toutes les pilules étaient réelles », assure Elisa Wells, cofondatrice de Plan C. Ce fut une vraie surprise, y compris pour les fournisseurs officiels de pilules abortives aux États-Unis.

Au cas où l’association a vent d’un problème avec un site, elle commande alors anonymement un kit et le fait tester pour en avoir le cœur net. Objectif : proposer une liste la plus sûre possible. Ainsi, le site Medside24 a, un temps, expédié seulement trois pilules de misoprostol au lieu des quatre recommandées pour un avortement. Plan C l’a déréférencé le temps qu’elle rectifie son kit et se conforme aux recommandations en vigueur. Depuis, tout est rentré dans l’ordre.

La FDA (Food and Drug Administration), qui est notamment responsable de la pharmacovigilance, met cependant en garde contre ces sites non régulés. Selon elle, les personnes qui commandent en ligne « contournent les garanties draconiennes mises en place pour protéger leur santé. » Et une fois le kit d’avortement reçu, chaque femme se retrouve bien isolée pour gérer cet épisode douloureux. Avec le risque que cela ne fonctionne pas. Ou que cela mette à mal sa santé. Libération avait raison en titrant « La grande régression » le 24 juin dernier

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