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NOUS anti-gaspi : ces épiceries qui proposent des produits moches à petit prix

Offrir une seconde chance aux produits dits « moches », recalés des magasins classiques. Voici le concept de la chaîne d’épiceries NOUS anti-gaspi. Une chaîne qui se développe un peu partout en France.

NOUS anti-gaspi
La chaîne compte aujourd'hui une vingtaine d'épiceries qui luttent contre le gaspillage. (Crédit : NOUS anti-gaspi)
La chaîne compte aujourd'hui une vingtaine d'épiceries qui luttent contre le gaspillage. (Crédit : NOUS anti-gaspi)

Ce samedi d’été, apéro en vue chez des amis, dans le 9e arrondissement de Paris. En quête de victuailles : une nouvelle enseigne attire notre attention. « Supermarché militant »,Oui aux produits disgracieux mais savoureux”, « L’occasion fait le lardon », peut-on lire sur les affiches. Les rayons semblent offrir des articles assez classiques, et de qualité. Des bières locales, du vin nature, des fruits français, de nombreux produits bio… Mais tout coûte ici 20 % à 25 % moins cher qu’ailleurs. Étonnement aussi : certains produits de base, comme le beurre, sont absents des rayons ce jour-là.

Et pour cause : nous sommes dans l’une des épiceries NOUS anti-gaspi. Un réseau d’un genre nouveau qui propose des produits de qualité, recalés des supermarchés du fait de leurs petits « défauts ».

Un fruit « moche » ? Une tranche de jambon écornée ? Un emballage cabossé ? Une date de limite de consommation trop courte ? La liste des produits jetés avant même d’entrer en magasin est longue. 

« Plus de la moitié du gaspillage alimentaire a lieu en amont des magasins, chez les producteurs, fabricants, grossistes, transporteurs.« 

Charles Lottmann, l’un des deux fondateurs du projet NOUS anti-gaspi.

Environ 20 % des fruits et légumes finissent ainsi à la poubelle en France au fil de la chaîne de production, ainsi que 5 % des produits transformés. Un immense gâchis.

D’où cette idée d’épiceries de la seconde chance qui ouvrent un peu partout. On en compte déjà dix-sept, surtout dans l’ouest et le nord de la France. Et une prochaine franchise sera inaugurée mi-août à Saint-Cyr-sur-Loire (Indre-et-Loire), près de Tours. Puis deux autres verront le jour à Reuilly-Diderot (Paris 12e) et à Boulogne (Hauts-de-Seine) d’ici à la fin de l’année. 

Retrouvez ici la carte des supermarchés NOUS anti-gaspi.

Impact écologique et économique

Charles Lottman (à gauche) et Vincent Justin (à droite) @NOUS ANTI-GASPI
Charles Lottman (à gauche) et Vincent Justin (à droite) @NOUS ANTI-GASPI

L’idée germe il y a cinq ans dans l’esprit de Charles Lottman, aujourd’hui âgé de 33 ans. Diplômé de l’Essec, il commencé sa carrière dans un fonds d’investissement. Mais cherche vite un projet plus en accord avec ses valeurs. « La lutte contre le gaspillage me semblait intéressante, car elle a un double impact : écologique, en réduisant la production et la pollution alimentaire. Et économique, en permettant à des foyers modestes d’accéder à des produits de qualité, tout en aidant les fabricants à limiter leurs pertes. »

En 2016, il entre donc chez Phenix, entreprise qui aide les professionnels de l’agro-alimentaire à donner leurs invendus à des associations caritatives. Chargé de développer de nouveaux projets, Charles Lottmann y rencontre son actuel associé, Vincent Justin, diplômé lui de l’école Boulle. Ensemble, ils décident de lutter contre le gaspillage en amont de la chaîne alimentaire. Ils ouvrent bientôt leur première épicerie en Bretagne.

Trois ans plus tard, chacun de leurs magasins permet de valoriser environ 35 tonnes de nourriture par mois, soit environ 70 000 repas. 

À lire aussi : Tribune : voici comment les villes peuvent stopper le gaspillage alimentaire

20 % à 25 % moins cher qu’ailleurs

Car si l’entreprise agréée « d’utilité sociale et solidaire » a beaucoup démarché lors de son lancement, elle bénéficie désormais de 700 partenaires qui lui adressent quotidiennement ses produits « défectueux ». 

« Chaque jour nous recevons un mail ou un appel pour nous demander de l’aide afin de valoriser des produits.« 

Ces denrées sont rachetées environ 30 % moins cher qu’ailleurs, mais pas à prix cassé, précise Charles Lottmann. « Nous assurons un prix qui permet aux producteurs de rentrer dans leurs coûts car beaucoup sont déjà en difficulté. »

Dans les rayons, les produits sont ensuite revendus aux consommateurs 5 % à 10 % de plus. Cette petite marge permet ensuite à NOUS de couvrir ses frais de fonctionnement, mais pas encore de faire de profits. Pour l’heure, la chaîne s’appuie sur des levées de fonds. Mais elle compte bien devenir plus rentable lorsque les coûts d’ouverture des magasins seront amortis. 

Des restaurants anti-gaspi

Il s’ouvre actuellement un magasin tous les mois. Avec un objectif de 50 d’ici à 2024. De quoi offrir des débouchés aux producteurs sur tout le territoire.  

L’entreprise a encore d’autres projets. NOUS a lancé en 2021 sa propre marque distributeur. Enjeu : sauver des produits « non conformes » avant même leur emballage, sinon jetés par les marques. Par exemple un camembert pesant 212 grammes… au lieu de 220. Des tranches de truite fumée jugées trop petites, du caramel au beurre salé en date courte de péremption. « Notre cahier des charge assoupli permet de vendre ces produits totalement consommables », expliquent Charles Lottman et Vincent Justin.

Enfin, histoire de boucler la boucle, NOUS a ouvert deux restaurants zéro déchet en Ille-et-Vilaine, l’un à Dinard, l’autre près de Rennes, qui cuisinent des produits de petits producteurs du coin… Ou des invendus de ses propres magasins.

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