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Au Green Shift Festival, les nouveaux imaginaires de la mer valorisent une écologie sensible

Devant la plage du Larvotto à Monaco, les trois danseuses fondatrices du collectif Minuit 12 ont interprété un extrait de leur conte visuel, Écume. Une entrée en matière artistique et engagée parfaitement en phase avec la deuxième journée du Green Shift Festival. Cet événement, organisé par la Fondation Prince Albert II de Monaco et qui se déroule du 5 au 7 juin 2024, a dédié le second volet de son triptyque aux imaginaires de la mer.

Pour cela, le Green Shift Festival avait convié l’artiste plasticienne Bianca Bondi, Charles Carmignac, directeur général de la Fondation Carmignac et Olivier Le Carrer, navigateur, journaliste et écrivain. Tous les trois ont partagé avec le public monégasque leur passion pour l’océan et révélé comment, à leur manière, ils imaginent un futur enthousiasmant et durable pour nos océans. “La mer et les océans sont les artères vitales de notre Terre, leurs poumons bleus, a expliqué Maud Baignères, scénariste et réalisatrice, en préambule de la soirée. Ce sont des espaces qui nourrissent aussi notre culture, notre âme et nos rêves. Nous faisons partie d’un tout qui nous dépasse et qui nous inspire.”

Face à la mer, le collectif artistique et activiste Minuit 12 a présenté un extrait de son conte poétique “Écume”. Crédit : Stéphane Dana/FPA2.

Repenser la mer pour un avenir plus durable

Bianca Bondi fait partie de ces artistes que la mer inspire. Pour le musée de la Fondation Carmignac, installé sur l’île de Porquerolles entre Toulon et Saint-Tropez, elle a imaginé une œuvre magistrale, The Fall and Rise, pièce centrale de l’exposition « La Mer imaginaire ». Il s’agit d’un squelette grandeur nature en résine d’une baleine recouverte de sel cristallisé. « J’ai voulu célébrer la mémoire de l’eau sous la forme de cristaux de sel. J’aime la fragilité de cette matière avec, en même temps, une telle puissance. La vie est impossible sans le sel, mais trop de sel tue. C’est cette ambigüité qui me plaît », explique l’artiste plasticienne.

« En créant ce squelette géant de baleine recouvert de sel, j’ai voulu inviter les visiteurs à entrer presque dans l’œuvre. Une œuvre, ce n’est pas que ce qu’on voit, mais aussi ce qu’on ressent. Cette baleine est morte mais son corps, retourné, semble presque ressusciter. Ce qui est beau, lorsque les baleines meurent en pleine mer, c’est que leur corps a une grande utilité. Il est d’abord dévoré en partie par les grands prédateurs comme les requins. Puis le corps coule très lentement au fond de l’eau. Cela peut prendre des décennies en fonction de la profondeur », explique Bianca Bondi.

Sur la scène du Green Shift Festival, de gauche à droite, Maud Baignères, Bianca Bondi, Charles Carmignac et Olivier Le Carrer. Crédit : Stéphane Dana/FPA2.

La baleine, un écosystème marin à elle seule

En tombant au fond de l’océan, l’eau est de plus en plus fraîche et conserve le corps. Celui-ci devient un écosystème à lui tout seul. « De nombreux poissons et petits êtres vivants marins se nourrissent grâce à elle. Certaines espèces vivent même uniquement autour de certains types de baleines mortes. Les scientifiques ont même découvert que la vie est plus riche sur le trajet de migration des baleines car leurs corps et leurs déjections font que la zone est plus propice à la vie. On a donc cette puissance poétique des océans où la mort d’un animal va créer toute une vie », souligne l’artiste. Véritable puits de carbone à elle seule, la baleine illustre bien l’importance de la biodiversité dans la lutte contre le dérèglement climatique.

C’est tout ce cercle de la vie qu’a voulu illustrer Bianca Bondi lors de l’exposition à la Villa Carmignac en 2021. Installé sur l’île de Porquerolles, on ne peut le visiter qu’en prenant le bateau. « Rien que cela, fait que les visiteurs ont l’esprit plus disposé à accueillir des émotions nouvelles. Dans cette exposition, nous voulions consulter les archives d’une mer fictionnelle disparue. C’est ce qu’on appelle la solastalgie. Nous avons voulu sensibiliser par anticipation. L’étendue de la destruction qui nous attend nous est inconnue mais cela n’empêche pas de se projeter dans une fiction du futur », déclare Charles Carmignac, directeur général de la Fondation Carmignac.

Un musée-valise pour apporter l’exposition

Le musée-valise déployé, présenté par Charles Carmignac, Olivier Ibanez, directeur de la communication & du développement de la Fondation Carmignac et Bianca Bondi. Crédit : Stéphane Dana/FPA2.

« Il y a 3 ans, au terme de l’exposition, nous nous sommes dit que ce serait dommage de ne pas faire vivre cette exposition plus longtemps, sous une autre forme. C’est comme cela que nous avons eu l’idée de la compacter pour en proposer une version miniature et ambulante afin de pouvoir visiter les hôpitaux, les Ehpad, les prisons… », détaille Charles Carmignac. Ce musée-valise circule depuis septembre 2023. Il est actuellement présenté à au GHU Paris Saint-Anne, un hôpital psychiatrique.

Le dispositif mélange présentation vidéo d’œuvres, photographies, œuvres directement peintes sur le bois du module et pièces artistiques que le public peut manipuler pour varier les expériences et faire en sorte que l’expérience soit interactive. « Ce petit coffre magique, véritable cabinet de curiosités, est une réussite. Nous avons l’intention de décliner cette idée dans le futur pour faire voyager nos expositions auprès de ceux qui ne peuvent pas venir à nous », ajoute Charles Carmignac.

Quand la mer et le vent ne font qu’un avec l’homme

Olivier Le Carrer a évoqué son dernier ouvrage, “Naviguer sur les sentiers du vent”, paru en septembre 2023 aux éditions Actes Sud. Crédit : Stéphane Dana/FPA2.

Navigateur émérite, journaliste et écrivain, Olivier Le Carrer a une passion pour la mer et le vent depuis l’enfance. « J’en ai fait mon métier puisque j’ai essayé des voiliers de toutes tailles sur toutes les mers dans le cadre de mon métier de journaliste. J’ai aussi surfé nombre de vagues au gré de mes pérégrinations », se remémore-t-il. Longtemps, sa relation avec les océans était donc soit sur le plan du plaisir soit professionnelle. Au fil du temps, c’est devenu beaucoup plus que ça.

« À force de passer du temps dans l’eau et sur l’eau, on finit par comprendre comment tout cela fonctionne. On devient attentif à l’eau, au vent. Et, forcément, quand on connaît un élément, on apprend à l’aimer et on veut le préserver. C’est devenu sensuel. J’ai aujourd’hui un contact très intime avec l’eau, le vent, l’espace. Le sel, aussi, est omniprésent dans mes activités », constate Olivier Le Carrer.

Et d’ajouter : « La mer est aussi une formidable leçon pour comprendre notre dépendance à la nature. Si l’eau est déchaînée, on n’y peut rien. S’il n’y a pas de vent ou s’il y en a trop, on n’a pas d’autre choix que de faire avec. On s’adapte et quand on réussit à s’adapter, cela nous rend heureux, c’est un plaisir décuplé. » À nous, donc, de faire l’effort de nous adapter pour la préserver.

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