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J’ai passé un mois sans smartphone ni réseaux sociaux (et j’ai survécu)

RÉCIT. Se couper des écrans pour re-découvrir les charmes de la vie déconnectée : Cyrielle Marlet, lectrice de We Demain, a profité de l’été pour tenter l’expérience. Elle a passé un mois sans smartphone, ni plateforme de streaming, ni réseaux sociaux.

Le 24/08/2020 par Cyrielle Marlet
Décupler son attention, rencontrer de nouvelles personnes, lire davantage... La cure de Cyrielle Marlet lui aura procuré de nombreux bénéfices. (Crédit : Shutterstock)
Décupler son attention, rencontrer de nouvelles personnes, lire davantage... La cure de Cyrielle Marlet lui aura procuré de nombreux bénéfices. (Crédit : Shutterstock)

Cette expérience est née de lectures frappantes. Après quatre mois de télétravail hyperconnecté, des années de surmenage régulier et maintes tentatives de contrôler le flux de sollicitations qui arrive de toute part, je suis tombée, en rangeant de vieux papiers, sur un texte que j’ai écrit quand je devais avoir onze ans. J’y décris des activités d’enfant, puis ajoute : « mais tout ça ne vaut pas les moments que je passe au coin de ma chambre devant un bon bouquin. Ces moments-là je ne peux pas vous les décrire. »

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Les années ont passé et je ne lis plus beaucoup. Je cours après le temps et comble les moments morts par des séries, films et échanges depuis mon smartphone. Depuis deux ans, j’essaye d’inverser la tendance à coups d’expérimentations. La lecture d’un article de journal et d’un ouvrage sur le minimalisme digital va me faire aller encore plus loin.

Ce dernier propose de se passer des « technologies optionnelles » pendant un mois pour réellement sentir la différence, évaluer l’impact qu’elles ont sur nos vies et décider quelle place leur accorder à la lumière du sevrage. À la lecture de cette proposition, je me décide à faire le test sans plus attendre. Voici le journal de bord de cette expérience.

Jour 0 : préparation et top départ

Je préviens mon entourage de mon expérience. Je vais passer un mois hors des réseaux sociaux, sans mon smartphone et sans streaming. Afin de réellement utiliser ce temps à profit, je décide de ne pas regarder de films non plus, à moins d’aller au cinéma. Ma seule exposition aux écrans sera mon ordinateur portable pour aller voir mes mails et travailler sur mes quelques projets, et parfois la télévision allumée par une tierce personne lorsque je rendrai visite à ma famille.

En réponse, je ne reçois que des encouragements et des adresses postales. Pour unique moyen portatif de communication, je dégaine d’une vieille boite mon vieux Nokia 3510i, une révolution à l’époque de son lancement, car son écran est en couleur !

C’est dingue, la quantité de numéros qu’on cumule dans son répertoire sans jamais les utiliser. En dix minutes, je retape les essentiels dans mon vieux GSM. Je tatônne un peu, puis très vite, mes doigts enchaînent les combinaisons sur le clavier comme ils le faisaient il y a de cela 15 ans.

Jour 1 : les débuts

Première constatation : regarder mon vieux Nokia « pour voir si j’ai des notifications » ne procure pas les mêmes satisfactions que sur un smartphone. À moins qu’il ne sonne, consulter mon téléphone ne me sert strictement à rien.

Jour 2 : le manque

Le manque se fait sentir. Ce  n’est pas pour rien que l’on parle d’addiction aux écrans. Je me sens isolée, seule, sans bien savoir quoi faire. Heureusement, mon agenda est rempli pour les dix prochains journées. 

Jour 3 : une inspiration

Je discute avec Mélody qui utilise un vieux téléphone quotidiennement. Elle a un smartphone, qu’elle laisse à la maison et utilise « comme une tablette« . C’est son moyen à elle de limiter son exposition aux écrans, et je dois dire que sa méthode me plaît !

Jour 7 : premières impressions

Bilan de ma première semaine totalement déconnectée. Les premières impressions sont évidentes. Les gens consultent leur téléphone tout le temps (même entre deux cérémonies de funérailles…). C’est dingue, ce besoin de tout savoir tout de suite. La moindre question appelle aussitôt une levée de smartphones. Mais est-ce vraiment justifié ? Cela me rappelle cet extrait d’un article fascinant sur la tyrannie de la commodité : « quand nous laissons la commodité décider de tout, nous nous abandonnons trop ».

Jour 13 : voyager sans smartphone

Je me rends trois jours sur Paris. Voyager sans smartphone est devenu anachronique, surtout en période de Covid. Je dois « anormalement » préparer mon voyage : imprimer toutes mes réservations (obligatoires et faites en ligne depuis mon ordinateur), emprunter un plan de Paris et de certains musées à mes parents, vérifier les itinéraires jusqu’à mon logement… Mon smartphone aurait été bien utile pour conserver ces billets et informations, c’est indéniable. Et si quelque chose ne se passe pas comme prévu ? Je stresse… Devrais-je le prendre avec moi juste au cas où ?

Jour 16 : l’accès à l’information

La semaine est ponctuée de balade à vélo et de verres entre amis. Je pars en vadrouille en Flandre avec mon amie Sophie, qui joue le jeu et ne dégaine pas son smartphone à la moindre occasion. L’idée est de voir comment nous nous débrouillons sans. Libre à elle de recourir, en dernier ressort, à ce qu’elle baptise pour l’occasion sa « machine infernale ».

Assez rapidement, nous nous rendons compte que beaucoup de choses sont conçues en fonction des smartphones. L’accès à l’information est dans les mains du consommateur. Comment « savoir » autrement qu’en consultant un écran ? Cela restera l’une de mes préoccupations majeures pendant ce mois déconnecté. Il suffit souvent de demander directement aux gens, avec le sourire (et in het nederlands ce jour-là).

Jour 18 : une carte de ville

Départ pour Paris ! Mes appréhensions ont disparu et mon smartphone reste en Belgique. Je trouve même le moyen de contacter un ami qui vit à Paris autrement que par les réseaux sociaux. Je me balade en ville grâce au guide cartographié qui ne me quitte pas de tout le séjour. Je constate avec amusement que les endroits recommandés, tels que les restaurants, sont toujours là (et que même les prix n’ont pas changé). Et si je visitais un autre endroit avec une carte encore plus vieille ?

Jour 19 : la sélection d’informations

Comme je n’ai pas accès à toute l’information du monde au bout de mes doigts, je mémorise les informations les plus importantes ou les plus percutantes. J’accepte d’oublier certaines choses. Cela fait partie d’une sélection naturelle de l’information : autrement dit, avoir accès à moins mais en mieux. Le contexte sanitaire fait que je dois parfois faire face à une situation où le smartphone est – ridiculement – nécessaire. Impossible par exemple d’obtenir le plan papier d’un musée. J’ai bien fait d’emporter celui qui était chez mes parents !

Jour 20 : les photos

Mon séjour à Paris prend fin. Ma plus grande prise de conscience a eu lieu lors des visites de musées. Ça clique de partout, tout le temps. Fidèle à mes intentions minimalistes, je n’ai emporté avec moi qu’un appareil photo argentique. Moi qui « instagrammais » les œuvres ou mon assiette, me voilà avec 32 photos qui résument mon séjour. J’observe longuement les œuvres qui me plaisent pour pouvoir m’en souvenir. Je prends en photo les moments, davantage que les choses, moments dont je profite avec un esprit libéré.

Mon attention est comme décuplée : je me questionne davantage sur ce que j’ai vu et visité. Mes questions ne trouvent de réponse que le soir avec la lecture d’un livre, ou les jours suivants en débattant avec mon entourage.

Jour 21 : la quarantaine

Mon défi se corse. Paris étant passé en zone orange, je suis priée de rester chez moi en quarantaine en attendant de faire deux tests Covid (et qu’ils soient tous les deux négatifs). Dommage pour le cinéma. Je remercie mon frère de m’avoir déposé quelques jours plus tôt un puzzle de 1 000 pièces…

Jour 24 : mes occupations

Je n’ai jamais eu autant l’impression d’être en vacances ! J’en suis à mon troisième livre depuis le début de l’expérience. Quel plaisir de redécouvrir la lecture ! J’emprunte des bandes dessinées à la bibliothèque, je travaille sur mes idées, mes projets, j’avance péniblement sur le puzzle, je rêvasse, j’écris les lettres promises, je fais un peu de couture… et occasionnellement, je téléphone. Hormis pour quelques recherches et besoins ponctuels, l’ordinateur ne m’est pas d’une grande utilité. Je consulte mes mails tous les deux ou trois jours pour garder contact avec certain.e.s de mes ami.e.s.

Jour 27 : la musique

Je redécouvre la musique qui dormait sur mon ordinateur depuis des années. Thème du jour : les bandes originales de films ! Je suis d’ailleurs à deux doigts de craquer et d’en regarder un que l’on m’a chaudement recommandé. Après une brève hésitation, je repousse la séance à dans quelques jours. 

Jour 29 : les balades

Je peux enfin sortir… à moi les promenades ! Mon expérience se termine dans quelques jours et je m’étonne de l’avoir si bien vécue (confinement de huit jours mis à part). Nous partons faire deux jours de vélo en famille. Mon père reste scotché à son application GPS alors que nous sommes sur un RAVeL balisé et que nous croisons régulièrement des gens.

Mon frère a décidé de laisser son smartphone chez mes parents tout le weekend. Je fais des émules ! Nous voilà – les « enfants » – qui scrutons l’horizon pendant que nos parents vérifient leur notifications. L’addiction au smartphone est clairement un phénomène transgénérationnel.

Jour 32 : et maintenant ?

Le temps après lequel je courais désespérément, je l’ai retrouvé en rangeant mon smartphone. Je peux tout à fait me passer d’un accès à Internet en extérieur. Voilà ce que je vais éliminer en premier en testant la méthode de Mélody. Que gagne-t-on en restreignant notre accès aux objets connectés ?

  • De la tranquillité de vie et d’esprit.
  • De la qualité : de vie, des relations, des expériences, de tout.
  • Un retour à l’essentiel.
  • De l’attention !
  • De l’argent (facture moindre, recharges moins fréquentes)

    Le but du sevrage était de remettre le smartphone à sa juste place dans ma vie. Celle-ci est différente pour chacun. Quelle place accorder à Facebook ? À Instagram ? À mon smartphone comme base d’informations ? Quelle liberté puis-je me donner, à moi et rien qu’à moi ? Répondre à ces questions est primordial. 

À J+35, je ne suis toujours pas reconnectée. Peut-être demain ? Peut-être la semaine prochaine ? Qui sait… Je ne suis, en tout cas, pas pressée du tout !

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Le sevrage en chiffres (Jour 0 – Jour 31) :

Nombre d’heures passées en conversations téléphoniques : 5

Nombre de sms échangés : environ 150 (et à peu près autant reçus). Si l’on considère qu’un sms envoyé ou reçu prend en moyenne 1 minute, mon exposition au téléphone avoisine les 10h en 1 mois, contre 1h30 à 2h par jour avant.

Nombre de lettres envoyées et reçues : 10

Nombre de pages de livres lues : 1427 (hors BDs)

Nombre d’endroits nouveaux découverts : 15

Nombre de km parcourus à vélo : 186

Nombre de personnes que j’ai abordées pour informations : une bonne trentaine

Nombre de pièces de puzzle assemblées : environ 510 (toujours pas fini)

Nombre de chaussettes raccommodées : 5 (record absolu)

Nombre de pages de mots-fléchés remplies : 25

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