Christophe Gatineau : « Le ver de terre est le premier allié de l’agriculteur ! »

We Demain : Vous êtes agronome, spécialisé en agro-écologie. Éloge du ver de terre, paru le 19 septembre aux éditions Flammarion, est votre quatrième ouvrage. Dans vos précédents livres, vous vous êtes intéressé à la permaculture, et aujourd’hui vous vous concentrez sur le ver de terre… Quelle est l’origine de cette passion singulière pour cet animal ?

Christophe Gatineau : Je suis né en Charente-Maritime, dans une famille d’agriculteurs en permaculture… Je suis donc né au milieu des vers de terre. Il y a 50 ans, il y en avait partout, y compris dans les terres cultivées. Une partie de ma famille était traitée d’arriérée parce qu’elle ne voulait pas utiliser de pesticides. À l’époque, on ne faisait pas attention à cette biodiversité, car on la pensait éternelle. Mais j’avais le sentiment, une intuition qu’on n’allait pas dans le bon sens. Peut-être parce mes grands-parents m’ont sensibilisé sans le savoir depuis mon plus jeune âge. Mon grand-père aimait raconter des histoires, il me parlait constamment du monde et des animaux qui en faisaient partie. Il m’a accompagné à m’ouvrir au monde.
 
Justement, vous n’écrivez pas uniquement sur l’importance du ver de terre, mais aussi sur les Rohingyas, la théorie de l’évolution de Darwin, les Aborigènes australiens… Votre ouvrage se rapproche d’un traité sur l’humain.
 
Oui c’est ça. Tous mes livres sont écrits comme cela. Car, de quoi souffre le ver de terre, ou la biodiversité ? Simplement de notre conception du monde, du regard que nous portons sur eux ! Que ce soit pour le ver de terre, le renard, les pollinisateurs, les araignées… L’État investit zéro centime d’euro pour eux ! Pourtant le ver de terre est le premier allié de l’agriculteur !
 
Vous dialoguez même avec cet animal au fil des pages…
 
Dans cet ouvrage, j’effectue un travail de scientifique, auquel j’ajoute mon expérience de cultivateur depuis 60 ans. Il fallait mettre en scène tout cela. Ce dialogue avec un ver de terre en colère, qui jette un regard sur notre société humaine, est une astuce littéraire d’auteur. Cela rend le message audible pour tout le monde. Ce qui m’importe, c’est d’embarquer le lecteur dans une histoire, d’effectuer un travail de pédagogie pour les gens qui ne s’intéressent pas au ver de terre.
 
Vous avez publié votre premier ouvrage en 2014. Pensez-vous qu’il y a eu, depuis, une prise de conscience sur cette biodiversité de la part des citoyens et des agriculteurs ?
 
Pas du tout. La situation continue de se dégrader. Il faut changer profondément nos pratiques, car il ne suffit pas d’arrêter d’utiliser les pesticides pour préserver la biodiversité. Il faut aussi lui offrir le gîte et le couvert : pratiquer la jachère, planter des plantes pour les pollinisateurs, cultiver non pas pour soi, mais pour la nature. En école d’agriculture, j’ai été formé pendant quatre ans à trouver tous les moyens chimiques, de synthèse ou naturels, à détruire la biodiversité, qu’on pensait nuisible.

Je publierai au printemps 2019 un nouvel ouvrage à destination des professionnels et des personnes intéressées par l’agriculture. L’objectif est d’expliquer le rôle du ver de terre aux jeunes générations d’agriculteurs, de montrer son aspect économique : utiliser cet animal, c’est rentable ! Et tant que l’opinion publique n’aura pas pris conscience, réellement, de la situation, il n’y aura pas de changement de politique écologique ou agricole. Mais je garde évidemment espoir, je suis un activiste avant tout !

Eloge du ver de terre.
Editions Flammarion, 2018.

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