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En Allemagne, elle crée une fibre textile à base… de lait recyclé

Et si, demain, votre garde-robe, mais aussi vos sacs plastiques et vos pneus contenaient du lait ? La microbiologiste Anke Damaske en extrait une protéine pouvant se substituer au coton et à d’autres matériaux synthétiques. Les commandes passées à sa start-up affluent.

Le 20/04/2015 par WeDemain
Et si, demain, votre garde-robe, mais aussi vos sacs plastiques et vos pneus contenaient du lait ? La microbiologiste Anke Damaske en extrait une protéine pouvant se substituer au coton et à d'autres matériaux synthétiques. Les commandes passées à sa start-up affluent.
Et si, demain, votre garde-robe, mais aussi vos sacs plastiques et vos pneus contenaient du lait ? La microbiologiste Anke Damaske en extrait une protéine pouvant se substituer au coton et à d'autres matériaux synthétiques. Les commandes passées à sa start-up affluent.

C’est pour trouver une solution aux allergies que provoquent les substances chimiques contenues dans nos vêtements qu’une jeune entrepreneuse allemande, étudiante en microbiologie, a créé une fibre de textile à base de protéine de lait.

Qmilch , c’est le nom de sa start-up (littéralement « lait de vache »), produit de la fibre de lait sans ajouts chimiques, à faible consommation d’énergie et entièrement compostable. Ses t-shirts, fabriqués à partir d’une protéine appelée caséine, sont dégradables en six semaines seulement, sans être détériorés par la machine à laver.

Mais surtout, la caséine produite à des fins vestimentaires est, elle-même, à 100 % issue du recyclage : elle provient de lots échoués de laiteries, du lait périmé des grandes surfaces ou encore de vaches qui viennent de mettre bas. Une solution bienvenue dans un pays comme l’Allemagne, où, chaque année, deux millions de litre de lait sont gâchés.

Pour cette solution inédite, la jeune start-up vient d’être primée par le prestigieux GreenTec Awards, qui récompense les initiatives européennes en matière de technologie verte, et dont la remise des prix aura lieu fin mai.

« On n’imagine pas combien la chimie est encore utilisée dans la production de coton ou d’autres textiles comme le polyester ou le polyamide, et combien de résidus de pesticides ou additifs composent nos pantalons et chemises », souligne Anke Domaske, maintenant à la tête d’une équipe de dix employés basée à Hannovre, dans le nord de l’Allemagne.

Pour lutter contre cette « réalité désolante », l’ex-étudiante, aujourd’hui âgée de 31 ans, a commencé, dans sa cuisine, par tester différentes recettes de fibres, toutes à base de caséine.

« C’était en 2009. J’avais acheté mon mixeur et d’autres ustensiles de cuisine au supermarché et j’ai commencé à mélanger la protéine avec différents ingrédients, pour voir », se souvient Anke Domaske.

Une fibre plus fine qu’un cheveu humain

Désormais, elle dispose de machines professionnelles, d’un lieu de production et de 5 millions d’euros de fonds d’investissement. La fibre est produite selon une technique inédite : après avoir éliminé les impuretés du lait, on en extrait la caséine. La protéine est ensuite mélangée avec de l’eau et des ingrédients naturels tenus secrets.

« Cette sorte de pâte à gâteau passe à travers une tuyère, à 80 degrés au lieu de 200 degrés pour des fibres classiques comme le polyester : sous l’action de la chaleur, le condensé qui reste est ensuite transformé en une fibre plus fine qu’un cheveu humain », détaille Anke Domaske.

Cette fine fibre est donc créée avec très peu d’énergie « et également très peu d’eau » .

« En cinq minutes, nous produisons un kilogramme de fibres : avec des machines d’une capacité de 2 000 tonnes de fibres au total, ce sont 240 millions de t-shirts qui peuvent être conçus à base de caséine, chaque année », poursuit l’entrepreneuse.

Cette production écologique est certes plus chère que le coton, mais son prix de revient au kilo reste inférieur à celui de la soie, tout en affichant des caractéristiques proches : le tissu produit est très résistant, antibactérien et antistatique. Et, pari gagné pour l’entrepreneuse, il est aussi hypoallergénique.

Désormais, Anke Domaske a pour ambition d’utiliser le gras et d’autres ingrédients du lait, toujours dans l’optique de ne produire des fibres sans aucun déchet.

Vêtements, cosmétique, sacs plastiques, automobile…

Déjà, des t-shirts à base de fibre de lait sont en train d’être produits. Ce sont essentiellement des « clients allemands » qui achètent la matière première pour l’instant, se contente d’affirmer Anke Domaske, qui précise toutefois que l’on retrouve parmi eux des « chaînes de vêtements ». À terme, l’entrepreneuse confie espérer « trouver des vêtements à base de caséine chez H&M et consorts ».

En attendant, la protéine de lait de Qmilch est aussi utilisée par différentes marques de cosmétique. La production de films et sacs plastiques est également en cours d’expérimentation. La technique est la même que pour fabriquer des composants textiles, sauf qu’au lieu de créer une fibre, l’entreprise produit un granulat. Ce dernier est d’ores et déjà fourni à des marques automobiles de l’industrie allemande, qui font entrer ces granulats dans la composition des revêtements intérieurs ou encore celle des pneus.

L’aventure lactée de Qmilch n’en est, selon sa fondatrice, « qu’à ses débuts ». « Nous comptabilisons 700 demandes pour l’industrie textile, deux cent de plus pour l’industrie plastique pour l’instant » résume-t-elle, avant de préciser que les premiers produits à base de protéine de lait arriveront sur le marché en 2016.

Porter une robe à base de lait sera alors possible, de même que la jeter dans votre compost lorsque vous en serez lassé. Si cette nouvelle fibre « green » a donc tout pour réussir, elle n’en reste pas moins un produit de l’élevage industriel. Pour autant, elle permet la réutilisation d’un lait destiné à la poubelle, l’économie de coton et de textiles chimiques. 

Lara Charmeil
Journaliste à We Demain
@LaraCharmeil

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