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Julien Vidal, un geste par jour pour sauver la planète

Le 27/03/2019 par Sofia Colla

Julien Vidal est un homme occupé. Normal, il a une planète à sauver. Pas facile de trouver un créneau pour le rencontrer, mais quand il parvient à dégager du temps, le président de l’association Ça commence par moi  est vraiment là; pas en train de penser à son prochain rencard.
    

« Travail, loisirs, rencontres,… J’essaie de tirer la quintessence de tout ce que j’accomplis. Du coup, je fais beaucoup moins de choses qu’avant. Je mêle en quelque sorte slow life et pleine conscience méditative ! », sourit le Grenoblois exilé à Barbès.

    
Dans ce quartier bruyant du nord de Paris, Julien se sent « comme à la maison ». La comparaison a de quoi surprendre quand on sait qu’il a grandi au pied des montagnes. Mais à 32 ans, il a déjà fait un tour du monde et passé quatre ans (de 2012 à 2016) en Colombie puis aux Philippines, dans les bidonvilles de Bogotá puis de Manille. À son retour, ce petit coin cosmopolite de la capitale s’est imposé comme une évidence. Sa nouvelle vie aussi.
 

 

La prise de conscience

« En atterrissant aux Philippines, j’ai pris une grosse claque. Là-bas, les effets du réchauffement climatique sautent aux yeux. Les habitants n’ont d’ailleurs plus assez de lettres dans l’alphabet pour baptiser les derniers typhons. Ils ont été obligés de recommencer avec celles du début. À mon retour en France, je n’étais plus le même. J’avais besoin de me réinventer », justifie-t-il.
 
Pour subvenir à ses besoins, l’ancien expat’ trouve un CDD chez Unicité, où il coordonne 25 jeunes en service civique. Le boulot le passionne mais pas au point de l’épanouir. Se plonge-t-il à ce moment-là dans les livres de Gandhi ? Il décide en tout cas d’incarner l’un des enseignements du maître spirituel : « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde. »
 
Julien ouvre alors le blog Ça commence par moi  et se met au défi, durant 365 jours, d’appliquer quotidiennement une action en faveur de la planète.
 

« M’exposer sur internet n’avait rien de mégalo. J’avais besoin d’une petite dose de motivation pour m’obliger à tenir mes résolutions. Un peu comme quand tu te réveilles tôt pour aller courir. Tu sais que ça va te faire du bien mais tu es content d’avoir un pote en bas de chez toi pour te dire ‘Allez, tu viens ?’ ! »

 

 
Sa première action? Coller un autocollant « Stop pub » sur sa boîte aux lettres.« Pour tenir sur la longueur, je devais démarrer par des actions simples. »
 
À cette époque, il a déjà supprimé la viande de son assiette depuis cinq ans, après avoir entendu, en août 2011 à la radio, que la planète venait de franchir son jour du dépassement des ressources disponibles pour l’année. Depuis, il n’en a jamais remangé mais cède parfois à l’appel des sushis.

 

Une douche : 3 minutes, ça suffit

Durant 365 jours, Julien aura contracté des abonnements chez des fournisseurs de gaz et d’électricité militants, téléchargé l’extension Amazon Killer, qui permet de trouver des circuits d’achats alternatifs à ceux du géant du e-commerce, le moteur de recherche Ecosia, qui reverse la majorité de ses bénéfices pour la reforestation, équipé sa cuisine avec des ustensiles achetés en ressourcerie, adhéré à un supermarché coopératif, pris l’habitude d’acheter ses jeans dans des friperies, etc.
 
Florence, sa compagne, s’est adaptée… Tout en reconnaissant que les débuts ont parfois été pénibles! Impossible de laisser une lampe allumée ou un câble branché non relié à un appareil électrique (qui continue de consommer de l’électricité pour rien).
    

« Il fallait sans arrêt se relever pour éteindre ou débrancher un truc, se souvient-elle, mais ça devient vite une habitude. »

    
Sous son apparente douceur, Julien dissimulerait-il un caractère d’ayatollah? La jeune femme éclate de rire : « Il n’a rien d’un tyran. Au début, il essayait juste de convaincre. Je crois qu’il en avait besoin pour bouger. Mais plus son nouveau mode de vie est devenu naturel, moins il a cherché à utiliser la persuasion et plus il a réussi à convaincre de monde ! Aujourd’hui, il est beaucoup moins directif. »
 
« Il est dans l’exemple et l’échange », confirme Jean-Michel, le père de Julien, très fier d’avoir lui aussi revu sa manière de consommer. « J’ai créé mon potager, je me suis lancé dans le compost, je suis allé chercher des idées pour fabriquer du savon.. »
 
Émilie, sa mère, réfléchit désormais à deux fois avant d’utiliser sa carte de crédit. « Quand je vois un vêtement qui me plaît, j’entends la petite voix de mon fils qui me demande si j’en ai vraiment besoin. En général, je l’écoute… Sauf si j’ai envie de me faire plaisir ! »
 
Les deux frères adhèrent aussi. « Lorsqu’il est rentré de son tour du monde, il leur a acheté un sablier. ‘La douche, 3 minutes ça suffit!’ a-t-il justifié. Ils ont obtempéré alors que nous n’avions jamais réussi à leur faire fermer le robinet pendant l’opération savonnage ! », se souvient Émilie.

Économiser la planète c’est faire des économies

La famille Vidal n’est pas la seule à se laisser gagner par la ferveur du garçon. Sa page Facebook est suivie par plus de 30 000 personnes, il compte près de 2 000 followers sur Twitter, et sort un livre (1). Désormais, le blog n’est plus centré sur les expériences de Julien. Il laisse maintenant la place à d’autres initiatives narrées par d’autres.
   

« Leurs histoires m’inspirent et m’amènent à découvrir des lieux innovants. »

   
Ce passage de relais lui permet également de trouver du temps pour trouver son modèle économique. « Pour le moment, j’anime des formations et je participe à des conférences mais je ne me rémunère pas. Je vis de mes indemnités chômage, soit 1 150 euros par mois dont 500 qui partent dans le loyer. »
 
Pourtant le trentenaire ne se plaint pas. Avec les 650 euros restants, il affirme pouvoir sortir tout en faisant des économies. « Heu, là il ne faut pas exagérer, coupe Florence. Nous sommes surtout peu dépensiers et on connaît les bonnes adresses pour ne pas nous ruiner. »
 
Les parents de Julien confirment. Lors d’un week-end à Paris, leur programme était chargé : théâtre, visite de l’Orangerie… « En s’y prenant à l’avance, Julien va à l’opéra Garnier pour 15 euros », illustre sa maman. Et les vacances ? L’été dernier, ils sont partis faire de la rando dans les Alpes avec une toile de tente dans le sac à dos. Tout simplement.
 
Et depuis qu’il vit ainsi, Julien affirme n’avoir jamais été aussi à l’aise dans ses baskets. « J’ai compris qu’aller dans le sens de la nature, c’était aller dans le sens de notre propre nature. » 

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