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La forêt mosaïque : vive la diversification face au réchauffement climatique

Diversité des essences, zones en futaie régulière et irrégulière, vieux bois, réserves biologiques, îlots d’avenir… la forêt mosaïque se présente comme la meilleure option pour sauver la forêt française du réchauffement climatique.

Le 15/10/2023 par Florence Santrot
dendromètre
Un technicien forestier territorial de l'ONF vérifie la croissance d'un arbre en zone protégée. Il regarde pour cela le dendromètre, un cercle de métal millimétré, qui s'élargie à mesure que le tronc prend de l'ampleur. Crédit : Florence Santrot.
Un technicien forestier territorial de l'ONF vérifie la croissance d'un arbre en zone protégée. Il regarde pour cela le dendromètre, un cercle de métal millimétré, qui s'élargie à mesure que le tronc prend de l'ampleur. Crédit : Florence Santrot.


La forêt mosaïque est un concept de gestion forestière qui vise à créer des forêts plus résilientes au changement climatique, aux perturbations naturelles et aux activités humaines. Elle se caractérise par une grande diversité d’essences, de peuplements et de modes de gestion. Pour résumer, l’idée est de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier pour pouvoir garder des options face à un avenir très incertain. Le concept écologique de forêt mosaïque a été adopté par l’ONF (Office national des forêts) depuis quelques années dans l’espoir que le dérèglement climatique ait un impact le moins négatif possible sur les forêts françaises.

L’ONF est le gestionnaire des forêts publiques françaises. Il supervise pas moins de 17 millions d’hectares rien qu’en métropole. Des millions d’hectares qui souffrent durement du réchauffement climatique. Au point de comparer les effets des hausses des températures et de la sécheresse climatique à une véritable tempête. « Le stress climatique, c’est une tempête silencieuse : il fait autant de dégâts mais c’est moins visible. La grande différence, c’est que cette tempête-là ne s’arrête pas », explique Albert Maillet, directeur forêts et risques climatiques à l’Office national des forêts (ONF). À ses côtés, WE DEMAIN a visité, le temps d’une journée, la forêt de la Moulière, ancienne forêt royale située dans la Vienne. Un exemple parfait de forêt mosaïque.

Visite de la forêt de la Moulière avec l’ONF. Crédit : Florence Santrot.

La forêt mosaïque, une solution pour parer à toutes les éventualités ?

L’ONF estime que plus de 300 000 hectares de forêts sont concernés par le dépérissement lié au réchauffement climatique. En outre, selon lui, les récentes évaluations carbone montrent une division par deux du puits de carbone forestier en 10 ans. Pour se préparer aux pires éventualités, l’ONF veut préparer la forêt publique française à un scénario de +4 °C à l’horizon 2100. Cela signifie quoi pour nos bois ? « Il faut essayer de faire absorber à la forêt en 10 ans un choc thermique qui jusque-là s’étalait environ 10 000 ans », résume Albert Maillet.

En étudiant toutes les possibilités, la forêt mosaïque veut parer à toutes les éventualités et faire ressortir les méthodes les plus efficaces pour que nos forêts résistent au réchauffement climatique.

Infographie représentant le concept de forêt mosaïque. Crédit : ONF.

Une forêt française en bien mauvais état

L’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière), dans son dernier bilan, a estimé que sur la dernière décennie l’accroissement biologique des forêts a baissé de 10 % tandis que la mortalité augmentait de 50 %. « Face à ces constats, laisser le milieu évoluer librement, sans fortes interventions humaines, s’avère risqué », explique l’ONF.

Il y a quatre niveaux de réponses selon les cas de figure à horizon 2050-2100, indique Jean-Yves Caullet, président de l’Office national des forêts  :

  1. Environ la moitié de la forêt française devrait bien résister face au réchauffement climatique. On privilégiera donc la régénération naturelle.
  2. Pour la moitié restante moins résistante, il sera possible dans certains cas de figure de travailler sur les espèces secondaires plus résilientes et d’en faire monter une en particulier qui deviendra l’espèce dominante, sans plantation extérieure.
  3. Autre piste explorée : une forêt avec un cocktail d’essences mais aucune suffisamment résistante. Dans ce cas, on va utiliser les mêmes essences déjà en place mais en allant chercher les plants beaucoup plus au sud. Des plants qui sont donc déjà adaptés à des conditions climatiques plus difficiles.
  4. Enfin, la dernière option sera la migration, initiée par l’homme, d’espèces non présentes dans la forêt. D’abord des essences du territoire national et, si nécessaire, des espèces internationales proches (Maroc, Turquie…)

À lire aussi : notre dossier spécial consacré à la forêt française

La fin de la mono foresterie ?

Souvent dénoncée, la mono foresterie représente 47 à 50 % des forêts françaises. Mais la monoculture, comme dans les Landes avec le pin par exemple, est souvent synonyme de vulnérabilité. Actuellement, 33 % des surfaces comptent deux essences en mélange (souvent l’une des deux est plus prégnante). Enfin, seulement 17 % des forêts sont diversifiées, avec trois essences ou plus.

En combinant sécheresses, maladies, ravageurs, chaud et froid extrêmes… les raisons de l’affaiblissement des forêts sont multiples ces dernières décennies. L’épidémie de scolytes sur les épicéas, notamment dans le Jura, fait ainsi des ravages depuis quelques années. Tout cela combiné aboutit à affaiblir la forêt, y compris au niveau des jeunes plants. Ces derniers affichent un taux de mortalité de 38 % quand il devrait être de l’ordre de 20 % pour bien faire.

Un jeune chêne protégé par un grillage pour éviter que les sangliers et autres animaux ne viennent le manger. Crédit : Florence Santrot.

Et si les plants résistent, quoi qu’il arrive « les nouveaux boisements pousseront moins vite », souligne Albert Maillet. On constate en effet un ralentissement de la croissance des arbres depuis 2009 en France. Mais la forêt mosaïque semble être une solution intéressante, même si elle présente un défi supplémentaire pour l’exploitation du bois. « Couper les arbres en forêt mosaïque, c’est plus compliqué qu’en futaie régulière. Mais cela reste moins compliqué que dans une forêt morte ou en passe de mourir », conclue Albert Maillet.

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