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Vivre dans le brouillard : le quotidien d’un Français à Pékin

Il y a les chiffres alarmants sur la qualité de l’air en Chine. Et la vie au jour le jour dans cet environnement ultra-pollué. Installé depuis peu à Pékin, Loïc le Gars témoigne de sa rencontre avec l’« airpocalyspe » et revient sur les mesures prises par les autorités pour y remédier.

Le 04/04/2014 par WeDemain
Liv et Emy, observant à  la loupe et au microscope. àˆve, leur mère, leur fait l'école à  la maison. ( Crédit : àˆve Herrmann )
Liv et Emy, observant à  la loupe et au microscope. àˆve, leur mère, leur fait l'école à  la maison. ( Crédit : àˆve Herrmann )

Loïc Le Gars est membre de la rédaction de Labyrinthe, webmagazine dédié au changement de société.

Mon avion a atterri le 26 février 2014, jour record dans l’histoire des pics de pollution de ce début d’année. L’appareil est à moins de 500 mètres du sol, mais on se croirait encore dans les nuages. Le pilote manœuvre l’atterrissage dans l’opacité du smog omniprésent. Le sas de l’avion s’ouvre sur une passerelle aux allures de pot d’échappement. J’arrive dans un hall d’aéroport au gigantisme chinois, où le brouillard est tel que même le côté opposé parait flou.

Le soir même, il pleut pendant un quart d’heure. Une pluie étrange, stagnante, presque imperceptible. Elle s’avère finalement salvatrice, puisqu’elle plaque les particules de pollution au sol. Un ami chinois m’expliquera le lendemain qu’il pourrait s’agir d’une précipitation créée par le relâchement d’aérosols dans les nuages. Le gouvernement chinois testerait d’ailleurs la dispersion de ces agents chimiques par des drones, dans la province du Hubei. J’apprends aussi l’existence du bureau des modifications météorologiques de Pékin, qui supervise ce type d’actions depuis des années. En 2004 déjà, il avait annoncé avoir artificiellement augmenté les précipitations de 10% sur la mégalopole.

Jogging sous le smog

Quelques jours plus tard, je silionne le campus de l’université de Tsinghua et suis surpris par le peu d’étudiants qui se protègent de la pollution. Même les plus prudents n’arborent qu’un simple masque chirurgical. Je constate vite que la baisse de la visibilité extérieure ne pousse pas tout le monde à se protéger. Il y a évidemment des jours de beau ciel bleu, mais l’air est qualifié de « malsain » ou « dangereux » la majeure partie de la semaine. En dépit de la pollution apparente, beaucoup font leur jogging sous le smog et des matchs de basket-ball continuent à s’organiser régulièrement. Je croise même une étudiante à vélo qui lutte contre la menace invisible… à l’aide de sa main devant la bouche.

Les étudiants de l’une des meilleures universités scientifiques du pays ne sont-ils pas conscients des risques pour leur santé ? J’en interroge quelques-uns : Xike Cheng m’annonce que la population est bien informée de la qualité de l’air grâce à des prévisions du soir pour le lendemain retransmises par les médias, les sites internet populaires et les réseaux sociaux. Pour Hao Lei, le problème réside dans la fiabilité des masques présents sur le marché, dont la plupart affichent trompeusement une protection contre les particules PM 2.5. Dong Nin critique le manque d’éducation et de prévention sur la question. Et pour Qing Shi, la lassitude est la grande responsable car les avertissements perdent de leur sens quand ils façonnent le quotidien. Les années passent et on s’avoue un peu vaincu. Peut-on vivre continuellement derrière un masque ?

[Vidéo] Scènes de vies sous le smog à Pékin © Reuters.

Mardi 26 mars. Je me réveille dans une chambre sombre, la bouche sèche, une légère migraine et un chat dans la gorge. Avant même d’ouvrir les rideaux, je mesure à l’obscurité la forte pollution extérieure. Avec le temps, on peut rien qu’en humant l’air deviner assez précisément son index de qualité. J’enfile mon masque et sors dans un brouillard à couper au couteau. Je ressens pour la première le sens du mot « airpocalypse » devant le danger environnant : quelque chose de mortel flotte dans cet air.

Loterie à polluer

L’état de la pollution est ici extrême. Il représente une situation que chaque grande ville voudrait et devrait éviter. Mais alors que la Chine est souvent pointée du doigt par les médias, on parle généralement moins des efforts du gouvernement.

Le professeur Zhuo Yuqun, expert dans les contrôles d’émissions et des technologies de combustion propre, table sur une amélioration de la qualité de l’air dans les cinq prochaines années. L’entrée en vigueur de nouvelles normes exigeantes sur les centrales à charbon, à partir de juillet 2014, devrait réduire drastiquement les émissions d’oxyde nitreux (Nox), de particules particules fines (PM) et d’oxyde de soufre (Sox). A l’entendre, l’autre grand facteur de la pollution à Pékin serait également sous contrôle, puisque le nombre de voitures à essence vendues est maintenant limité dans la capitale. En 2014, il s’en vendra seulement 130 000. Depuis 2011, les acheteurs d’automobile se voient contraints à participer à un tirage au sort pour obtenir une plaque d’immatriculation. Seule une personne sur dix obtiendrait le droit d’acheter un nouveau véhicule. De surcroît, la Chine participe massivement à la reforestation et aurait déjà planté près de 56 milliards d’arbres. Le pays ambitionne d’ériger une grande muraille verte de 4 500 km de long d’ici 2074. Si le smog chinois vous fascine, vous feriez donc bien de vous dépêcher de filer à Pékin, car il pourrait bientôt disparaître.

Le web magazine Labyrinthe organise un apéro-débat sur l’économie collaborative le 15 avril à Paris !

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