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Inédit : l’État a trois mois pour prouver ses engagements climatiques

Le Conseil d’Etat a donné 3 mois au gouvernement français pour démontrer que ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 pourront être respectés. Une décision historique.

Le 19/11/2020 par Sofia Colla
Suite à l’attaque de l’État pour inaction climatique par l’ancien maire de Grande-Synthe, Damien Carême, le gouvernement est contraint par la justice de se justifier. Une victoire pour les écologistes. (Crédit : Shutterstock).
Suite à l’attaque de l’État pour inaction climatique par l’ancien maire de Grande-Synthe, Damien Carême, le gouvernement est contraint par la justice de se justifier. Une victoire pour les écologistes. (Crédit : Shutterstock).

Le Conseil d’État a rendu sa décision : il donne trois mois au gouvernement pour prouver ses engagements en matière de réduction des gaz à effet de serre. Trois mois pour « justifier que la trajectoire de réduction à horizon 2030 pourra être respectée »

En signant l’Accord de Paris, la France s’est engagée à diminuer de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, par rapport à leur niveau de 1990. En novembre 2018, la ville de Grande-Synthe et son maire de l’époque, Damien Carême, aujourd’hui député européen pour Europe Écologie les Verts, attaquait l’État pour « inaction en matière de lutte contre le changement climatique ».

« Je me suis appuyé sur les études scientifiques qui établissent des risques de submersion de la ville de Grande-Synthe dans moins de 30 ans pour engager cette action en justice. 30 ans, c’est une génération, ce sont nos petits enfants ! »

explique Damien Carême dans un communiqué. 

Des actions insuffisantes pour le climat

Si le gouvernement avait demandé auprès de la justice un rejet de la demande, la plus haute juridiction administrative en a décidé autrement en prenant cette décision historique. Le conseil d’État a souligné que la France « a, au cours des dernières années, régulièrement dépassé les plafonds d’émissions qu’elle s’était fixés et que le décret du 21 avril 2020 a reporté l’essentiel des efforts de réduction après 2020 ».

En juillet, le rapport annuel du Haut Conseil pour le Climat alarmait déjà quant au retard de la France en matière de réduction des émissions de carbone. Il précisait que cette réduction était « similaire à la moyenne des années précédentes », c’est-à-dire de 1,1 % par an en moyenne, donc « encore très loin des – 3 % attendus à partir de 2025 ».

« C’est insupportable de voir un gouvernement signer des accords et se targuer de son ambition climatique mais ne rien faire pour les mettre concrètement en œuvre. La réalité c’est que la France n’est pas à la hauteur.

réagit Damien Carême. 

Aujourd’hui, le gouvernement est contraint de « justifier, dans un délai de trois mois, que son refus de prendre des mesures complémentaires est compatible avec le respect de la trajectoire de réduction choisie pour atteindre les objectifs fixés pour 2030 ». À l’issu de ces trois mois, le Conseil d’État pourra obliger le gouvernement à prendre des mesures. 

« La décision du Conseil d’État est historique dans la mesure où, désormais, on passe à une obligation de résultats, et pas seulement de moyens, en matière de lutte contre le changement climatique », commente l’avocate de Grande-Synthe et l’ancienne ministre de l’Environnement, Corinne Lepage, au journal Le Monde.

« Je me réjouis de cette décision du Conseil d’État qui sonne le glas de l’inaction climatique. Cet arrêt condamne l’État à mettre en œuvre les objectifs fixés pas l’Accord de Paris, il était temps ! »

se satisfait Damien Carême.

L’Affaire du siècle

L’ONG Notre affaire à tous, qui avait lancé la pétition l’Affaire du siècle avec plus de 2 millions de signature en un mois, s’était jointe au recours de Grande-Synthe comme « intervenante » à la procédure. En parallèle, l’ONG, aux côtés des villes de Paris et de Grenoble mais aussi des associations Greenpeace, Oxfam et la Fondation Nicolas Hulot, avait déposé en décembre 2018 un recours auprès du tribunal administratif de Paris pour « carence fautive » de l’État.

« Cette décision, ainsi que celle que prendra le Conseil d’État, si l’État n’arrive pas à démontrer que ses engagement sont suffisants à l’issue de ces 3 mois, devraient pousser le Tribunal Administratif à nous donner raison sur un certains nombres de points que nous soulevons. Le Tribunal aura même, dans notre dossier, la possibilité d’aller plus loin, en reconnaissant à l’État une obligation générale de lutte contre les changements climatiques, ou en sanctionnant des carences spécifiques de l’État par exemple », explique l’équipe de l’Affaire du siècle dans un communiqué.

Une décision qui vient s’inscrire dans un mouvement mondial. En 2019, la fondation néerlandaise Urgenda, regroupant plus de 900 citoyens, avait contraint l’État à réduire ses émissions de CO2. En début d’année, nous vous parlions également de l’affaire de l’aéroport d’Heathrow, à Londres, dont l’agrandissement avait été rejeté par la cour d’appel britannique jugeant qu’il ne respectait pas les objectifs écologiques de l’Accord de Paris sur le climat.

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