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Tout comprendre au phénomène derecho et ses vents destructeurs

arbre arraché © Vely - stock.adobe.com

Publié par Florence Santrot  |  Mis à jour le

Un système orageux exceptionnel a traversé la France dans la soirée du 24 au 25 juin 2025. Grêlons géants, rafales dépassant les 140 km/h, éclairs par dizaines de milliers… Ce phénomène rare, appelé “derecho”, pourrait bien devenir plus fréquent avec le changement climatique. Explication.

Tout a commencé dans la nuit du 24 au 25 juin 2025. Une première ligne d’orages, organisée en système multicellulaire, balaie la côte aquitaine. La foudre est intense : plus de 20 000 éclairs sont enregistrés, dont 3 000 impacts au sol. Les vents s’emballent jusqu’à 135 km/h à Cazaux, en Gironde. L’atmosphère est électrique. Littéralement.

Ce premier épisode n’est qu’un avertissement. Dans une France suffocante – jusqu’à 40 °C dans le Berry –, les ingrédients d’une instabilité explosive s’accumulent. L’air est chaud et humide au sol, plus sec et froid en altitude. Et surtout, un courant d’altitude très rapide (le jet-stream), venu du Portugal, s’intensifie. Il crée une configuration propice aux orages violents, comme l’explique Keraunos, l’Observatoire des français des tornades et orages violents.

Violence dans l’après-midi

À partir de 17h, une supercellule se forme sur les Pyrénées-Atlantiques, remonte vers la Gironde, puis le Lot-et-Garonne. Elle s’accompagne de grêlons impressionnants, entre 8 et 10 cm de diamètre, qui endommagent véhicules, toitures et cultures. D’autres cellules, elles aussi supercellulaires, éclatent plus au nord, dans le Berry et les Pays de la Loire, où la température de surface avoisine encore les 40 °C.

⛈️ On commence fort avec de premiers orages dans le sud-ouest qui produisent de gros grêlons !Photos par Max via @infoclimat.fr forums.infoclimat.fr/f/topic/6031…@meteofrance.com @keraunos.org

[image or embed]— Quentin Rey – Photography / Weather (@quentinrey.com) 25 juin 2025 à 16:29

En fin de journée, les orages se multiplient, se connectent, s’alignent. Ils forment une ligne continue qui avance vers le nord-est, accompagnée de rafales de vent de plus en plus violentes. Le phénomène prend alors un nom : derecho.

Comprendre le phénomène météorologique “derecho”

Derecho signifie “droit devant” en espagnol. C’est une tempête d’un genre particulier : une longue ligne d’orages organisés qui provoque des rafales de vent extrêmement violentes sur des centaines de kilomètres.

Pour qu’un phénomène soit qualifié de derecho, plusieurs critères doivent être réunis :

  • une ligne orageuse continue d’au moins 400 km de long,
  • des rafales descendantes (downbursts) supérieures à 90 km/h enregistrées en de nombreux points,
  • des rafales espacées d’au moins 64 km, sur une durée de plusieurs heures,
  • un déplacement rapide et globalement rectiligne,
  • une structure orageuse organisée et persistante, souvent issue de la fusion de supercellules.

Contrairement à une tornade, un derecho ne tourne pas sur lui-même : il avance “en ligne droite”. Les vents destructeurs proviennent d’un effondrement brutal d’air froid à l’intérieur du système orageux, qui s’écrase au sol avant de se propager à grande vitesse.

Avec des rafales >130km/h et des grêlons de 10cm (!), ces dernières 24h, la France a été balayée par un derecho, un phénomène violent de vent en ligne droite provoqué par des orages organisés. Ces systèmes orageux peuvent générer des rafales destructrices sur des centaines de kilomètres.

[image or embed]— Dr. Serge Zaka (@sergezaka.bsky.social) 26 juin 2025 à 08:29

La grêle, double peine pour les régions touchées

En plus du vent, la grêle s’est invitée. Dans plusieurs départements, des grêlons de 5 à 10 cm ont été relevés. De véritables projectiles capables de briser des vitres, transpercer des tuiles ou ruiner une exploitation agricole. Certains ont été comparés à des boules de pétanque tant ils étaient denses.

It is hot and sometimes there are storms. Today, in the south-west of France.It rained really heavily with hail this afternoon. I hope the Tour de France is not affected by this, and that all other activities are too.

[image or embed]— kingfisher-blue.bsky.social (@kingfisher-blue.bsky.social) 25 juin 2025 à 19:29

Sur le terrain, les témoignages décrivent un vacarme “apocalyptique”, des routes inondées et impraticables, des serres éventrées, des animaux blessés. La violence de l’épisode a surpris même les observateurs les plus aguerris.

Vidéo accélérée de l'arrivée de l'orage vers Montauban. Vent, forte activité électrique, grêle, ça rigole pas ! À suivre d'ici le milieu de nuit !Via la Webcam de l'aéro-club Montalbanais@keraunos.org @meteofrance.com @infoclimat.fr #orages #pluie #vigilanceOrange #météo #wxSky

[image or embed]— Quentin Rey – Photography / Weather (@quentinrey.com) 25 juin 2025 à 20:19

Foudre : une activité électrique exceptionnelle

Autre indice de l’ampleur du phénomène : l’activité électrique. En une seule journée, près de 17 000 impacts de foudre sont enregistrés, dont plus de 3 500 de polarité positive – bien plus puissants que les décharges négatives habituelles. Le record ? 517 kA à La Peyratte (Deux-Sèvres), soit vingt fois la moyenne d’un impact classique.

Cette foudre intense, associée à un système orageux continu, accentue les risques : départs d’incendie, surtensions sur les réseaux, blessures. Dans plusieurs départements, les pompiers parlent d’une véritable “nuit blanche”.

Derecho : pourquoi un tel orage a-t-il explosé ce jour-là ?

Selon Keraunos, tout s’est joué dans les contrastes atmosphériques. Une poche d’air froid en altitude, venue du Portugal, a croisé un air très chaud et humide présent au sol. Ce déséquilibre a créé une instabilité extrême. En altitude, le jet-stream s’est mis à souffler fort et à s’écarter comme un éventail au-dessus du pays. Cela a facilité l’ascension de l’air chaud depuis le sol, un peu comme si l’atmosphère se “vidait” par le haut.

Au sol, l’air chaud s’est concentré par endroits. Cette convergence, couplée à l’instabilité verticale, a déclenché des orages très puissants. Des supercellules bien structurées, qui ont ensuite fusionné en un seul front de tempête : le derecho.

Davantage de derechos : simple coïncidence ou conséquence du réchauffement climatique ?

Pendant longtemps, les derechos étaient considérés comme des événements rares en France. On en recensait à peine un tous les dix ou quinze ans. Depuis les années 2000, leur fréquence semble augmenter : plusieurs épisodes ont été identifiés ces dix dernières années, dont certains très marquants en 2014, 2019, 2022… et aujourd’hui en 2025.

Mais ce constat signifie-t-il que le réchauffement climatique en est responsable ? Les climatologues appellent à la prudence. Un seul événement ne suffit jamais à tirer une conclusion. Mais plusieurs facteurs liés au changement climatique peuvent créer un contexte plus favorable à ces phénomènes :

  • des températures plus élevées, qui rendent l’air capable de contenir davantage d’humidité,
  • une instabilité atmosphérique accrue, avec un contraste plus marqué entre l’air chaud du sol et l’air plus froid en altitude,
  • des épisodes de chaleur plus longs et plus intenses, qui préparent le terrain pour des orages violents.

Autrement dit, le réchauffement climatique n’invente pas les derechos, mais il augmente les chances qu’ils surviennent – et qu’ils soient plus intenses. D’autant que ces orages sont difficiles à anticiper et souvent sous-estimés dans les modèles climatiques classiques, encore peu adaptés à capturer les dynamiques rapides de l’atmosphère à l’échelle locale. Météo-France affine ses outils d’alerte et de suivi en temps réel. Mais les délais restent courts : parfois, seulement quelques dizaines de minutes pour réagir.

D’où l’importance des bons réflexes : en cas d’alerte orange ou rouge, rester à l’abri, éloigné des fenêtres. Éviter les trajets en voiture. Ne pas s’abriter sous un arbre. Pour les collectivités, cela signifie aussi renforcer les réseaux électriques, sécuriser les bâtiments publics, et intégrer ces risques dans les plans de gestion de crise.

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