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3 fake news sur les vaccins contre le Covid-19

Modificateurs d’ADN, mortels… Les vaccins contre le Covid-19 sont la cible de nombreuses fake news sur les réseaux sociaux. WE DEMAIN fait le point sur trois d’entre elles.

Le 15/12/2020 par Pauline Vallée
Crédit : Shutterstock
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Alors que les premiers vaccins contre le Covid-19 seront administrés dès janvier prochain dans l’Hexagone, une large partie des Français hésite encore à se faire vacciner. Selon un sondage Ipsos publié en novembre, seulement 54 % d’entre eux envisagent de le faire “si un vaccin était disponible”, contre 69 % des Allemands et 85 % des Chinois. 

Près d’un tiers des sceptiques motivent leur refus par crainte des effets secondaires, et 35 % trouvent que les essais cliniques vont “trop vite”. Une défiance attisée par le manque d’informations sur ces vaccins – Oxford-AstraZeneca sont pour l’instant les seuls à avoir publiés les résultats de leurs essais cliniques dans une publication scientifique -, ainsi que par les fake news qui circulent sur Internet. WE DEMAIN répond à trois d’entre elles.

“Le vaccin à l’ARN messager modifie l’ADN”

L’ARN messager (pour acide ribonucléique messager) n’a rien d’une substance étrangère : il est présent chez tous les êtres humains. Ces molécules jouent un rôle essentiel dans le bon fonctionnement de nos cellules. Il est en effet chargé de “traduire” notre ADN pour synthétiser les protéines nécessaires au bon fonctionnement de notre organisme. 

“Lorsqu’une cellule a besoin d’une protéine, le plan de fabrication de cette dernière est ‘photocopié’ – les scientifiques disent que son ‘gène’ est ‘transcrit’. La copie ainsi générée – un ARN messager – est ensuite exportée hors du noyau et rejoint les ribosomes où elle permet la synthèse de la protéine demandée. Très instable et fragile, cette copie est ensuite rapidement détruite.”

Inserm

Les vaccins à ARN messager utilisent donc les propriétés de l’ARNm pour construire des protéines spécifiques, les antigènes, directement dans nos cellules. Ces antigènes vont ensuite déclencher une réponse immunitaire de la part de notre organisme.

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Deux des vaccins les plus avancés, ceux de Moderna et Pfizer-BioNTech, ont recours à cette technique nouvelle. Aucun vaccin à ARNm n’avait été approuvé jusqu’à présent, bien que le principe soit étudié depuis plusieurs années. Il ne peut en aucune manière modifier le génome de son hôte : “L’ARN messager ne peut pas ‘entrer’ dans notre ADN”, assure la chercheuse Maria Victoria Sanchez auprès de l’AFP. Sa traduction en protéine se produit en dehors du noyau de la cellule, zone où se situe l’ADN. L’ARN messager est, de plus, rapidement détruit après utilisation.

“Des personnes sont mortes à cause du vaccin”

La nouvelle a été largement relayée par certains médias : le vaccin Pfizer aurait été fatal à six personnes lors des essais cliniques. 

Parmi les 43 252 participants aux essais menés par Pfizer et BioNTech, 6 volontaires ont effectivement perdu la vie lors de la dernière phase de test. Les circonstances des décès sont détaillées dans une note publiée par la Food and Drug Administration (FDA) américaine : sur les six personnes concernées, seulement deux avaient reçu le vaccin, les quatre autres s’étant vu administrer un placebo. “Aucun de ces décès n’a été évalué par l’investigateur comme étant lié à l’intervention de l’étude”, précise la FDA.

“Ce n’est pas normal qu’un vaccin arrive aussi vite”

Une idée reçue est qu’il faut attendre au moins dix ans avant d’obtenir un vaccin “sûr”. Aussi long et complexe que soit le processus de conception d’un vaccin, il est néanmoins tout à fait possible d’en produire rapidement. Celui contre la grippe saisonnière par exemple nécessite entre 5 et 6 mois de travail entre l’identification d’une nouvelle souche de virus et son homologation. 

D’une manière générale, il faut compter, selon le site Vaccination Info Service, entre 6 à 22 mois pour produire un vaccin. Bien qu’ils rentrent dans cette norme, les vaccins Pfizer, Moderna et Oxford-AstraZeneca suscitent néanmoins des inquiétudes quant à la rapidité avec laquelle ils ont été mis sur le marché. 

D’abord, ce qu’il faut savoir, c’est que la recherche contre le SARS-Cov-2 n’a pas débuté en même temps que le confinement en mars dernier. Son génome a été séquencé par l’Institut Pasteur dès le 30 janvier 2020. 

La recherche a été considérablement dopée par une mobilisation sans précédent en ressources financières et politiques. Plus de 270 candidats-vaccins sont actuellement en développement, certains étaient en développement pré-clinique dès février. Autre nouveauté : les laboratoires ont été autorisés à organiser les différentes phases de test (voir encadré ci-dessous) en parallèle plutôt que de les mener une par une, afin de gagner du temps. Moderna a ainsi lancé la phase III de ses essais cliniques fin juillet, sans attendre la fin de la phase II.

Chaque vaccin fait l’objet de plusieurs essais cliniques avant d’être commercialisé. On distingue notamment trois grandes étapes de validation : la phase I évalue la tolérance du candidat vaccin par des adultes en bonne santé, la phase II détecte les effets secondaires potentiels ainsi que la réponse immunitaire des volontaires vaccinés, et la phase III évalue l’impact du candidat vaccin sur une population plus diversifiée (personnes âgées, fragiles, enfants…). 

Enfin, un autre facteur permet aussi d’expliquer la rapidité avec laquelle ont été conçus les premiers vaccins contre la Covid-19 : le virus en lui-même. Le SARS-Cov-2 fait partie de la famille des coronavirus, bien connus des scientifiques qui connaissent leur comportement biologique. « S’il s’agissait d’un virus complètement inconnu, nous aurions été dans une position très différente », a ainsi rappelé le professeur Andrew Pollard, de l’équipe d’Oxford, auprès de la BBC.

Reste la question, pertinente, du manque de recul quant aux éventuels effets secondaires indésirables de ces vaccins de première génération. L’Agence de réglementation des médicaments et des produits de santé britannique (MHRA) a ainsi précisé, dans un communiqué publié au lendemain du lancement de la campagne de vaccination, que toute personne ayant des antécédents de réactions allergiques graves à un vaccin, un médicament ou un aliment “ne devrait pas recevoir le vaccin Pfizer-BioNTech”.

« Dans les vaccins que l’on connaît actuellement (grippe, hépatite B…), on sait qu’après trois mois, il n’y a plus rien en termes d’effets secondaires, même pour les effets très rares. L’enjeu, avec ces nouveaux vaccins, c’est de s’en assurer”, résume Annie-Pierre Jonville-Bera, présidente du Réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance, auprès de France info.

Quand la France débutera son programme de vaccination en janvier, on bénéficiera déjà d’un recul d’un mois par rapport aux vaccinations au Royaume-Uni. La campagne sera également très encadrée : l’ANSM mettra en place un dispositif de surveillance des effets indésirables ainsi qu’une enquête de pharmacovigilance sur tout le territoire. 

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