Partager la publication "Désengagement des assureurs : quand les villes doivent assurer"
Le changement climatique risque-t-il de nous priver d’assurance ? C’est déjà le cas pour certaines villes de France qui ne peuvent plus se prémunir contre les effets des catastrophes naturelles qui se multiplient de plus en plus fréquemment. Quand les assureurs font défaut (contrat résilié ou primes et franchises astronomiques), l’auto-assurance devient alors la solution. Mais encore faut-il avoir les moyens… Dernièrement, la ville des Sables-d’Olonne (Vendée) illustre cette situation complexe dans laquelle se trouvent quelque 1 500 communes françaises.
Les catastrophes naturelles sont devenues de plus en plus récurrentes ces dernières décennies. Selon un rapport de l’ONU, elles ont été multipliées par cinq en 50 ans. Inondations (64 % des Français de l’Hexagone sont exposés), submersion marine, feux de forêt, retrait-gonflement des argiles… les risques sont multiples. Et, face à un marché de moins en moins rentable, les assureurs sont de plus en plus exigeants, voire traînent des pieds, pour proposer des contrats aux communes les plus à risque.
Sur les 240 000 reconnaissances de l’état de catastrophe naturelle arrêtées sur la période 1982-2023, près de 56 % incombent aux inondations, 35 % aux mouvements de terrain (y compris les arrêtés sécheresse) et 8 % aux phénomènes atmosphériques.
Source : Géorisques. georisques.gouv.fr
Des appels d’offres qui restent sans réponse de la part des assureurs
En moyenne chaque année, 6 000 communes font l’objet d’une reconnaissance d’état de catastrophe naturelle. Avec la multiplication des dégâts et des indemnisations, de plus en plus d’appels d’offres restent sans réponse… ou à des tarifs exorbitants. C’est ainsi que l’agglomération des Sables-d’Olonne, située sur la côte Atlantique en Vendée, ne dispose plus, depuis le 1er janvier 2024, d’une assurance pour « les dommages aux biens et les risques annexes ». En cas de catastrophe naturelle reconnue, un fonds spécifique permet de couvrir une partie des frais mais pour des dommages plus communs (une tempête d’ampleur moyenne mais qui aurait fait des dégâts, par exemple), c’est là que la difficulté apparaît.
« Le dérèglement climatique, qui ne va pas aller en s’arrangeant, fait changer le comportement des assureurs, a déclaré à Ouest France Jean-Pierre Chapalain, élu au conseil municipal et communautaire et conseiller indépendant en assurance. Ils doivent augmenter les tarifs ou refuser les risques. Et aux Sables-d’Olonne, nous sommes une station balnéaire exposée aux risques de tempêtes, de submersion marine, et d’inondations. » La tempête Patricia, qui a frappé la commune en août 2023, a provoqué pour 300 000 € de dégâts sur des bâtiments publics. Résultat : le contrat d’assurance « dommages aux biens » de la commune n’était plus rentable pour SMACL Assurances, le principal assureur des collectivités (adossé au groupe MAIF).
Une nécessaire refonte de l’assurabilité des collectivités
SMACL Assurances n’a pas répondu à l’appel d’offres de la commune de 56 400 habitants quand il a été question de renouveler le mandat. Depuis le début de l’année, l’agglomération n’est donc plus couverte pour les dommages aux biens. Uniquement pour la responsabilité civile, et avec un doublement des primes et une franchise relevée. Groupama, autre assureur des collectivités, rencontre également des difficultés sur ce plan.
Fragilisé par des difficultés financières, SMACL appelle d’ailleurs à une refonte complète de l’assurabilité des collectivités. Fin 2023, Eva Kaplanis, directrice développement et communication de SMACL, a rappelé que l’année passée a été particulièrement rude : « Il y a eu une augmentation des sinistres massifs et graves », a-t-elle déclaré. Le nombre de communes sans assurance devrait donc continuer à progresser. D’autres communes sont dans le même cas que la station balnéaire. Citons Mâcon, Arcueil, Dinan, Gevrey-Chambertin, Argentan… De même, depuis le début des années 2000, les assureurs de la forêt – Groupama, Crédit Agricole, Sylvassur – refusent d’assurer certaines zones jugées trop risquées. C’est par exemple le cas pour le pourtour méditerranéen.
La solution de l’auto-assurance pour les communes ? Difficilement imaginable
Première solution pour réduire les coûts liés à la sinistralité : chaque collectivité doit mettre en place des plans de prévention pour les risques naturels prévisibles (PPRn). Cela passe à la fois par une acculturation des équipes et des citoyens, mais aussi par une meilleure maîtrise de l’urbanisme (dont l’artificialisation des sols).
Pour réduire les coûts liés aux inondations, tempêtes, feux… Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, a également proposé en juin 2023 la mise en place d’un mécanisme d’auto-assurance pour les collectivités territoriales. L’idée serait de créer un « principe d’auto-assurance des recettes des collectivités territoriales », a-t-il suggéré lors des Assises des finances publiques. Une suggestion qui laisse pour le moins dubitative les collectivités au regard des coûts croissants de la sinistralité. En parallèle, depuis le 1er octobre dernier, le Médiateur de l’assurance a vu ses compétences étendues. Il peut désormais assister les parties prenantes en cas de différends entre un assureur et une collectivité. Enfin, une mission sur l’assurabilité des collectivités territoriales est en cours, elle devrait livrer ses conclusions sous peu, en avril prochain.
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