La revanche de la démocratie
L’histoire est en effet révélatrice de la capacité des électeurs de mettre en place, sans vraiment se concerter (même si les conversations privées et les réseaux sociaux ont joué un rôle important) une stratégie collective efficace. En l’occurrence, l’élimination sans ménagement du flamboyant Nicolas Sarkozy, qu’ils jugeaient dangereux pour le pays, par sa propension à diviser un pays qui a au contraire grand besoin d’être rassemblé. Ils l’ont fait en outre sans que les instituts de sondage puissent le mesurer précisément, même si certains signes le laissaient présager (voir chronique précédente).
Transfiguration d’un politique
Il proposait un changement radical, attendu par de nombreux sympathisants de droite, mais en leur donnant le sentiment rassurant qu’il ne le mettra pas en œuvre (s’il est élu l’an prochain) comme un aventurier, mais comme un pédagogue. Qu’il ne le fera pas en opposition avec les autres forces du pays, mais dans toute la mesure du possible avec elles.
Par ailleurs, le candidat Fillon a réussi à faire oublier l’image de « mollesse » du Premier ministre qu’il fut, incapable de résister aux pressions, parfois aux humiliations infligées par son ancien patron, Nicolas Sarkozy. Pour ceux qui l’ont entendu dans ses meetings, ou vu lors des trois débats télévisés organisés entre les candidats, il est apparu « habité » par une volonté, porté par une « mission ». Celle qu’il s’est donnée de redresser le pays, et qu’il a matérialisée dans un programme.
Refus de la « pipolisation »
Mais il y est apparu moins enclin que les autres candidats à livrer ses clés intimes, ce qui n’a sans doute pas nui à son crédit. Surtout, son ambition y a semblé davantage guidée par le désir d’aider son pays que de travailler à sa propre gloire. Il montrait ainsi que l’on peut être à la fois déterminé et modeste. Un assemblage assez rare en politique.
Un programme a priori plus favorable aux riches
Ce sera sans doute bien plus difficile à gauche, où sa volonté de réduire le nombre et les avantages des fonctionnaires passera difficilement. De même que son programme a priori bien plus favorable aux riches (baisse des impôts, suppression de l’ISF…) et aux entreprises (baisse des charges, refonte du Code du travail…) qu’aux ménages modestes (hausse de la TVA) et aux travailleurs (stagnation ou baisse du pouvoir d’achat).
Le retour à la croissance, s’il se produit, sera-t-il suivi d’une baisse sensible du chômage et d’une réduction des inégalités, à laquelle les Français sont attachés ? Avant cela, cette stratégie du billard à plusieurs bandes sera-t-elle comprise par une majorité d’électeurs ?
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