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Haut Conseil pour le Climat : un « sursaut » nécessaire pour la France

En matière de climat, les actions de la France restent toujours « insuffisantes », juge le Haut Conseil pour le climat. Il y a certes des progrès… mais aussi une vraie marge de progression.

Le 30/06/2022 par Florence Santrot
champ de lavande
Un champ de lavande en Provence près de Valensole. Photo : Irina Wilhauk / Shutterstock.
Un champ de lavande en Provence près de Valensole. Photo : Irina Wilhauk / Shutterstock.

Si on veut atteindre les objectifs fixés pour 2030, c’est maintenant ou jamais. Dans son rapport annuel publié ce mercredi 19 juin, le Haut Conseil pour le Climat alerte sur l’insuffisance des actions mises en oeuvre par la France pour réduire son impact environnemental. « Des risques majeurs de ne pas atteindre les objectifs fixés par la France pour la réduction des gaz à effet de serre persistent », peut-on lire dans le rapport. Pour rappel, la France s’est engagée à réduire ses émissions de 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990.

« Les impacts du changement climatique dû à l’influence humaine s’aggravent en France comme dans chaque région du monde, avec une intensification d’effets chroniques et aigus, et des conséquences humaines, matérielles et financières importantes. La réponse de la France au réchauffement climatique progresse mais reste insuffisante et les politiques d’adaptation souffrent d’un manque d’objectifs stratégiques, de moyens et de suivi. » En outre, l’importance de la sobriété est soulignée, tout comme elle l’avait été dans le dernier rapport du GIEC.

Des phénomènes météorologiques extrêmes qui se multiplient et doivent nous alerter

La multiplication des canicules, des périodes de sécheresses et les épisodes de fortes pluies n’est pas anodine. « Les impacts du changement climatique s’aggravent en France, avec des effets chroniques et aigus, notamment du fait de l’intensification des extrêmes chauds exacerbés dans les villes par le phénomène d’îlot de chaleur urbain, des sécheresses, et des pluies extrêmes », souligne le rapport.

Pourtant, la France ne met pas en place les mesures suffisantes pour respecter ses engagements d’ici à 2030. Ainsi, le premier « budget carbone » qui couvrait la période 2015-2018 a été dépassé. Depuis, le gouvernement a… relevé les plafonds pour les quatre années suivantes (2019-2023). Mais ce n’est que reculer pour mieux sauter puisque les objectifs d’ici 2030, eux, ne changeront pas.

Des efforts salués par le Haut Conseil pour le Climat

A l’heure actuelle, le « budget carbone » 2019-2023 est sur la bonne trajectoire. Mais c’est pour une bonne partie grâce à la pandémie de Covid. Les confinements ont en effet permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Néanmoins, le rapport annuel du Haut Conseil pour le Climat salue les efforts fournis. Pour la première fois en 2021, « Tous les grands secteurs émetteurs connaissent désormais une baisse de leurs émissions. La baisse est bien établie et structurelle dans les secteurs des bâtiments, de l’industrie et de l’énergie », note le rapport.

Pour l’agriculture, qui représente 19 % des émissions nationales, le rapport se veut en revanche pessimiste. « Dans sa version actuelle, le Plan stratégique national de la future Politique agricole commune 2023-2027 contribuerait à atteindre seulement la moitié des objectifs climatiques fixés
par la SNBC2 à horizon 2030. »
Et de regretter que « les bonnes pratiques de stockage de carbone
organique dans les sols agricoles sont peu soutenues et les développements méthodologiques
ne sont pas encore harmonisés. »

Une décennie de baisse mais « peut mieux faire »

Le rapport annuel du Haut Conseil pour le Climat dresse aussi un bilan de la décennie 2010-2019. Certes, les émissions ont diminué de 1,9 % par an en moyenne, ce qui a permis une baisse de 23,1 % en 2021 par rapport à 1990. Néanmoins, cette trajectoire de réduction des GES est qualifiée de « modeste ». Qui plus est, elle est inférieure à la moyenne européenne. Il paraît donc difficile d’imaginer que le pays parvienne, sans un vrai sursaut, à respecter le nouveau plan climat de l’Union européenne. Ce dernier a fixé comme objectif une baisse des émissions européennes d’au moins 55 %.

En attendant, le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » (Fit for 55) est en cours de discussion au niveau européen. Pour la France, cela induirait un rehaussement de l’objectif de réduction des émissions à -50 % en 2030 par rapport à 1990 pour les émissions brutes (contre -40 % actuellement). Et -54 % pour les émissions nettes. Ce paquet inclut aussi un doublement du rythme de baisse des émissions pour atteindre environ -4,7 % en moyenne sur la période 2022-2030, comparé aux réductions annuelles observées de -1,7 % depuis 2010.

Cela représente une diminution de 16 millions de tonnes équivalent CO2 par an en moyenne. Contre 8 millions par an sur la dernière décennie. Actuellement, la SNBC (Stratégie Nationale Bas-Carbone), qui va être révisée, ne prévoit qu’une baisse de 12 Mt éqCO2 par an (soit -3,2 % par an en moyenne).

La filière bois-forêt, point d’inquiétude du rapport du Haut Conseil pour le Climat

Dans le rapport, on peut y lire un point d’inquiétude particulière pour la filière bois-forêt. Cette dernière a besoin d’une « forte restructuration pour la mettre en phase avec la trajectoire de la SNBC et le paquet Ajustement à l’objectif 55 », selon le Haut Conseil pour le Climat. « Les forêts constituent le principal puits carbone français, mais leur capacité de stockage a chuté. […] La capacité de stockage de carbone de la forêt a baissé de 48 % depuis 2010. »

Entre 2013 et 2019, elles ont absorbé 60 % de GES en moins que ce qui avait été anticipé par la SNBC. Et « l’évolution positive des puits carbone entre 2019 et 2020 masque ce phénomène », indique le rapport. C’est l’arbre qui masque la forêt alors que l’urgence climatique est bel et bien là.

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