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Maison du Bitcoin : la monnaie virtuelle pour les nuls

Victime de sa réputation, le bitcoin nourrit la fascination comme la répulsion. A Paris, la maison du Bitcoin a pris le pari de démystifier cette monnaie digitale, à grand renfort de pédagogie. Reportage.

Le 03/07/2014 par WeDemain
La Maison a ouvert le 13 mai au 35 rue du Caire © La Maison du Bitcoin
La Maison a ouvert le 13 mai au 35 rue du Caire © La Maison du Bitcoin

Thomas France n’attend pas les questions pour livrer les réponses : « Le protocole Bitcoin est un système d’échange de valeurs sans autorité régulatrice extérieure. Pas de banque centrale, donc, pas de compte en banque identifié non plus ». Clair, concis, le co-fondateur de la Maison du Bitcoin est rompu à l’exercice pédagogique. En ouvrant cet espace avec Eric Larchevêque, il a pris le pari d’initier le grand public au Bitcoin.

Dès l’inauguration, un groupe de « super-mamies du net  » avait fait sensation en venant se renseigner et convertir des Bitcoins. De quoi ravir les deux fondateurs, dont l’objectif affiché est d’ouvrir le lieu à tout ceux qui ne suivent pas la monnaie virtuelle depuis sa création, en 2009. « On ne voulait pas d’une cave sordide, explique Thomas, on voulait sortir de l’aspect underground, avoir vraiment pignon sur rue pour permettre à n’importe qui de franchir la porte». Et de la cave sordide il n’en est rien : 220m², sur deux niveaux ; des locaux clairs, spacieux et conviviaux. Entièrement vitrés, ils facilitent  l’entrée de la lumière comme celle des badauds. Depuis son ouverture le 13 mai dernier dans le 2ème arrondissement de Paris, la Maison accueille une cinquantaine de visiteurs par jour.

De l’explication à la démonstration

Et justement, deux visiteurs passent la grande porte vitrée. Mère et fils sont accueillis par Adrien, stagiaire d’HEC passionné par la monnaie virtuelle. Après une vingtaine de minutes de conversation, Ludovic semble convaincu. Pour Elizabeth, sa mère, c’est plus compliqué : « Je comprends l’intérêt des transactions de pair à pair, de ne pas laisser de marge aux banques… Mais pour le reste, le fonctionnement, je suis perplexe ». Rien de mieux, pour en comprendre les mécanismes, que d’en faire la démonstration.

Pour entrer dans la communauté des usagers du Bitcoin, il faut commencer par se créer un compte sur la plate-forme en ligne ; Ludovic se colle immédiatement à la tâche. Une fois son adresse personnelle créée, il télécharge l’application Bitcoin sur son smartphone : il vient d’obtenir son premier porte-monnaie électronique (ou wallet), dans lequel il pourra stocker son argent. Ce compte en ligne repose sur le « pseudonymat » : le titulaire est identifié par une adresse personnelle et publique, mais non nominative. Ludovic et Adrien, son tuteur du jour, se rendent ensuite au distributeur / convertisseur, le seul en service en France. Après avoir scanné le « QR code » de son porte-monnaie virtuel, Ludovic insère, tant bien que mal, un billet de 5 € déchiré. L’argent est immédiatement converti et envoyé sur son compte en ligne.


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Passer du virtuel au réel

Ludovic est pressé de les dépenser. « Et maintenant ? Je peux aller faire mes courses chez Monoprix ? », s’enthousiasme-t-il. « Pas encore, mais, normalement, à la fin de l’année ce sera possible ». Le jeune étudiant en économie peut cependant offrir un verre à sa mère en Bitcoin dans quelques cafés du 2ème arrondissement. Les gérants de la Maison se félicitent du développement de partenariats avec les bars et boutiques de la capitale : « Nous devons concrétiser un accord avec la Brasserie du Caire cet après-midi ». La brasserie du quartier rejoindra ainsi la vingtaine de commerçants parisiens qui acceptent déjà les paiements en Bitcoin.

Il n’a pas été trop difficile de convaincre les commerçants du Sentier à passer au Bitcoin. Le quartier est l’un des plus dynamiques en matière d’innovation : il accueille déjà la Gaité Lyrique, la Paillasse et le Numa. Si la Maison du Bitcoin cherche à conquérir les néophytes, la proximité de ces lieux leur permet de commencer par capter un public déjà sensibilisé. Elizabeth et Ludovic en sont un bon exemple : « On sortait du Numa quand on a vu qu’une Maison du Bitcoin avait ouvert juste en face. Comme on en discutait ce midi à table, on est entrés prendre des informations ».

« Pas des escrocs »

Pourquoi s’obstiner à faire autant de pédagogie autour du Bitcoin ? Pour en expliquer les rouages au grand public, mais surtout, redorer son blason. On l’accuse d’être une plate-forme utilisée par les criminels pour blanchir de l’argent. On critique son taux de change très volatile, qui rend les placements risqués. On dit qu’il est possible de se faire hacker son compte en ligne, comme en témoigne le piratage informatique, début février, de la plateforme de conversion MtGox. Les hackers auraient réussi à détourner presque 800 000 Bitcoins….

Au delà de sa face sombre, le Bitcoin draine toute une nouvelle économie légale. « On veut montrer au public que les personnes qui travaillent dessus ne sont pas des escrocs », plaide Thomas France. C’est l’une des raisons pour lesquelles la Maison du Bitcoin accueille des startups qui développent des produits liés aux crypto-monnaies. Parmi les entreprises hébergées, plusieurs contribuent à sécuriser le réseau. Par exemple, en créant un système de sécurisation de Bitcoin sur carte à puce ou encore un système de séquestre pour les paiements de particulier à particulier. Les maîtres des lieux ont l’ambition de rattraper le retard de la France dans ce domaine en accompagnant les futurs acteurs majeurs de l’écosystème du Bitcoin. « En France, on a déjà les compétences en ingénierie, en informatique, en mathématiques… », estime Thomas France. Il ne manquait plus qu’un lieu comme celui-ci pour que les spécialistes de l’univers des monnaies virtuelles puissent travailler de concert. Et, au passage, dispenser des formations théoriques et pratiques aux entreprises intéressées.

Selon les fondateurs, « l’avènement du Bitcoin marque le début d’une révolution industrielle presque aussi forte que l’apparition d’Internet ». Après sa formation éclair, Elizabeth s’amuse elle aussi à imaginer comment cette innovation pourrait révolutionner son quotidien. « Je suis artiste peintre et, bientôt, je pourrai imprimer mes toiles avec une imprimante 3D et les revendre sur Internet en Bitcoins ! »

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Elisabeth Denys 
Journaliste web / We Demain 
@ElissaDen

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