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McDo, Burger King, KFC… Quand la malbouffe devient veggie

Elles sont toujours aussi grasses, sucrées et salées, mais exemptes de protéines animales. Les options sans viande figurent désormais au menu des chaînes de fast-food historiques comme McDonald’s et Burger King. Tocade marketing ou tendance à long terme ?

Le 09/01/2020 par Pauline Vallée
Lancé en Allemagne en avril 2019, le Big Vegan TS est le premier burger vegan commercialisé par McDonald's en Europe. (Crédit : Flickr)
Lancé en Allemagne en avril 2019, le Big Vegan TS est le premier burger vegan commercialisé par McDonald's en Europe. (Crédit : Flickr)

Bonjour, je vais prendre le menu vegan à emporter.” Cette phrase, les clients de McDonald’s peuvent désormais la prononcer dans toutes les enseignes britanniques et irlandaises de la chaîne. Depuis le 2 janvier, le géant américain commercialise son tout premier menu 100 % vegan composé d’une boisson, de frites certifiées vegan et de “Veggie Dippers”, sorte de bâtonnets croustillants au poivron rouge, riz, pesto et pois cassés.

La multinationale, qui avait lancé en avril dernier son premier Big Mac vegan en Allemagne, n’est pas le seul fast-food à se lancer dans l’aventure veggie. Aux États-Unis, la chaîne Burger King proposait au printemps l’Impossible Whopper, une version végétarienne de son sandwich iconique, en remplaçant le boeuf haché par des steaks à base de plantes. Un restaurant Kentucky Fried Chicken (KFC) avait attiré les foules quelques mois plus tard à Atlanta pour le lancement-test d’une gamme de nuggets… sans poulet.

Un phénomène qui suscite son lot de questions, dont une première, évidente : cette nouvelle fastfood vegan ou végétarienne est-elle plus saine ? Si les protéines animales disparaissent, ce n’est pas nécessairement le cas des sucres, graisses et calories.

Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner la composition du Grand Veggie, burger végétarien lancé pour la première fois en octobre 2017 dans les restaurants McDonald’s français. Le sandwich, composé d’une galette panée aux légumes et à l’emmental, couvre 38 % des besoins caloriques journaliers moyen d’une personne adulte.

Il est très riche en graisses“, relève la diététicienne nutritionniste Anne Guillot, soulignant aussi sa forte teneur en sucre (l’équivalent de trois morceaux) et en sel (presque une cuillère à café). S’il n’a pas le plus mauvais score nutritionnel de la chaîne, le Grand Veggie reste “plus gras, plus sucré et plus salé” qu’un Big Mac classique. 

Le bilan est plus nuancé du côté de Domino’s Pizza. Peu de différences séparent la pizza Peppina classique de la Vegan Peppina sur le plan calorique. Cette dernière est “plus intéressante côté minéraux et vitamines par la présence de légumes“, note la nutritionniste. Elle contient, en revanche, presque moitié moins de protéines que son équivalent carné.

Séduire des végétariens de plus en plus nombreux

L’intérêt des burgers, pizzas et autres nuggets sans viande ne se trouve pas, de toute évidence, dans leur bilan nutritionnel. Et s’il était ailleurs ?

La conversion des acteurs traditionnels du fast-food au modèle végétarien est le symptôme d’une tendance de fond, plus générale, que l’on appelle la transition protéique”, analyse Pascale Hébel, directrice du pôle Consommation et entreprise du Credoc et auteure de Comportements et consommations alimentaires en France.

Les adeptes du végétarisme sont de plus en plus nombreux en France, où ils représentent 2% de la population. Plus généralement, la consommation nationale de viande a reculé  de 12 % en dix ans, comme le montre une étude du Crédoc de 2018. Une baisse qui s’explique aussi bien par des facteurs économiques que par l’essor de nouvelles préoccupations éthiques et écologiques. 

L’élevage industriel, rappelons-le, contribue pour plus de 14 % aux émissions totales de gaz à effet de serre liées aux activités humaines. 

Une révolution alimentaire est donc en marche, et les enseignes ont tout intérêt à ne pas manquer le coche. “Quand on est restaurateur, il vaut mieux aller dans le sens de ceux qui forment l’opinion, qui se sentent les moyens et la légitimité de prendre la parole”, souligne l’experte du Credoc. Les chaines ciblent en particulier les consommateurs de demain, les jeunes de 15-18 ans, particulièrement préoccupés de leur santé et leur alimentation. Une clientèle  à qui McDonald’s et consorts offrent la possibilité de s’accorder un plaisir coupable – sans se limiter aux frites et aux salades.

Loin d’être anecdotique, cette tendance pourrait avoir à long terme un effet prescripteur sur l’ensemble de la société. “Que les chaînes connues s’y mettent produit un effet d’acceptabilité, de normalisation. Les consommateurs se rendent compte qu’on peut appeler ‘steak’ quelque chose de totalement végétal”, explique Pascale Hébel.

“Il ne faut pas oublier que McDonald’s est la chaîne de restauration qui distribue le plus grand nombre de repas quotidiens sur le sol français Ses choix se répercutent sur l’ensemble de leur clientèle, et va accélérer le changement.”

Pascale Hébel

Tester la fausse viande auprès du grand public

Loin de se restreindre au public végétarien et végétalien, les chaînes cherchent d’ailleurs à séduire le plus grand nombre. Y compris les flexitariens – ceux qui souhaitent diminuer leur consommation de viande sans pour autant s’en priver. Les publicités de Burger King pour l’Impossible Whopper s’adressent explicitement aux “beef lovers“, leur promettant une expérience gustative similaire à celle d’un burger carné.

La chaîne a utilisé pour ce faire un steak végétal mis au point par Impossible Food  , une start-up américaine spécialisée dans la production de fausse viande imitant les caractéristiques de la vraie (saveur, odeur, texture). McDonald’s et KFC ont travaillé de leur côté avec un autre poids-lourd du secteur, la californienne Beyond Meat.

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Pour ces entreprises, la généralisation des options végétariennes dans les chaînes de fast-food sont  l’opportunité de diffuser leurs produits auprès d’un large public. Si large… que les producteurs de substitut de viande pourraient bien peiner à satisfaire la demande : Impossible Foods vient d’abandonner un appel d’offre de McDonald’s,  reconnaissant ne pas avoir les ressources nécessaires pour approvisionner les 14 000 enseignes implantées aux États-Unis.

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