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Sécheresse et chaleur : les poissons de rivière au régime sec

Des lacs en souffrance, une Loire qu’on peut traverser à pied par endroits, des températures de l’eau très élevées… pour les poissons de rivière, la tragédie menace.

Le 10/08/2022 par Florence Santrot
truite morte
Une truite gît sur un lit de rivière asséchée. Crédit : Dan Bagur / Shutterstock.
Une truite gît sur un lit de rivière asséchée. Crédit : Dan Bagur / Shutterstock.

Verra-t-on en 2022 un remake des années 1976, 2003 et 2018 où on a enregistré une mortalité piscicole record en raison des très fortes chaleurs et de la sécheresse ? Cela se pourrait bien au rythme où vagues de chaleur et canicules s’enchaînes sur fond de « double jet-stream ». À mesure que les pics de température s’accumulent en France, les poissons de rivière sont de plus en plus en souffrance.

Non seulement les mers et océans qui bordent l’Hexagone gagnent eux-aussi des degrés – la Méditerranée dépasse allègrement les 30 degrés en surface par endroits – mais les rivières et cours d’eau douce eux aussi en sont victimes. En prime, ils souffrent d’une forte évaporation et de débits faibles, voire inexistants. Sur Twitter, la Fédération Française de Pêche (FFP) a ainsi relayé ces derniers jours des photos de sauvetage d’urgence de poissons en Côte d’Or, dans la Seine et l’Ource, par des bénévoles.

Rivières et cours d’eau en souffrance, leur biodiversité aussi

Dans un bras du fleuve, à hauteur de Varades en Loire-Atlantique, la Loire fait bien peine à voir ces jours-ci. En raison d’un déficit de pluviométrie de 85 % sur la région en juillet, selon Météo France, la sécheresse s’est installée. Combinée aux fortes chaleurs qui accélèrent l’évaporation de l’eau du fleuve, il est désormais possible de traverser quasiment à pied sec le plus long fleuve s’écoulant entièrement en France (1006 km). Dans le Sud-Ouest, le débit de la Garonne est « extrêmement bas » et le tirant d’eau est quasiment inexistant à marée basse.

Dans l’Orne, le marais du Grand Hazé, un espace naturel sensible classé Natura 2000, est aussi en souffrance. D’une superficie de 200 hectares et situé sur les communes de Briouze et de Bellou-en-Houlme, la faune aquatique qui y vit est victime des fortes chaleurs et la sécheresse qui sévissent. Dans un communiqué, le Conseil départemental explique que « avec l’abaissement du niveau d’eau, ainsi que l’augmentation de sa température, les poissons sont en manque d’oxygène ce qui entraîne malheureusement leur mort ». De nombreux poissons décédés ont ainsi été observés par l’association de pêche locale. Même son de cloche à Vitré, en Ile-et-Vilaine, où plusieurs dizaines de poissons – carpes et sandres notamment – ont été victimes d’un manque d’oxygène. Les cours d’eau de la région ont perdu trois-quarts de leur hauteur habituelle.

Des pêches de sauvetage pour tenter de sauver les poissons de rivière

Pour éviter une tragédie piscicole, les associations de pêche et de défense de la biodiversité se mobilisent un peu partout en France pour tenter de sauver les poissons. Ainsi, la Fédération de pêche de Vendée commence à réaliser des pêches de sauvetage. « Dernièrement, nous avons récupéré environ 60 kg de chevesnes, brochets, anguiilles, carassins, gardons, brèmes, perches et vairons dans la rivière la Longève », explique Arnaud Tanguy, directeur de la Fédération de pêche de Vendée à Ouest France. Ces poissons ont été transférés dans une autre rivière, moins asséchée.

« À ce jour, on ne constate pas de grosse catastrophe visuelle, mais on sent que ça pourrait basculer dans le courant du mois d’août. […] Nous avons de la biomasse, mais la biodiversité en prend un coup », ajoute-t-il. En cause : la hausse des températures et la réduction des débits favorisent la prolifération de micro-algues tout en réduisant la quantité d’oxygène disponible dans l’eau. Et c’est encore pire dans les lacs, où l’eau stagne.

1976, 2003… les mauvais souvenirs refont surface

Pour rappel, la canicule de 2003 avait provoqué la mort de dizaines de milliers de poissons. En 1976, qui reste encore à date la plus importante période de sécheresse en France depuis le début des mesures, la situation fut encore plus dramatique. On a compté jusqu’à 500 kilomètres de rivières à sec et les poissons morts se ramassaient à la pelle. Sur le seul lac d’Enghien, plan d’eau de 43 hectares situé à 11 kilomètres au nord de Paris, on a recueilli jusqu’à 500 kilos de poissons morts par jour cette année-là.

La canicule de 2003 avait provoqué la mort de dizaines de milliers de poissons

Météo France prévoit des orages et de la pluie sur la France à partir de ce dimanche 14 août. « De l’air froid en altitude va arriver dimanche par l’Atlantique, indique François Gourand, prévisionniste à Météo France. Cette dégradation orageuse devrait commencer à faire baisser sensiblement les températures sur l’ouest du pays dimanche et, avec la progression des orages petit à petit, la baisse des températures se généraliserait à tout le pays en début de semaine prochaine. » Cela permettra peut-être de lever, au moins le temps de quelques jours, l’épée de Damoclès qui plane au-dessus de la tête de la faune piscicole des rivières françaises.

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