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Taxe kérosène, fin des voitures thermiques… Le plan choc de l’Europe pour le climat

La Commission européenne présente un ambitieux plan de bataille pour le climat, qui inclut notamment la fin des voitures thermiques pour 2035 et une taxe sur le kérosène des avions.

Le 15/07/2021 par Alice Pouyat
La présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen a présenté son plan climat.
La présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen a présenté son plan climat. (Crédit : Shutterstock)
La présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen a présenté son plan climat. (Crédit : Shutterstock)

Comme un climat de changement en Europe. À quelques mois de la COP26, la Commission européenne accélère sur la sobriété carbone. Mercredi 14 juillet, sa présidente Ursula von der Leyen a présenté un plan de lutte contre le réchauffement climatique d’une ambition inédite. Soit une dizaine de mesures devant permettre d’atteindre l’objectif fixé en juin 2021 : réduire ses émissions de 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990 (contre 40 % auparavant).  

Intitulé « fit for 55 », cet ensemble de mesures est la concrétisation du « Green deal » défendu par la la Commission. Un paquet climat qui frappe fort sur les énergies fossiles. Pour Neil Makaroff, responsable Europe du Réseau Action Climat :

« C’est un plan absolument historique par son ampleur, et parce qu’il touche à des secteurs qui étaient jusqu’ici des angles morts des politiques climatiques, comme l’aviation ».

5 mesures phares pour le climat

Ce plan dévoilé en conférence de presse prévoit notamment d’atteindre 40 % de renouvelables d’ici 2030 dans le mix énergétique européen, contre 20 % aujourd’hui.

Parmi les mesures phares, l’arrêt des ventes de véhicules à moteur thermique (essence et diesel), mais aussi hybride, dès 2035. À cette date, ils pourront encore rouler, mais il ne sera plus possible d’en acheter.  De quoi pousser les constructeur à investir rapidement dans cette transformation.

Troisième mesure forte : la taxation du kérosène progressive, sur dix ans, en tout cas pour les vols à l’intérieur de l’Union européenne. « Un chantier intéressant alors que l’avion était un ‘passager clandestin’ du climat en Europe », poursuit Neil Makaroff.

Le Green Deal prévoit aussi le durcissement du « marché du carbone » européen. Créé en 2005, ce système fixe des limites de pollution ​dans certains secteurs. Les plus gros émetteurs de GES, ceux qui dépassent leurs quotas, doivent payer. Tandis que les plus vertueux peuvent vendre leurs quotas. Nouveauté : la Commission veut non seulement abaisser ces limites d’émissions. Mais elle veut aussi les étendre à des secteurs encore épargnés, comme le transport maritime, le chauffage des bâtiments ou le transport routier. « Nous devons passer à un nouveau modèle […], tout le monde devra contribuer », a martelé Ursula von der Leyen

Enfin, une 5e mesure phare : la Commission prévoit la création d’une taxe carbone aux frontières. Certaines importations (acier, ciment, électricité…) devraient ainsi être soumises peu à peu aux règles du marché carbone européen à partir de 2026. L’idée : éviter la concurrence déloyale et dissuader les délocalisations dans des pays aux normes environnementales moins stictes. Ce qui ne devrait pas être du goût des partenaires commerciaux de l’Europe… 

Risques sociaux

Car ces mesures bien sûr suscitent des crispations. Les secteurs automobile et de l’avion ont déjà manifesté leurs désaccords. 

Ce nouveau pacte climat pose aussi des questions sociales. Si les fournisseurs de carburant et de fioul domestique doivent acheter eux aussi des quotas carbone, ils risquent de répercuter ce surcoût sur les factures des ménages. « Or le prix du CO2 sur le marché carbone est très fluctuant, il peut exploser du jour au lendemain », prévient Neil Makaroff. Ce qui pourrait déclencher des mouvements type « Gilets jaunes », 50 millions d’Européens étant déjà en situation de précarité énergétique

« La Commission doit prouver que son plan mène à une transition équitable et solidaire. Si nous échouons à convaincre, la résistance sera massive », a reconnu Frans Timmermans, le vice président de la Commission.

De quoi nourrir les débats à venir, au moins pendant un an. Les mesures présentées doivent en effet être validées par le Parlement européen et le Conseil des vingt-sept États-membres. Qui ont chacun des intérêts à défendre.

Conserver le leadership climatique

La France et les pays constructeurs automobile cherchent déjà à freiner l’interdiction des voitures thermiques. L’Allemagne et les pays du Nord redoutent des représailles commerciales en cas de taxe aux frontières. L’Europe de l’Est aura sûrement peur que ces mesures freinent la reprise économique…

En attendant ces débats, on peut espérer que l’ambition européenne tire la COP26 vers le haut. « L’Europe peut montrer la voie. Elle se positionne comme un bloc leader, mais on ne doit pas chômer car la Chine ou les États Unis sont de retour dans la course. Ils détiennent des technologies clés de la transition, comme celle des batteries ou du véhicule électrique », rappelle Neil Makaroff. Qui conclut : « Le statuo quo équivaut au déclassement industriel. Nous n’avons pas d’autre choix que d’avancer. »

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