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« Voter aux Européennes est crucial pour le climat »

Le 22/05/2019 par Alice Pouyat
Neil Makaroff est responsable Europe du Réseau Action Climat-France, qui regroupe 22 ONG impliquées dans la transition écologique. Il appelle les jeunes à  voter aux Européennes. (Crédit : Réseau Action Climat)
Neil Makaroff est responsable Europe du Réseau Action Climat-France, qui regroupe 22 ONG impliquées dans la transition écologique. Il appelle les jeunes à  voter aux Européennes. (Crédit : Réseau Action Climat)

We Demain : Le Parlement européen peut sembler lointain, bureaucratique… Quel est son rôle en matière climatique ?

Neil Makaroff : Nous n’avons que 10 ans pour diminuer drastiquement nos émissions si on veut rester au-dessous des 1,5 degré de réchauffement planétaire. Le Parlement européen a une force de frappe supérieure à celle des États pour répondre à cette urgence globale. Il peut contraindre les gouvernements, souvent enfermés dans des égoïsmes nationaux, à plus d’action. Il a par exemple fixé un objectif de 32 % d’énergies renouvelables d’ici 2030. Soit autant de centrales à charbon qui vont fermer dans les pays de l’Est, autant d’emplois créés non délocalisables… Si on veut un contrepoids fort aux gouvernements, il est important d’avoir des parlementaires engagés.
 
Dans quelle mesure le Parlement est-il contraignant ?

Le Parlement peut tenir tête aux États, s’opposer à des mesures et condamner leur inaction ! La France est par exemple référée devant la Cour de justice de l’UE car elle ne respecte pas ses normes de pollution de l’air, ce qui pose de graves problèmes sanitaires : plus de 500 000 Européens meurent prématurément chaque année à cause de la pollution. Le Parlement lui a donné quelques années pour corriger le tir, au risque d’énormes sanctions financières.
 
Les parlementaires votent aussi les questions budgétaires et décident des priorités d’investissement.
 
Quels sont les autres dossiers sur lesquels le Parlement a pesé récemment ?

L’UE a beaucoup agi pour limiter la déforestation, via des normes et la création des parcs Natura 2000, des réserves naturelles protégées nécessaires à la biodiversité et qui absorbent des gaz à effet de serre. Autre exemple : tous les poids lourds européens vont désormais devoir respecter des normes d’émissions de CO2, essentiel puisque le transport routier est l’un des principaux pollueurs.

Mais sur d’autres points, le Parlement peut mieux faire. L’Europe est encore loin des objectifs des Accords de Paris en matière d’émissions…

L’Europe respecte les objectifs qu’elle s’est fixée en 2014 mais pas ceux plus ambitieux des Accords de Paris. Ce qui est pourtant nécessaire et possible. L’Europe est une économie riche, qui a des technologies, elle peut investir dans des solutions connues. Elle doit faire plus d’efforts de rénovation du bâtiment, de transformation de l’industrie automobile, etc. L’action du Parlement est très loin d’être suffisante. D’où l’importance de bien choisir ses députés ce 26 mai !
 
Qui freine le plus, les États, les partis ?

Il y a une fracture au sein des pays de l’UE. L’Allemagne défend ses constructeurs automobiles, la Pologne le charbon, la France son industrie nucléaire… Mais certains partis sont aussi de vrais freins, comme les Républicains et le Rassemblement national (RN), qui appartiennent à des groupes puissants. C’est ce que nous avons montré dans un Observatoire en ligne de leurs votes. Les Républicains sont timides sur la plupart des mesures. Le RN a voté contre toutes les mesures de transition énergétique, y compris la rénovation des bâtiments alors que 50 millions d’Européens souffrent de précarité énergétique. Les mauvaises élèves, on les connaît. Il est assez drôle de voir que tous les partis parlent désormais de développement durable. Mais les actes ne suivent pas toujours.

Plusieurs partis soutiennent un « New deal vert » et la création d’une Banque européenne du climat. Qu’en pensez-vous ?

Au niveau européen, on a un budget de 1200 milliards d’euros entre 2021 et 2027… C’est conséquent ! Alors oui, il faut investir davantage dans les énergies renouvelables, avec un Green new deal, mais il faut surtout réorienter l’argent jusqu’ici investi dans des projets néfastes. Aujourd’hui, on finance beaucoup d’autoroutes, d’énergies fossiles. Et pour cela, il y a déjà beaucoup d’instruments comme la Banque européenne d’investissement. Peut-être faut-il aussi instaurer une taxe kérosène sur les avions, qui ne pourra exister qu’au niveau européen. Pourquoi taxer les automobilistes et pas les gros pollueurs ?  
 
Que diriez-vous aux nombreux jeunes qui hésitent encore à voter ?

S’ils ne votent pas le 26 mai, ils vont rater l’occasion de peser sur des questions essentielles pour leur avenir. Aujourd’hui, on a une agriculture intensive fortement dosée en pesticides et qui ne permet pas aux agriculteurs de vivre. La réforme de la PAC va déterminer ce que nous mangerons demain.
 
Les emplois sont aussi en jeu. L’Europe est en train d’être déclassée dans les technologies de transports bas carbone. Pourquoi ? Parce que la Chine a des normes très strictes de CO2 et de pollution de l’air, ce qui oblige tous les constructeurs automobiles dont les Européens à innover. Ces derniers investissent 7 fois plus dans les véhicules électriques en Chine qu’en Europe. Autant d’emplois perdus chez nous !
 
Beaucoup de jeunes sont allés marcher pour le climat, ont signé des pétitions. Maintenant, il faut transformer l’essai car c’est à l’échelle européenne qu’il faut agir. Une décision du Parlement peut faire bouger 500 millions de personnes, pas seulement 65 millions de Français !

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