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À quand une grande rénovation énergétique des bâtiments ?

Le 08/01/2019 par Alice Pouyat

Le « grand débat » est lancé. Suite à la crise des gilets jaunes, le gouvernement a défini quatre thématiques que les Français sont invités à discuter dès le 15 janvier, via des réunions locales et une plateforme internet. Première thématique : la transition écologique, avec une approche très concrète : « Comment mieux se loger, se déplacer, se chauffer ? »

Si vous souhaitez y participer, voici les enjeux liés à l’une des questions clés de ce débat :  la rénovation énergétique des bâtiments, cruciale, autant sur le plan social qu’environnemental.

Un enjeu écologique prioritaire

Et pour cause : le secteur du bâtiment est responsable d’environ 45 % de la consommation d’énergie de la France (soit plus que la moyenne européenne), et de 25 % de nos émissions de gaz à effet de serre.
 
Un secteur très gourmand et sur lequel il est possible de réaliser des économies spectaculaires : en effet, 7 des 35 millions de logements que compte la France sont des « passoires thermiques », avec un diagnostic énergétique F ou G, les plus mauvais. Et même dans les logements mieux équipés, des progrès sont souvent possibles. « Il y a un sur-gaspillage ! Techniquement, on peut diviser par quatre ou cinq la consommation d’énergie du secteur d’ici 2050 », estime Romain Riollet du Cler – Réseau pour la transition énergétique.

Si le passage à des énergies décarbonées – électricité plutôt que fioul par exemple – est important, la priorité doit rester la baisse de la consommation. La transition écologique ne pouvant se faire avec des logements mal isolés (chauffés à l’électricité grâce au nucléaire…).

L’enjeu est aussi social

Près de 7 millions de personnes, soit 12 % de ménages, sont en situation de précarité énergétique, consacrant plus de 8 % de leurs revenus à payer leurs factures d’énergie, souligne Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre. Et l’an passé, 15 % des Français ont déclaré avoir eu froid, selon l’Ademe (ce sentiment subjectif s’explique aussi par la population vieillissante). Or, ceux qui vivent dans les courants d’air sont souvent les plus précaires. Une situation qui s’aggrave avec la hausse des prix de l’énergie. En dix ans, celui de l’électricité a flambé de 35 %.

Des moyens insuffisants

En 2015, la loi de transition énergétique a pourtant fixé des objectifs ambitieux. 500 000 logements sont censés être rénovés tous les ans, dont la moitié occupés par des foyers modestes. Or, dans les faits, l’Ademe estimait à seulement 288 000 les rénovations performantes dans le secteur privé en 2014. Le pays prend chaque année du retard.
 
Et en dépit de nombreux plans d’actions annoncés – dont le dernier en 2018   –  les moyens ne sont pas à la hauteur. Le budget alloué devrait s’élever à 7 milliards d’euros annuels – soit le double des financements actuels, estime l’Institute for Climate Economics (un think tank fondé par la Caisse des dépôts et l’Agence française de développement).

Des aides à simplifier

Il serait toutefois injuste de parler d’inaction des pouvoirs publics. Rénover son logement n’étant ni une partie de plaisir, ni rentable à court terme pour les foyers, de nombreuses incitations ont été mises en place ces dernières années.
 
Citons le programme Habiter mieux de l’Anah (Agence nationale de l’habitat), le chèque énergie qui vient d’être augmenté et élargi, les combles à un euro, la prime à la conversion des chaudières au fioul, les aides à l’installation de double vitrage… Auxquelles s’ajoutent de nombreuses aides régionales.
 
Problème : »Les plans se succèdent, il y a des pas en avant et en arrière. On construit et on déconstruit. Nous avons besoin de cohérence ! », souligne un représentant de la Fédération française du bâtiment (FFB).« Il faut aussi faire de la pédagogie et aider le particulier de se retrouver dans le maquis des aides », ajoute Romain Riollet du Cler.

Un service public de la performance énergétique ?

Une des pistes de réforme : créer un Service public de la performance énergétique et de l’habitat (SPPEH), auquel le particulier pourrait s’adresser, pour l’aider à financer mais aussi à organiser ses travaux. Prévu dans la loi de 2015, ce service n’a pas toujours pas vu le jour.
 
Car un meilleur accompagnement est nécessaire : faute de suivi, de nombreux travaux, faits petits bouts par petits bouts, se révèlent inefficaces : selon une enquête de Ademe, 30% seulement des travaux entrepris par des ménages sur leur logement entre 2014 et 2016 ont eu un impact énergétique positif…
 
Autre réforme à débattre, plus polémique : obliger les propriétaires à respecter un seuil de performance thermique minimum pour louer leur logement.

Un investissement rentable à long terme

Des réformes coûteuses bien sûr, mais rentables sur le long terme. « L’isolation massive permettrait de baisser les dépenses de santé, ferait gagner 500 euros de pouvoir d’achat aux ménages et créerait 126 000 emplois locaux dans les dix ans », a calculé la Fondation Abbé Pierre. Pour qui « L’Etat rentrerait dans ses frais  au bout de 20 ans ». La Fédération française du bâtiment y voit aussi un « marché potentiel énorme », permettant aux professionnels de développer des compétences insuffisantes à ce jour.

Des financements à trouver

Reste toutefois à trouver des financements. Le gouvernement a évoqué la mobilisation de fonds privés…grâce à des « packages » associant les banques et les entreprises de construction et de fourniture d’énergie.
 
Mais compte tenu de la faible rentabilité à court terme de ces travaux, le climatologue Jean Jouzel et l’économiste Pierre Larrouturou proposent plutôt la création d’une banque du climat européenne, qui financerait la transition écologique dans tous les pays membres. « Si l’on sait que l’on a 7 milliards juste pour le logement,  cela change tout. On recrute, on règle les problèmes de compétence et d’ici 20 ans tous les bâtiments sont isolés ! »
 
Le grand débat débouchera-t-il sur le « le grand plan Marshall » de la rénovation énergétique des bâtiments promis en vain depuis François Hollande ? Réponse, a priori, au mois d’avril.

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