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Au Sénégal, à qui profite la ville nouvelle de Diamniadio ?

PORTFOLIO. Près de Dakar, une pharaonique cité nouvelle surgit de terre depuis 2014. L’octroi gracieux des terrains par l’État sénégalais attire les investisseurs étrangers, principalement turcs et chinois… mais laisse de côté les populations locales et les préoccupations écologiques.

Le 26/06/2020 par WeDemain

Retrouvez ce reportage dans son intégralité dans le numéro d’été de la revue We Demain, disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne

« Demain, c’est ici ! » proclame en lettres capitales un panneau sur le bord de l’autoroute flambant neuve qui traverse la ville en construction de Diamniadio, à une trentaine de kilomètres à l’est de Dakar. Sur une emprise foncière de près de 2 000 hectares de terres agricoles, des édifices prestigieux ont déjà émergé, parmi lesquels le Centre international de conférences Abdou-Diouf, la Dakar Arena (une salle notamment dédiée au basket), un Centre des expositions et une cité ministérielle.

Les Dakarois devraient à présent s’installer dans les quartiers résidentiels de cette ville nouvelle qui ambitionne d’atteindre les 300 000 habitants. Lancé en 2014 pour désengorger Dakar, ce chantier pharaonique repose sur un partenariat public-privé. L’octroi gracieux des terrains par l’État a attiré un grand nombre d’investisseurs étrangers, principalement turcs et chinois.

Mais l’envers de ce décor futuriste, c’est une économie locale et une organisation sociale mises à mal, face à la spéculation immobilière, aux expropriations, à la pollution et à l’appauvrissement des ressources naturelles.

Vue d’artiste préfigurant le futur « district financier » de Diamniadio.

Achevée en 2018, la Dakar Arena a une capacité de 15 000 places.

La cimenterie de Rufisque, l’une des plus grandes du continent africain.

La livraison du train express reliant Dakar à Diamniadio se fait toujours attendre.

FATOU SAMBA. Conseillère municipale de Bargny, présidente de l’association des femmes transformatrices de produits halieutiques. « C’est de la folie de faire cohabiter une centrale à charbon avec l’activité des femmes transformatrices de poissons et celle des pêcheurs. Nous continuons le combat pour délocaliser cette centrale qui nous asphyxie et nous voulons récupérer nos terres.« 

 

FADEL WADE. Coordinateur du Réseau des associations pour la protection de l’environnement et de la nature (RAPEN), qui regroupe huit associations locales. « Sous prétexte de développement, on appauvrit une population de 70 000 habitants, dont les ressources disparaissent. Les villes de Bargny et Rufisque sont asphyxiées par les projets urbains et industriels de l’État.« 

YACINE NDEYE. Présidente de l’association des victimes de l’érosion côtière. « Chaque année que Dieu fait, la mer avance et disperse les familles. Nous combattons toutes les injustices dont sont victimes les Bargnois, qui touchent aussi bien les droits humains que l’environnement. Notre combat est entendu à l’extérieur des frontières du Sénégal.« 

DAOUDA GUEYE. Ancien ingénieur, président de l’association Bargny Coast Waterkeeper. « La population sénégalaise va subir les conséquences de ces investissements réalisés par des sociétés étrangères dont elle ne verra jamais les bénéfices, et la pauvreté va continuer à s’accentuer. Aucune étude d’impact social et environnemental n’a été réalisée sur toutes les infrastructures industrielles qui s’implantent autour de Bargny.« 

GANA ANNE. Ancien fonctionnaire du ministère de l’Intérieur, historien. « Quand le monde évolue, par exemple en matière d’exigence environnementale, il faut savoir évoluer avec lui. C’est ce que ne comprend pas l’État sénégalais.« 

FARA DJAME. Président de l’Association des jeunes maraîchers de Lendeng. « Si l’État favorisait le développement de zones maraîchères et agricoles comme Lendeng, qui demandent beaucoup de main d’œuvre, les candidats à l’émigration seraient moins tentés de s’embarquer sur des pirogues pour l’Europe !« 

IBRAHIM DJAGNE. Président de Takom Jerry, une association pour la défense de l’environnement. « Mieux valait qu’on nous laisse avec nos lézards, nos crocodiles et nos baobabs… Moi je préfère mourir dans ma case que d’habiter dans un HLM en face de l’autoroute, dans un monde artificiel.« 

Gwenaëlle de JACQUELOT et RAHIM BA. Coordinatrice au Sénégal de l’ONG française GRDR Migration-citoyenneté-développement et responsable de la ferme-école des 4 Chemins, spécialisée en agro-écologie. « La sécurisation des terres agricoles est une urgence absolue. Les autorités en ont conscience, mais elles poursuivent leurs projets qui artificialisent les sols. Dans vingt ans, le bassin agricole de Dakar risque d’avoir totalement disparu.« 

Retrouvez ce reportage dans son intégralité dans le numéro d’été de la revue We Demain, disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne.

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