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Thierry Jeantet : « Sur l’économie sociale, le gouvernement tient ses promesses »

Chargé de l’économie sociale et solidaire en 2012 au sein de l’équipe de campagne de François Hollande, le président des Rencontres du Mont Blanc, Thierry Jeantet, milite depuis la première heure pour une autre économie. Entretien.

Le 29/08/2013 par WeDemain

WE DEMAIN : Vous avez été responsable du pôle « économie sociale et solidaire » (ESS) au sein de l’équipe de campagne de François Hollande. Que pensez vous aujourd’hui de l’action du gouvernement et en particulier de Benoit Hamon, ministre délégué à l’ESS ?

Thierry Jeantet : C’était la première fois qu’un candidat intégrait directement et fortement l’ESS à sa campagne. Et depuis son élection, le gouvernement tient ses promesses. Benoit Hamon a lancé une loi de programmation sur l’économie sociale et solidaire dès sa prise de fonction. 500 millions d’euros de la Banque publique d’Investissement ont été sanctuarisés pour l’ESS. Et les emplois d’avenirs, qui commencent à monter en puissance, s’appuient énormément sur le secteur associatif. Autre exemple : Cécile Duflot prévoit la création de systèmes d’habitats coopératifs. Il reste beaucoup à faire, mais c’est une première en terme de reconnaissance et d’action politique.
 
Agriculture, banque, assurance, services à la personne… Quel regard portez vous sur le développement récent de l’ESS ?
 
Il faut bien comprendre que la dynamique de l’ESS est mondiale. Il existe des ministres de l’ESS depuis longtemps dans d’autres pays. Au Brésil, Lula a tout de suite nommé un secrétaire d’Etat chargé de l’économie solidaire quand il a été élu. Au Portugal, il existe une Agence de développement de l’économie sociale. Au Japon, en Afrique, elle prend également une place croissante.
 
L’économie sociale n’a ni secteur privilégié ni secteur interdit. Elle est présente partout, de l’agriculture à l’industrie en passant par les services. Cela fait enrager les partisans du système capitaliste qui n’y comprennent rien, mais on commence a en finir avec le cliché d’une ESS cantonnée à la micro économie locale.
 
Vous insistez beaucoup sur la forme des entreprises sociales et solidaires, en particulier leur forme de propriété: coopératives, mutuelles… En quoi est-ce une réponse à la crise que traverse le capitalisme ?
 
La forme de propriété de ces entreprises a l’avantage d’être à la fois privée et collective. Privée, car indépendante de l’État. C’est très important en Afrique et dans les pays de l’Est, où les gouvernements avaient mis la main sur le secteur coopératif et associatif. Collective, car les fonds propres appartiennent à leurs membres. Cette combinaison a beaucoup d’avantages. Les coopératives, les mutuelles, les associations délocalisent moins et sont attachées au territoire où elles exercent leur activité. Cela les oblige aussi à avoir une vision et un projet durable, à mille lieux du court-termisme actionnarial qui prévaut trop souvent.
 
Vous présidez les Rencontres du Mont Blanc, un forum international des dirigeants de l’économie sociale et solidaire qui aura lieu au début du mois de novembre. Pourquoi ce rassemblement ?
 
Ces rencontres sont nées d’un constat : l’ESS est présente sur toute la planète mais elle reste étonnement silencieuse et fermée à la coopération transnationale. L’idée de ces rencontres, c’est de fédérer tous les volontaires. Tout dirigeant, de la micro-association à la grande entreprise, y est bienvenu pour échanger des expériences, nouer des volontés et forger des projets.
 
Cela a donné lieu à de très belles rencontres. Des femmes de Guinée organisées en association ont évoqué leur volonté de développer des projets d’hydroélectricité. C’est une coopérative népalaise qui les y a aidées ! Elles ont gagné des mois de travail. Il y aussi ces coopérateurs du Mexique et du Costa Rica qui se sont rencontrés à Chamonix et ont crée une entreprise transnationale en rentrant en Amérique centrale.

La thématique de cette année, « changer le cap de la mondialisation grâce à l’ESS », est ambitieuse !
 
C’est une thématique forte pour montrer en quoi cette économie permet de sortir du carcan du libéralisme et de la finance, son enfant terrible. Et cela, en affichant haut nos valeurs : partage des responsabilités, des résultats, démocratie, équité, solidarité, relation directe entre producteur et consommateur.
 
Je suis frappé du nombre de nouveaux concepts économiques qui fleurissent un peu partout. Martine Aubry nous parle « économie du bien-être ». Les décroissants d’« économie de la plénitude ». Les libéraux, comme Jacques Attali, utilisent l’ancien concept d’« économie positive » et même Madelin se met à parler d’économie du partage. L’« économie participative » des Gaullistes revient discrètement à la mode. Nous devrions faire attention à ne pas multiplier les nébuleuses. Avec l’ESS, on a un système fort qui a fait ses preuves. Ne le brouillons pas dans un magma de concepts plus ou moins nouveaux.

Dans votre livre « Sociétale démocratie » vous dîtes vouloir penser l’« après capital ». Pouvez vous nous éclairer là dessus ?
 
Aujourd’hui, il faut aller plus loin que simplement chercher à concilier économie de marché et niveau de protection sociale. On voit bien que les citoyens s’expriment et se révoltent car ils aspirent à de nouvelles valeurs de partage, de solidarité, de démocratie plus directe. On ne peut plus penser l’économie en étant déconnecté des mutations sociétales que nous traversons. C’est le sens du concept de « sociétale démocratie » et les entreprises de l’ESS doivent en être le fer de lance.
 
Une anecdote pour conclure sur une note d’optimisme ?

Il y a quelques mois j’étais à Johannesburg, pour une rencontre intitulée « économie sociale : une solution à la crise africaine ». La moitié des dirigeants présents étaient des femmes !

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