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Le plan géant de Facebook pour apporter le web à toute la planète

Après Google et Apple, Facebook se lance à son tour sur le marché des télécommunications. L’objectif : connecter les deux tiers de la planète encore isolés du réseau mondial. Notamment grâce à des drones.

Le 23/03/2015 par WeDemain
Après Google et Apple, Facebook se lance à son tour sur le marché des télécommunications. L'objectif : connecter les deux tiers de la planète encore isolés du réseau mondial. Notamment grâce à des drones.
Après Google et Apple, Facebook se lance à son tour sur le marché des télécommunications. L'objectif : connecter les deux tiers de la planète encore isolés du réseau mondial. Notamment grâce à des drones.

 « Nous voulons donner accès à Internet au monde entier. » Ainsi Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, résumait-il les nouvelles ambitions de son entreprise, à l’occasion du Mobile World Congress (MBC), sorte de forum mondial du mobile, qui s’est tenu mi-mars à Barcelone. 

Mardi 17 mars, en marge de sa conférence annuelle devant les acteurs de la Silicon Valley, l’adjoint de Zuckerberg, Jay Parikh, insistait, lui, sur l’imminence de cet ambiteux programme  : « Nous sommes en mesure de livrer un panel de solutions, encore inexistantes sur Terre, qui vont permettre aux gens de se connecter plus rapidement et à moindre coût ».

Deux êtres humains sur trois encore déconnectés

Voilà donc le géant des réseaux sociaux lancé dans la bataille des réseaux de télécommunications. Concrètement, Facebook entend devenir fournisseur de matériel et de services. Son plan d’attaque ? Faire voler des satellites et des drones connectés dans le ciel des régions à basse couverture, et ainsi dépenser moins que s’il investissait dans de lourds réseaux optiques ou autres antennes relais. Facebook espère par ce biais atteindre la part de la population mondiale qui n’est toujours pas connectée au web. Autrement dit, deux êtres humains sur trois.

Mais Zuckerberg n’est pas le seul à avoir fait ce calcul. Google s’est, lui aussi, lancé dans la course aux infrastructures de transmission, en rachetant, en avril 2014, Titan Aerospace, pionnière dans le domaine. Selon Forbes, le modèle de drone relais fabriqué par cette entreprise coûterait moins de deux millions de dollars (1,4 million d’euros), contre 100 à 150 millions d’euros pour un satellite de télécommunications classique. 

Pas de quoi impressionner Facebook qui, après avoir lui aussi convoité Titan, a acquis, en mars 2014 et pour vingt millions de dollars, la start-up britannique Ascenta, qui elle aussi développe des drones. Et dans la foulée, la firme de Zuckerberg a lancé son laboratoire de recherche Connectivity Lab, entièrement dédié à la construction de drones, satellites et lasers.
 
Tout comme ceux de Titan Aerospace, les drones développés par les ingénieurs d’Ascenta, en collaboration avec des membres de la NASA, carburent entièrement à l’énergie solaire. Propulsés à vingt kilomètres d’altitude, dans un périmètre défini grâce à leur GPS intégré, ils sont capables de se maintenir dans les airs au moins un mois (certaines sources évoquent même une durée de vol de cinq ans) et sont à même d’être rapatriés au sol en cas d’avarie. Côté connexion, un système de laser infrarouge permettrait de faire transiter des données entre ces engins et la Terre. Et ainsi d’assurer une couverture mobile et Internet des zones les plus reculées du globe.

Au-delà du réseau social

En 2014, Facebook a annoncé avoir mené une première phase de tests de ces drones en Inde, au Ghana, en Colombie et en Tanzanie avec des opérateurs locaux. L’objectif : affiner les moyens de transmission de ces engins, qui devraient alimenter les zones urbaines, tandis que les zones les plus reculées devraient être connectées grâce à des satellites géosynchrones.
 
Avec ses satellites et ses drones, la multinationale cherche à résorber la fracture numérique. Notamment en Afrique, dont les côtes sont desservis par des câbles sous-marins reliés à l’Europe, mais dont les pays situés dans les terres, dépendants de satellites et de réseaux nationaux, n’ont que très rarement accès à Internet. La stratégie de Facebook est d’offrir à ces pays un accès aux services dont profitent essentiellement, pour l’instant, les pays les plus riches du monde.

Mais à travers ce projet spectaculaire, qui permettra à près de cinq milliards de personnes d‘accéder à Internet, Facebook cherche d’abord à diversifier son offre, à l’heure où sa seule activité de réseau social ne suffit plus à garantir sa pérennité. Mais aussi de permettre à une masse conséquente de nouveaux internautes de se connecter à l’ensemble de ses services : Whatsapp, Messenger, Instagram…
 
Le Connectivity Lab, avec ses drones, lasers et satellites, est l’aboutissement d’un long et gigantesque plan de recherche et développement de l’entreprise. Un projet baptisé Internet.org, qui vise à rassembler « des leaders des domaines technologiques, des organismes à but non lucratif, des communautés locales et des experts du monde entier ». 

Apple, Microsoft, Dell, HP… tous partenaires du même projet

Ce tournant dans la stratégie de Facebook remonte à 2011, lorsque l’entreprise a lancé l’Open compute project, un programme visant à créer des serveurs et leurs composants de manière open-source. L’entreprise a ainsi pu développer un nouveau type de data-center (plus économe en matériaux et en énergie), avant de développer toutes sortes de composants hardware pour les réseaux mobiles, le stockage de données ou encore les serveurs. Et au lieu de les garder confidentiels, comme le ferait n’importe quelle entreprise, Facebook a alors surpris ses concurrents en les partageant avec eux.
 
Le géant des réseaux sociaux joue ainsi l’avant-gardisme : au lieu de menacer les autres géants du web, il les rallie à sa cause, ce qui lui permet de guider leur évolution vers un même but, la croissance exponentielle de l’ensemble du marché technologique. Pari gagnant : alors que des multinationales comme Microsoft, Dell, Cisco et HP ont déjà rejoint le projet, Apple a annoncé le 10 mars qu’il adhérait à son tour à l’Open compute project.

À plus long terme, Zuckerberg n’exclue pas l’idée de travailler avec Google X Lab, le complexe secret de Google, dont les quelques projets révélés au public sont, entre autres, Google Loon (connexion Internet par ballons stratosphériques) et Google Wing (livraisons par drones). « J’adorerais bosser avec eux », a-t-il même affirmé lors du Mobile World Congress. 

Facebook a de bonnes raisons de ne pas craindre son concurrent direct. Car si l’Open compute project a suscité l’intérêt d’autres multinationales, c’est qu’il répond aux intérêts communs des géants du web. L’ensemble de ces grands acteurs semble désormais avoir compris que l’enjeu n’est plus seulement de rendre les technologies de l’information et de la communication plus rapides, mais bien de changer en profondeur le monde de l’Internet sans fil. Un chantier si titanesque qu’il n’est possible que de le mener à plusieurs.
 
« Dans une perspective philosophique, les choses que nous avons apprises avec l’Open compute system nous aident à nous diriger vers l’état d’esprit adéquat pour connecter quatre ou cinq milliards de personnes supplémentaires à Internet », soutient le numéro deux de l’entreprise. Reste à savoir si l’ensemble des géants du web, Google en tête, décidera ou non de faire cause commune. Si tel était le cas, l’espace aérien mondial se retrouverait, à n’en pas douter, parsemé de leurs drones et autres satellites.

Lara Charmeil
Journaliste à We Demain
@LaraCharmeil

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