Cet article a été publié dans WE DEMAIN n°26. Un numéro toujours disponible sur notre boutique en ligne
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7 h 30
Ma journée débute lentement, en cette mi-février. Rapide épluchage des mails et « de-spamming » avant de me plonger dans mon agrégateur d’actus RSS.
Les nouvelles relatives aux cryptos abondent. Samsung vient de sortir sa nouvelle gamme de smartphones (S10), qui incluent un porte-monnaie électronique pour stocker et utiliser des cryptomonnaies*. Google vient d’ajouter le symbole Bitcoin* à son clavier virtuel pour iOS, le système d’exploitation mobile d’Apple. Pour la deuxième année consécutive, les transactions Bitcoin dépassent très largement celles de PayPal. Que du bon, l’adoption des cryptomonnaies se précise.
J’écoute aussi un podcast où Elon Musk, patron ultra-médiatique de Tesla et SpaceX, décrit Bitcoin comme « brillant » et prédit la fin de l’argent papier, remplacé par les cryptomonnaies numériques, « tellement plus efficaces ».
8 h 15
Petit coup d’œil à mon mobile, qui mine* assidûment la cryptomonnaie Electroneum (ETN) depuis plusieurs mois. Rien à voir avec le minage classique, très consommateur de temps de calcul et exigeant le plus souvent des machines pointues. Ici, juste une appli légère qui tourne en tâche de fond, sans le moindre danger pour le téléphone ni aucune surchauffe de ses processeurs.
On est récompensé en ETN, une monnaie facilement convertible en Bitcoin. Impossible de s’enrichir par ce biais, mais l’important est de participer. Participer à sécuriser une blockchain, en l’occurrence.
Au passage, l’appli m’apprend que l’on peut déjà payer son forfait mobile en ETN dans plusieurs pays, et qu’Electroneum vient de lancer son smartphone Android. Baptisé M1 et ciblant les pays à très bas niveaux de revenus, il est vendu 80 dollars et contient un mineur ETN intégré, susceptible de rapporter un minimum de 3 dollars par mois en cryptos. Un téléphone mobile qui paye lui-même son forfait : la version blockchain de l’économie circulaire ?
8 h 27
Le facteur sonne à la porte. Il m’apporte ma nouvelle carte Wirex. C’est une Visa classique mais reliée à un porte-monnaie électronique permettant de stocker 18 cryptomonnaies. Un moyen simple et pratique pour dépenser Bitcoin et Ethereum* auprès de n’importe quel marchand dans le monde.
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Une cryptobanque sans le moindre guichet physique, comme il en existe déjà une bonne dizaine. Le service s’utilise essentiellement via une appli mobile, qui permet aussi, d’une tape, d’acheter des cryptos ou de les convertir entre elles.
Cerise sur le gâteau, tout paiement effectué avec cette carte Visa est assorti d’un cashback versé en Bitcoin. 0,5 % de toutes mes dépenses me seront désormais automatiquement remboursées.
11 h 12
Message Whatsapp de Satria, mon copain indonésien. « Peux-tu me dépanner de 50 dollars en ETH, toutes mes cryptos sont bloquées en CryptoKitties [l’un des jeux de collection les plus populaires, basé sur Ethereum, ndlr] et suis à cours de liquide. Groumpf 😉 »
Je copie-colle son adresse sur Metamask, le porte-monnaie Ethereum intégré à mon navigateur Web. La transaction est validée en moins d’une minute et me coûte 5 centimes d’euros. Trois minutes plus tard, il me remercie. Il n’a pas eu besoin de sortir de chez lui, ni d’aucun intermédiaire pour voir l’argent arriver sur son propre wallet* Ethereum, quelque part à Jakarta. N’importe quel autre moyen pour effectuer ce transfert aurait été 20 fois plus long et 50 à 100 fois plus coûteux.
J’en profite pour faire un peu de shopping. Besoin de renouveler le stock de résistances de mes cigarettes électroniques. Direction FastTech, sorte d’Amazon pour composants électroniques, à Hong Kong. Un paradis pour les adeptes de la vape et les utilisateurs de cryptos : des milliers de produits, livraison gratuite partout dans le monde et paiement accepté dans une vingtaine de cryptomonnaies différentes. Je paie en Litecoin, ma commande est validée et confirmée dans les minutes qui suivent.
« Faire tes achats dans une monnaie qui fluctue sans arrêt face à l’euro et au dollar, ce n’est pas un peu risqué ? », me demande Antoine, le rédacteur en chef de WE DEMAIN. Certes, comme les autres cryptomonnaies, Litecoin a perdu beaucoup de valeur cet hiver face aux monnaies fiat*. Trop de spéculation, encore trop de gens ne considérant les cryptomonnaies que comme des joujoux financiers… Mais la situation évolue.
Aux États-Unis, des dizaines d’entreprises paient déjà leurs travailleurs free-lance et salariés en cryptos, tandis que plusieurs États (Ohio, Arizona…) acceptent le règlement des impôts en Bitcoin.
Un jour viendra, j’en suis sûr, où la question du cours des cryptomonnaies en euros et dollars sera très secondaire.
L’anniversaire d’Olivier, un autre ami, approche et je décide de lui faire envoyer un T-shirt Blockstream. L’entreprise américaine, à la pointe du développement Bitcoin depuis plusieurs années, propose une boutique où les paiements s’effectuent grâce à Lightning Network. Il s’agit d’une évolution majeure de Bitcoin, qui permet d’effectuer des paiements instantanés
à frais négligeables. Ma transaction est confirmée en à peine une seconde (!), et assortie de moins d’un centième de centime d’euros de frais. Même les utilisateurs convaincus n’en reviennent pas.
En janvier dernier, Wallet of Satoshi, l’un des fournisseurs de porte-monnaie virtuel Bitcoin Lightning pour mobiles, annonçait avoir franchi le cap des 10 000 transactions et s’étonnait sur Twitter des frais fixés automatiquement par le dispositif : « Le coût de transaction moyen est de 0,35 satoshi, soit 0,000018 dollar, et plusieurs milliers de ces transactions ont même été à frais zéro ! »
Lightning, c’est Bitcoin aux amphétamines.
La solution pulvérise tous les records et certains y voient la « killer application » qui va révolutionner le paiement en ligne et propulser Bitcoin comme incontournable monnaie universelle. Quand des paiements infinitésimaux, purement instantanés et sans frais sont possibles, qui sait à quoi ressembleront les applications et services en ligne de demain ?
Au fait, j’ai commandé un T-shirt portant l’inscription « Don’t trust. Verify » (« Ne faites pas confiance. Vérifiez »). Emblématique de l’univers blockchain, où tous les intermédiaires et tiers de confiance ont disparu, au profit des mathématiques et de registres transparents et publics où tout est vérifiable, en effet.
12 h 45
Sandwich à la main, je parcours la dizaine de réseaux sociaux sur lesquels je suis actif. Pas grand-chose sur Facebook, noyé sous l’habituel flux de publicités, fake news et autres vidéos sans grand intérêt.
Ailleurs, sur Insight Network, de nouveaux sondages sont disponibles. On me demande mon avis sur l’avenir des véhicules électriques ou les résultats des Oscars. Je réponds en quelques secondes et suis récompensé pour cela en INSTAR, la crypto spécifique de ce réseau.
Après un mois d’utilisation, j’ai cumulé un peu moins de 10 euros sur le service. Pas la fortune, mais j’aime néanmoins l’idée que mon opinion et mes données ont une valeur, pas seulement figurée mais bien tangible.
Sur Cent, autre réseau social à la croisée de Facebook et Reddit, on a bien apprécié mon billet comparant les porte-monnaie Bitcoin. Je suis crédité de quelques euros de « pourboire social » pour ce billet, via le porte-monnaie Ethereum intégré au service.
Sur Twitter, des développeurs indépendants viennent aussi de produire Tippin, un module de pourboire via Bitcoin Lightning. Le PDG de Twitter, Jack Dorsey, qui prédit le remplacement prochain du dollar par Bitcoin, a fait savoir qu’il approuvait dans un tweet. Quelques jours après son lancement, Tippin compte 13 000 utilisateurs, alors que Bitcoin Lightning est toujours considéré comme étant « en version bêta ». Peu à peu, avec les blockchains, le « like » évolue et se transforme en flux financier, engendrant un déplacement de valeur : une nouvelle transversalité, d’internaute à internaute, sans passer par la case publicité.
16 h 15
Détour par la boulangerie. J’en profite pour récolter quelques tokens en ville avec l’appli mobile Aircoins : de petites sommes dans une vingtaine de cryptomonnaies sont placées aléatoirement dans les rues, apparaissant au travers du smartphone en réalité augmentée. Il faut être à proximité pour pouvoir les récolter, dans cette chasse au cryptotrésor gratuite et ouverte à tous.
18 h 30
J’étudie les options pour souscrire un crédit afin de changer de voiture. Nexo semble solide. Avec cette entreprise, filiale de Credissimo, il suffit de leur envoyer des bitcoins en guise de « garantie collatérale » et l’on reçoit le montant du crédit en euros.
En envoyant 1 Bitcoin (3 500 euros à ce jour), on peut emprunter jusqu’à 1 900 euros.
Quand le crédit est remboursé, on récupère les bitcoins. Et en cas de défaut de paiement, le prêteur se paie sur les bitcoins du compte. Une sorte de crypto-hypothèque, sans paperasse et sans risque pour les parties concernées.
21 h 30
Soirée détente. Je commence par 0xUniverse, un jeu de collection où l’on développe des vaisseaux spatiaux pour découvrir et accumuler de nouvelles planètes, avec comme but
de résoudre l’énigme de la création de cet univers fictif. Je lance plusieurs vaisseaux avant, enfin, de découvrir une nouvelle (et rare) planète. Celle-ci m’appartient désormais.
Contrairement à tous les jeux qui ont précédé, sur les jeux blockchain on possède vraiment des objets virtuels. Chaque planète est un token unique, un crypto-actif dont le titre de propriété est inscrit – pour toujours et de façon inviolable – sur la blockchain Ethereum.
Ravi de ma nouvelle trouvaille, j’en profite pour mettre en vente sur la place de marché du jeu quelques autres planètes plus communes. Les fractions d’ETH récoltés me serviront à lancer d’autres vaisseaux.
Je passe sur CoinPoker, l’un des bons sites de poker en ligne de l’ère crypto. Ici, pas de cartes bancaires ou autres solutions de paiement traditionnel : dépôts et retraits s’effectuent exclusivement via un porte-monnaie crypto et tous les tournois et cash games sont libellés en CHP, la cryptomonnaie du service, également dérivée d’Ethereum. Sur le site, il existe surtout un dispositif qui permet à chacun de vérifier le caractère aléatoire des tirages – ce qu’aucun site de poker classique ne propose, avec pour conséquence la méfiance de beaucoup de joueurs à l’égard du poker en ligne.
Je joue un tournoi à 10 000 CHP, soit un peu moins de 20 euros. Quelques heures plus tard, j’ai gagné le tournoi et décide de retirer mes fonds. Par sécurité, les retraits ne sont possibles
qu’à destination d’un porte-monnaie Ethereum dûment choisi et validé à l’ouverture du compte. J’envoie donc mes 200 000 CHP (400 euros) sur mon porte-monnaie mobile, Trust Wallet, où je les convertis en 3 ETH, au cours du jour. Il ne me reste plus qu’à envoyer ces ETH sur mon porte-monnaie Wirex.
Un copié-collé plus tard, je reçois la confirmation de mon mobile : mon argent est sur mon compte principal en cryptos. Dépôt, retrait, conversion monétaire et transfert de fonds, le tout en quelques minutes, à moindres frais, et sans jamais avoir touché aucun réseau bancaire traditionnel. Les cryptos, ça fonctionne. Pas une mauvaise journée !
La blockchain pour les nuls
Blockchain : Registre distribué servant à valider des transactions numériques, de façon sécurisée et sans organe de contrôle (banque, État, etc.).
Crypto : Abréviation de « cryptomonnaie » (monnaie virtuelle basée sur une blockchain) ou raccourci désignant l’univers associé : crypto-actifs, bureaux de change, tokens, etc.
Bitcoin : Principale cryptomonnaie, créée il y a 10 ans, qui pèse 60 milliards d’euros et a constitué la première blockchain.
Ethereum : ETH, deuxième cryptomonnaie mondiale, dont la blockchain est notamment utilisée pour créer diverses applications décentralisées (jeux et autres) ou des tokens indépendants (« jetons »), servant eux-mêmes de valeur d’échange.
Fiat : Désigne les monnaies traditionnelles comme l’euro ou le dollar.
Wallet : Porte-monnaie (électronique ou physique) servant à stocker et utiliser des cryptomonnaies.
Minage : Fournir de la puissance de calcul (de son ou ses ordinateurs) pour participer au fonctionnement du réseau blockchain. Service récompensé en cryptomonnaie.