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Dans son garage solidaire, Raymond crée de l’emploi et réduit les coûts de réparation

Réparer à prix doux les voitures de ceux qui n’ont plus les moyens de les entretenir, tel est le pari des garages solidaires. La France en compte plus d’une centaine. Un concept qui a inspiré Raymond Glesnes, un ancien carrossier basé à Toulouse.

Le 15/10/2015 par WeDemain
Réparer à prix doux les voitures de ceux qui n’ont plus les moyens de les entretenir, tel est le pari des garages solidaires. La France en compte plus d’une centaine. Un concept qui a inspiré Raymond Glesnes, un ancien carrossier basé à Toulouse.
Réparer à prix doux les voitures de ceux qui n’ont plus les moyens de les entretenir, tel est le pari des garages solidaires. La France en compte plus d’une centaine. Un concept qui a inspiré Raymond Glesnes, un ancien carrossier basé à Toulouse.

En moyenne, les ménages consacrent 11% de leur budget annuel à l’achat et l’entretien de leur automobile. Si ces dépenses baissent en volume depuis quelques années, les Français effectuant moins de réparations qu’auparavant, leur coût, lui, n’a cessé d’augmenter : selon l’Insee, il a grimpé de 3 % entre 2008 et 2013, d’après les derniers chiffres disponibles.

Parce que ces coûts étaient devenus trop élevés pour certains, des garages associatifs se sont créés. À première vue, ces derniers ont tout d’un garage classique : on y fait des vidanges, on y répare essuie-glaces et pots d’échappement, on y change embrayages, démarreurs ou suspensions.

Leur particularité ? Dans ces associations, vieilles pour certaines de plus de trente ans, les prix pratiqués sont en moyenne trois à quatre fois moins élevés que dans un garage traditionnel. Résultat, depuis quelques années, elles se multiplient. La France en comptait une cinquantaine en 2012, contre 126 aujourd’hui, selon Self Garage, un annuaire français des garages associatifs et centres de réparation pour motos et automobiles.

Parmi eux, il y a Garage Pour Tous, situé au nord de l’agglomération toulousaine. À l’origine de ce projet, Raymond Gleyses. Cet amoureux de la mécanique a travaillé dans « le monde de l’automobile » pendant plus de trente ans. Dans les garages où il exerçait, il en était venu à se demander « comment les gens faisaient pour payer [les réparations] ». En réduisant les coûts autant qu’il le pouvait, il a alors voulu aider les clients qui connaissaient des fins de mois difficiles. Le carrossier devenu chef d’atelier a finalement voulu aller plus loin.
 

1500 adhérents en quatre ans
 

Il lui faut attendre sa retraite, en mai 2011, et une rencontre fortuite avec des responsables de la mairie de Toulouse qui souhaitent « lutter contre la mécanique sauvage dans les cités » pour que son envie se concrétise. Raymond Gleyses est alors « persuadé que ça va marcher à Toulouse ».

Le temps lui donne raison. Quatre ans après l’ouverture de Garage pour tous, l’association compte plus de 1500 adhérents.
 

« Sachant qu’en moyenne ils ont au moins deux véhicules par foyer, vous imaginez un peu ce que ça représente, raconte Raymond, devenu président de l’association. Il y a beaucoup de garagistes qui aimeraient avoir notre fichier client ».

Pour autant, pas question pour lui de se positionner en concurrent des garages traditionnels. Pour lui, le principe du garage associatif, si l’on y résout les mêmes pannes, est bien différent. À Garage pour tous, pas question par exemple de parler de « clients ». Ici, on parle « d’adhérents », sélectionnés selon leurs revenus et leur secteur résidentiel.

Officiellement, seuls les habitants du « secteur 3 » de la ville peuvent profiter du garage. Défini par la ville, ce dernier regroupe plusieurs quartiers du nord, dont les Minimes, les Sept Deniers, Borderouge et Croix Daurade.

Pourtant, selon Raymond, il arrive que les frontières s’élargissent un peu, vers « le nord toulousain et quelques communes de la communauté urbaine ». « Il y a deux autres garages de ce type sur Toulouse alors on essaye comme on peut de dispatcher, on a tellement de monde… », confie le président du garage.
 

Réparer soi-même pour payer moins
 

Ce que ces adhérents viennent chercher, c’est avant tout des prix plus attractifs. Au Garage pour tous, il existe trois options tarifaires. Pour la prestation la plus « classique », c’est-à-dire une réparation où le mécanicien se charge du véhicule tandis que le client peut rentrer chez lui, il faut compter entre 30 et 35 euros.

Seconde solution : ceux qui maîtrisent la mécanique « à 70 % » peuvent venir réparer eux-mêmes leur véhicule, avec l’appui d’un professionnel, pour la « modique » somme de 17,50 euros.

La dernière option, la moins chère, consiste à réparer pour 10 euros seul sa voiture, sur le modèle des self-garages où, contrairement à ce qui se fait au Garage pour tous, aucun mécanicien n’est généralement présent : il s’agit simplement d’une mise à disposition d’outils.

Ces tarifs très attractifs, l’association peut les afficher grâce aux subventions de la mairie.« Il faut bien comprendre qu’on est sur un secteur non marchand de l’automobile », précise Raymond Gleyses. Le chiffre d’affaire est en outre limité par le fait que le garage entre dans la catégorie des chantiers d’insertion : la loi n’autorise pas ce type de structure à faire un profit supérieur à 30 % du montant des charges nécessaires au maintien de l’activité.
 

Mécanique de l’emploi
 

Ancienne employée des caisses de retraite, Marie Lemerger est la conseillère en insertion professionnelle du garage depuis septembre 2012. Elle qui ne « connaissait rien à l’économie sociale et solidaire » a formé une petite équipe de quatre salariés en insertion, qui viennent épauler quatre à cinq bénévoles. Vingt heures par semaine, elle s’attache à lever tous les freins qui les empêchent de trouver un travail. Problèmes de santé, manque de mobilité, absence de formation, Marie agit sur plusieurs plans. Et ça marche.

Depuis l’ouverture du garage, la conseillère d’insertion compte en effet « quelques réussites ». Comme celle de Caroline, qui a passé son CAP en candidat libre en juin dernier, et devrait entrer en bac pro début 2016.

D’autres mécaniciens passés par le garage solidaire ont choisi de ne pas poursuivre dans cette voie. Mais pour Marie, pas question de parler d’échec, bien au contraire. L’un d’eux a décroché un CDI de chauffeur livreur, un autre a « de bonnes chances » d’en trouver un dans le domaine de la métallerie ferronnerie.
 

Jean, du licenciement économique au CDI

Et puis, il y a ceux qui restent. Jean fait partie de ces vétérans. Cela fait deux ans qu’il a rejoint Garage pour tous. Ancien garagiste, il a subi un licenciement économique en 2012. Il est aujourd’hui sorti de la précarité. Après avoir validé sa formation, Jean est devenu encadrant technique au garage, en CDI lui aussi.

Il explique que le chantier leur a surtout permis, à lui et aux autres, de « retrouver des bases, les horaires, le respect des règles… »
 

« Je connaissais bien tout ça, mais il y a des personnes qui ont complètement oublié ce que c’était, et là, il y a beaucoup à rattraper, poursuit Jean. La mécanique c’est un support, c’est surtout pour retrouver un rythme de travail qu’on vient ».

Pour Jean, le Garage pour tous est « un véritable paradis pour les amoureux de mécanique ». « J’ai été étonné, parce qu’on fait vraiment de tout, même de gros travaux comme dans les garages classiques. On a quand même un très bon équipement, qui est neuf, puisqu’il a été installé en 2011. Ça nous permet de faire du bon boulot. »

Les résultats sont si encourageants que le président de l’association a des projets plein la tête. Lorsqu’il ne s’occupe pas des ateliers organisés deux fois par mois pour « informer les adhérents sur la mécanique », ou de l’espace « récupération des déchets » destiné au recyclage, Raymond Gleyses aménage son second garage associatif, toujours dans le même quartier.

Lui qui craignait de « s’ennuyer pendant la retraite », aura finalement trouvé de quoi occuper son temps, au service de ceux qui « n’ont plus les moyens de rouler en sécurité ».

Perrine Signoret
@Perrinst  

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