En Californie, des panneaux solaires pour les plus pauvres grâce à la taxe carbone

Lorsqu’un territoire décide d’instaurer une taxe sur le carbone, s’ouvre alors un nouveau débat : que faire de ses recettes ? La Californie, État américain le plus en pointe en matière d’énergie solaire, vient de répondre en partie à cette question. Mi-mai, elle a annoncé que son système « Cap and trade », qui consiste à taxer les entreprises les plus polluantes, servirait à installer gratuitement des panneaux solaires sur 1 600 toits de maisons d’ici fin 2016. Des logements majoritairement habités par des familles défavorisées.
 
Adoptée en 2012 et entrée en vigueur début 2013, la loi californienne SB535  sur les émissions de carbone prévoit le plafonnement graduel de ces dernières pour les entreprises qui émettent plus de 25 000 tonnes de CO2 par an, assorti d’une taxe sur chaque tonne de carbone émise dans l’atmosphère.

Cette même loi contraint aussi les entreprises à reverser 25 % du montant de cette taxe à des projets environnementaux et sociaux. Dans le détail, 10 % de ces sommes doivent profiter à des communautés ou quartiers touchés par un taux de chômage élevé et un niveau de pollution important.

Une partie de l’enveloppe de 14,7 millions de dollars générés issue de la taxation du carbone sera versée à l’ONG d’Oakland Grid Alternatives, spécialisée dans les énergies renouvelables et l’insertion professionnelle .

L’objectif de l’État californien est de remédier aux inégalités sociales en matière d’énergies renouvelables. Selon une étude menée en 2013 par un institut d’études américain, le « Center for American Progress », 67 % des panneaux solaires installés en Californie l’ont été dans des foyers au revenu annuel moyen situé entre 40 000 et 90 000 dollars. Et 33 % dans des foyers encore plus aisés.

Malgré une baisse significative ces dernières années, le prix moyen d’une installation solaire s’élève toujours à 15 000 dollars. Un coût encore trop élevé pour de nombreux foyers californiens, qui se retrouvent exclus de la marche vers les énergies renouvelables.



Pour recevoir gratuitement leurs panneaux solaires, il faut remplir deux conditions : être propriétaire d’une maison et appartenir à la catégorie de la population considérée comme « défavorisée » par l’État californien. Seule participation demandée aux bénéficiaires de ce programme : aider les techniciens missionnés pour le montage des panneaux et/ou leur préparer un repas.
 

« Avec notre nouveau programme, nous aidons les familles à consacrer plus d’argent à la nourriture, aux vêtements et aux dépenses médicales, en leur permettant d’économiser entre 400 et 1 000 dollars par an sur leur facture d’électricité », précise Julian Foley, le directeur de la communication de Grid Alternatives.

Selon le San Francisco Gate , plusieurs familles ont déjà profité de la pose gratuite de panneaux solaires, à l’image de celle de Kianté London, employé dans la marine marchande, qui vit dans une maison de trois pièces avec sa fille et ses deux garçons. Une habitation équipée de panneaux solaires depuis la mi-mai.
 

« C’est pour ma famille et moi la possibilité unique d’accéder à une énergie low-cost, car les prix de l’électricité sont trop élevés » confirme cet habitant de North Richmond, avant de préciser que cette solution est aussi, pour lui, l’occasion de « contribuer à une politique climatique plus responsable, avec une énergie propre ». 

 
Une façon surtout de réaliser un « rêve de longue date ». Pour lui, même les panneaux solaires proposés à la location par les sociétés SolarCity ou SunRun étaient inabordables.

À noter que des entreprises telles SunEdison, SunPower, Bay Area ou Enphase contribuent également à ce programme en fournissant gratuitement le matériel et les composants nécessaires. Quant à l’équipe qui les installe, elle est constituée de jeunes en réinsertion.

Malgré ces avancées prometteuses, la loi californienne sur le carbone ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique américaine. La droite la perçoit comme une « façon de taxer les grandes entreprises « , la gauche critique « un programme qui permet de spéculer sur le carbone  » .

Au delà de ces débats nationaux, le programme adopté par l’État californien, s’il remplit ses objectifs, pourrait constituer une expérience duplicable dans de nombreuses régions du globe désireuses de passer aux énergies renouvelables.

Lara Charmeil
Journaliste à We Demain
@LaraCharmeil

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