Les récits de nos lecteurs  > Je vous écris de Nouvelle-Zélande, où l’école se métamorphose

Written by 9 h 38 min Les récits de nos lecteurs, Partager

Je vous écris de Nouvelle-Zélande, où l’école se métamorphose

RÉCIT. Marion Bedat, co-fondatrice du projet Bascule.

Le 04/09/2017 par WeDemain
RÉCIT. Marion Bedat, co-fondatrice du projet Bascule.
RÉCIT. Marion Bedat, co-fondatrice du projet Bascule.

Quand on parle de la Nouvelle-Zélande, il est une jolie histoire que l’on ne raconte pas souvent… celle d’un pays qui a décidé de repenser l’éducation et de l’adapter au monde d’aujourd’hui et surtout de demain. Partie à la rencontre des hommes et des femmes inspirants qui changent l’éducation sur le terrain, j’ai décidé de vous partager ces conversations en quelques volets.

Richard m’a raconté comment tout a commencé : grâce à un gouvernement visionnaire.

Ma toute première conversation a eu lieu non pas avec un kiwi (gentilé de Nouvelle-Zélande) mais avec un européen, dont l’œil étranger a vite mesuré l’ampleur de la révolution éducative qui était à l’œuvre en Nouvelle-Zélande. Richard Wells a partagé ses étonnements dans l’ouvrage A learner’s paradise.
 
Sa plus grande stupéfaction fût bel et bien le gouvernement néo-zélandais qui, en décidant de fixer un cap ambitieux tout en lâchant prise sur le système, a initié le mouvement.
 
Richard m’a ainsi expliqué comment, après quelques années de politiques éducatives mitigées – qui ont toutefois eu le mérite de basculer vers une gouvernance totalement autonome des écoles – le véritable tournant s’est produit il y a 10 ans déjà ! Et c’est sous la forme d’un document d’une cinquantaine de pages à peine, le curriculum national (qui fait office de programme), que la révolution s’est lancée. 

Responsabiliser pour personnaliser

Loin d’imposer une structure rigide, j’ai été surprise de constater que ce curriculum vise avant tout à partager une vision à long terme pour l’école :
 

« Les jeunes néo-zélandais seront des apprenants tout au long de leur vie, confiants, connectés, activement engagés. »

 
Ne pas fournir de contenu, mais donner un cadre dans lequel enseignants et élèves sont responsabilisés. En effet, chaque école bâtit aussi son propre curriculum pour adapter son projet à la réalité de son territoire et de ses apprenants, mais aussi pour s’adapter aux changements rapides du monde et des technologies.
 
Sans hésitation aucune, Richard me décrit alors l’éducation néo-zélandaise comme « centrée sur l’apprenant, responsabilisante, flexible et personnalisée »
 
Il s’empresse de préciser qu’un tel modèle va de pair avec une refonte du système d’évaluation pour le rendre plus personnalisé. Bonne nouvelle, la Nouvelle-Zélande s’illustre là aussi.
 
Structuré en trois années, le NCEA (National Certificate of Educational Achievement) est l’équivalent du baccalauréat, à ceci près que l’évaluation ne se fait plus par discipline, mais par compétence ! Chacun doit acquérir un certain nombre de crédits, mais selon les compétences qui lui seront utiles pour son avenir professionnel.

Un élève peut ainsi choisir (oui, il peut choisir !) de s’engager dans un projet pluridisciplinaire, seul ou en groupe, pour acquérir bon nombre de ses crédits en mobilisant simultanément des compétences en sciences, communication, géographie, prise de parole…

Un peu de patience et de leadership ?

L’enthousiasme communicatif de Richard l’a amené à poser ses valises définitivement en Aotearoa (nom māori de la Nouvelle-Zélande) et à se projeter pour poursuivre l’aventure avec l’école Orewa. Il reste réaliste :
 

« Je pense qu’il faut bien une vingtaine d’années pour basculer dans un nouveau modèle. Il s’agit de changer les habitudes, de remettre en question les certitudes. Ce sont bien des individus qui par leur leadership peuvent et doivent initier le changement. »

 
Je capte alors le paradoxe : donner la flexibilité de créer son propre cadre signifie aussi donner la flexibilité de ne pas changer du tout !
 
C’est la raison pour laquelle j’ai eu envie d’écouter ceux qui ont décidé de saisir cette formidable opportunité et de changer.

Nicola m’a raconté comment son école fonctionne sans sonnerie et sans emploi du temps.

Son nom revenait souvent dans la presse locale : celle qui avait métamorphosé l’école de Patea , dont les résultats catastrophiques avaient alerté le ministère de l’éducation quelque temps avant son arrivée. J’ai eu la chance d’échanger avec Nicola Ngarewa, désormais directrice de l’école de Patea sur la côte Ouest de l’île du Nord.
 
L’école compte aujourd’hui 160 élèves de 5 à 18 ans, principalement issus de familles à très faible revenu et dont certains vivent même en-dessous du seuil de pauvreté. En à peine deux ans, Patea school a doublé ses effectifs, augmenté son taux de présence de 15% et obtenu un taux de réussite de 100% à l’examen NCEA. 

Nicola m’a expliqué avec beaucoup de fierté et d’émotion le challenge qu’elle et son équipe ont relevé en partant de la feuille blanche. Ou presque.
 

« Nous avons imaginé une école moderne qui remet l’apprenant au centre, pour le préparer à un monde qui s’étend au-delà des frontières de l’école. »

 
En dehors de l’école, on se construit ses projets, on se confronte aux problèmes, on interagit avec des gens différents. À l’école de Patea aussi, depuis que Nicola a supprimé les sonneries et les emplois du temps pour responsabiliser les élèves.

A chacun sa journée, à chacun son projet

Imaginez que vous êtes un élève de 16 ans à l’école de Patea. Votre journée démarre aux aurores (dès 7h) pour vous permettre de gagner un peu d’argent en travaillant en fin de journée. Au programme : séance de fitness et petit-déjeuner nutritif, histoire de prendre des habitudes saines !

Vous rencontrez ensuite votre mentor, un enseignant dédié qui vous guide dans votre cursus. Avec 11 de vos camarades, vous analysez vos progrès et co-construisez votre propre programme d’apprentissage.
 
Quand vient l’heure des compétences transverses telles que rédiger ou calculer, il n’y a pas de classe dédiée mais des activités dans lesquelles vous pouvez vous exercer sur un sujet qui vous intéresse : pourquoi pas la mécanique comme terrain d’étude des maths ?

Au moment même où je discute avec Nicola, un jeune garçon a d’ailleurs choisi de s’installer dans la salle du staff pour étudier. Lieu calme où il sait qu’il pourra solliciter de l’aide de la part d’un enseignant à tout moment.
 

« Nos élèves résolvent de façon collaborative des problèmes du monde réel dès leur plus jeune âge. »

Faire aujourd’hui pour réussir demain

 Au cœur de leur journée : 3 heures où ils sollicitent des enseignants experts, écoutent des conférences, réalisent des recherches, vont sur le terrain pour construire leur projet. Pour l’un, il s’agira de reprendre le restaurant familial, pour d’autres, d’étudier la problématique de l’exploitation minière des fonds marins avec des scientifiques.
 
Et un vendredi par mois, ils sortent de l’école pour partager leur expérience avec les communautés locales. En ce moment, les élèves de Patea travaillent avec la mairie pour trouver des solutions à la problématique des sans-abris de la ville.
 
Ajouter le mandarin comme langue parlée à l’école ou encore apprendre à coder dès 5 ans, voici d’autres initiatives qui font parler de Nicola. Tout ceci peut sembler fou, et pourtant tout ceci existe bel et bien et a même déjà fait ses preuves au pays du long nuage blanc.
 
Conversations à suivre au prochain épisode… 
 

Marion Bedat

Bascule est une plateforme de réflexion et d’expérimentation en tous genres autour de l’éducation. Co-fondatrice du projet, Marion Bedat est littéralement partie à l’autre bout du monde, en Nouvelle-Zélande Aotearoa, pour s’inspirer de pratiques innovantes. Elle nous présente ceux qui font l’éducation sur ces deux îles verdoyantes.

Twitter : @bascule_atelier
Site internet : en cours de développement

A lire aussi :