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Les Conventions citoyennes qui ont marché… ou pas

La Convention citoyenne pour le climat accouchera-t-elle d’un géant ou d’une souris verte ? Le gouvernement, qui s’était engagé à reprendre ses propositions « sans filtre » semble finalement en avoir décidé autrement. Mais, quel qu’en soit le résultat, ce mode de gouvernance semble appelé à se développer.

Si la Convention est unique en France par son ampleur (150 citoyens, des mois de débats) et son indépendance (assurée par des garants et un comité de gouvernance pluraliste), elle n’est pas la première ni la dernière du genre. Le tirage au sort, socle de la démocratie athénienne, rencontre même un regain d’intérêt. De Dublin à Santiago du Chili, à l’échelle locale ou nationale, les Conventions et autres assemblées citoyennes prospèrent. 

Une façon pour les élus de répondre à la crise démocratique, de trouver une issue à des débats qui divisent profondément – ou simplement de détourner l’attention du public. La Convention citoyenne suscite même « un effet de mode », observe Armel Le Coz, co-fondateur de l’association Démocratie Ouverte. « Avec des dérives car certaines règles doivent être respectées pour que cela fonctionne ». Passage en revue d’expériences plus ou moins réussies.

En 2002, une 1ère Convention française pour le climat

Qui s’en souvient encore ? Une première assemblée composée de seize Français tirés au sort est invitée en 2002 à faire des propositions contre le réchauffement. Elles se révèlent ambitieuses (taxation du kérosène, généralisation du ferroutage…)… mais finissent dans les tiroirs du gouvernement. Le même sort – ou presque – sera réservé aux recommandations d’assemblées sur les OGM en 1998, la bioéthique en 2009, ou la fin de vie en 2013…  

« Depuis assez longtemps, des assemblées consultatives de 15-30 personnes sont créées sur des sujets épineux. Mais sans engagement de reprendre leurs propositions comme l’avait fait Emmanuel Macron, ce qui constitue une première », rappelle Armel Le Coz.

À l’étranger, des expériences pionnières

C’est l’Irlande qui affiche jusqu’ici l’expérience la plus aboutie de convention citoyenne : dans ce pays profondément catholique, deux assemblées ont recommandé la légalisation du mariage pour tous puis de l’avortement, approuvée par référendum en 2015 et en 2016. La société civile s’est exprimée. Et ici le gouvernement a suivi.

Aux États-Unis, c’est à la suite d’un « sondage délibératif » auprès de citoyens tirés au sort que le Texas a décidé en 1998 d’accroître la part des énergies renouvelables au détriment du pétrole, ce qui aurait été difficile autrement.

En Islande, en revanche, ce fut un échec : en 2010, une nouvelle Constitution élaborée par des assemblées citoyennes, et pourtant approuvée par référendum, est bloquée par le Parlement. « Malheureusement, les parlementaires peuvent se sentir concurrencés. Alors que la démocratie délibérative peut justement aider à renouer la confiance de citoyens », estime Armel Le Coz.

Et le mouvement se poursuit. La Grande-Bretagne vient elle aussi de monter sa Convention citoyenne sur le climat. Au Chili, une Convention composée de 150 citoyens élus vient d’être chargée de réécrire la Constitution élaborée sous Pinochet. Une aventure un peu différente, mais à suivre.

Enfin, vient d’être lancé un projet « d’Assemblée de citoyens du monde », composée de 1000 personnes tirées au sort pour préparer la Cop26 de novembre 2021 sur le climat et tenter de peser sur les décideurs.

L’essor des Conventions citoyennes locales

En France, l’exercice essaime également au niveau local. « On nous consulte tous les jours pour construire des initiatives de démocratie délibérative », glisse Armel Le Coz. Pionnière, la ville de Kingersheim (Haut-Rhin) a par exemple mis en place en 2008 un « conseil participatif » d’habitants volontaires ou tirés au sort qui évalue les nouveaux projets aux côtés des élus.

Et les initiatives se multiplient. Récemment, Grenoble ou Nantes ont lancé des « Conventions citoyennes » sur le Covid-19, là encore plutôt consultatives.

La région Occitanie a elle mis sur pied une Convention pour construire un « Green New deal local ». Une initiative moins poussée que la Convention climat mais avec un engagement : celui de soumettre les propositions des 100 citoyens tirés au sort à une votation. 20 000 Occitans se sont prêtés au jeu. Toutes les propositions ont été reprises, sauf une (pour instaurer un travail d’intérêt écologique des prisonniers), et cinq qui n’étaient pas du seul ressort de la Région.

« L’essentiel est de créer un lien entre ces assemblées et la décision politique, la construction de la loi. Par exemple que les assemblées puissent déclencher des referendums », estime Armel Le Coz. Si au niveau national cela nécessite de changer la Constitution, lancer une votation au niveau local est plus simple. Autre point crucial : « définir des règles du jeu claires avec les citoyens, et s’y tenir », les simples promesses des politiques n’engageant que ceux qui veulent y croire.

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