Pour protéger ses recettes, l’État veut taxer l’économie collaborative

Après les taxis, les hôteliers et les loueurs de voitures, c’est au tour de l’État de manifester son inquiétude devant l’essor des plateformes collaboratives. La concurrence des particuliers, sur le modèle de l’ex-UberPOP et de ses chauffeurs non professionnels, tracasse le gouvernement, qui craint de voir ses recettes fiscales s’éroder.

Conscients du danger, des sénateurs de la commission des Finances ont présenté jeudi 17 septembre les conclusions de leur rapport sur le recouvrement de l’impôt dans l’économie collaborative. Parmi elles, des propositions pour adapter le système fiscal français, jugé « obsolète ».

Professionnels déguisés

Selon le rapport, il s’agit notamment de lutter contre le travail dissimulé. Pour distinguer les « vrais » particuliers des professionnels « déguisés », les parlementaires proposent que les revenus perçus par les particuliers via l’économie collaborative soient centralisés et transmis automatiquement au fisc, grâce à une plateforme indépendante. Les revenus supérieurs à 5 000 euros seraient alors soumis à l’impôt.
 

Qu’en est-il aujourd’hui ? En théorie, les revenus perçus par des particuliers sur Internet sont soumis aux prélèvements sociaux et à l’impôt sur le revenu. Mais rares sont ceux qui, dans la pratique, sont déclarés, et donc imposés. « C’est très facile avec ces sites de se faire des compléments de revenus qui échappent à l’impôt », déplore en effet Vincent Drezet, secrétaire général de Solidaires Finances Publiques. « Comme l’économie collaborative est appelée à se développer, mécaniquement, les pertes pour l’État vont s’accroître », insiste-t-il.

Un point de vue que partage Michel Taly, avocat fiscaliste et ex-directeur de la législation fiscale à Bercy. Pour lui, « Internet permet de revenir à une économie de troc sur une grande échelle : Si cela conduit à faire sortir des pans entiers de l’activité de l’économie traditionnelle, on peut se faire du souci ».

Fraude fiscale

Mais au-delà des secteurs d’activité « uberisés », c’est l’essor dans son ensemble de l’économie numérique qui donne des sueurs froides au Trésor public. En raison, notamment, des difficultés à faire contribuer les acteurs du web marchand à l’effort collectif via l’impôt.

Selon les estimations, près de 715 000 sites de e-commerce exerceraient aujourd’hui en Europe. Pourtant, moins d’un millier sont inscrits auprès de l’administration fiscale française. « La fraude fiscale est importante, et va en s’accentuant. C’est un vrai défi », s’inquiète Vincent Drezet, qui invite, lui aussi, à « repenser » le système fiscal français.

Pour lutter contre ce phénomène, les sénateurs suggèrent un prélèvement à la source de la TVA. Cette dernière ne serait plus versée aux vendeurs (chargés ensuite de la reverser au Fisc), mais payée directement au Trésor Public, via un prélèvement effectué lors de l’achat par la banque du client – ce qu’on appelle un « paiement scindé ».

« L’une des difficultés tient à l’éclatement des acteurs », ajoute le sénateur PS Jacques Chiron. Ces acteurs sont souvent domiciliés à l’étranger, et se gardent bien de payer à l’État la TVA perçue sur les ventes faites dans l’Hexagone.
 

Effort collectif

Du côté de Bercy également, on insiste sur une nécessaire clarification des règles : « Nous réfléchissons [à cette problématique] sans pour autant vouloir modifier les règles applicables », précise le ministère, qui insiste par ailleurs sur les efforts entrepris ces dernières années pour éviter l’optimisation fiscale dans le commerce en ligne. Mais aussi pour convaincre les principales plateformes internet de participer à l’effort collectif.

Lara Charmeil (avec AFP)
@LaraCharmeil

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