Les récits de nos lecteurs  > Time Bank : une monnaie alternative qui remplace l’argent par du temps

Written by 15 h 32 min Les récits de nos lecteurs, Partager

Time Bank : une monnaie alternative qui remplace l’argent par du temps

RÉCIT. Par Anne-Sophie Roux, porteuse du projet Wānanga Trek.

Le 14/03/2017 par WeDemain
RÉCIT. Par Anne-Sophie Roux, porteuse du projet Wānanga Trek.
RÉCIT. Par Anne-Sophie Roux, porteuse du projet Wānanga Trek.

De Nouvelle-Zélande au Bhoutan, du Pacifique à l’Himalaya, le Wānanga Trek est un reportage solidaire mené par Anne Sophie, étudiante en sciences politiques de 21 ans. Chaque mois, elle racontera ses aventures à We Demain.
 

Troquer du temps, des compétences, des savoirs et savoir-faire plutôt que de l’argent : le concept de Time Bank se propage dans un grand nombre de communautés à travers le monde et devient un modèle de société alternative inspirant, et facilement réplicable.

Le concept de la Time Bank se fonde sur le principe d’égalité : une heure de temps équivaut à un crédit, donc à un service échangé avec un autre membre de la communauté.

Théorisé et mis en pratique pour la première fois en Angleterre au XIXème siècle, ce concept a émergé réellement dans les années 1990, aux États-Unis, sous  l’impulsion des travaux du Dr. Edgar Cahn.
 
Les nouvelles technologies de la communication ont ensuite permis l’expansion de la Time Bank au quatre coins du globe. On en trouve aujourd’hui dans 34 pays, tels que la Grèce, le Venezuela, le Sénégal, la Corée du Sud et en Nouvelle-Zélande.

La communauté de Lyttleton, fondatrice de la Time Bank néo-zélandaise

À Christchurch, nous rencontrons la fondatrice de la première Time Bank de Nouvelle-Zélande, Margaret Jefferies, « passionnée par le changement systémique ». Elle nous raconte  ce que la Time Bank a changé dans sa commune, dans son pays, et l’espoir que cette alternative a fait naître.
 
De son dernier voyage aux États-Unis, Margaret a rapporté ce concept issu des mouvements des monnaies alternatives, qui entendent ramener l’économie à l’échelle locale.

Le tremblement de terre de 2011, qui a dévasté une grande partie de Christchurch et les banlieues alentours, a marqué le point de départ de la Time Bank en Nouvelle-Zélande.
 
 Déjà organisés et coordonnés, les quelques 400 membres de la Time Bank de Lyttelton, était les premiers à intervenir sur place, avant même les services de secours, et ont joué un rôle majeur pendant la gestion de la crise et après les évènements.
 
De l’aide à la reconstruction en passant par un soutien psychologique, les savoir-faire des habitants étaient mis en commun pour répondre à tous les besoins nécessaires en un temps très limité.

Il est paradoxal, et en même temps logique, qu’une force citoyenne comme celle-ci prenne naissance lors d’une crise majeure. Ce tremblement de terre a marqué l’essor d’un mouvement qui ne finit de s’étendre à travers le pays.

« Tout le monde a du temps ; tout le monde a des talents à partager. Valoriser les talents de chacun dévoile leurs ressources et participe à leur empowerment. »

Les effets sociaux d’une telle monnaie

Ce sont les effets de la Time Bank sur les collectivités qui nous ont le plus frappé.

Pour Margaret, avoir une Time Bank dans sa communauté est essentiel. Cela prouve aux habitants que le système bancaire « classique » n’est pas immuable.

A Lyttleton, suite au tremblement de terre, tous les habitants ont remarqué des changements dans leur commune après la naissance, et ce grâce à la naissance de la Time Bank . Pour la secrétaire de l’école primaire, « les gens ne se plaignent plus » ; pour une autre femme : « les gens ont l’occasion de se rencontrer, d’apprendre des autres. »

La Time Bank « réintroduit de l’humanité » dans les communautés, en abolissant l’idée de hiérarchie, puisque toutes les valeurs sont égales. Elle crée des liens chez des personnes ou des groupes habituellement séparés les uns des autres, et permet, d’une certaine manière, de retrouver le sens premier du terme de communauté, autour du vivre ensemble et du bien commun.

Un tel concept redonne confiance aux citoyens, en leur prouvant qu’ils peuvent construire collectivement, que leurs savoirs, mêmes minimes, ont de la valeur. Qu’ils sont la force motrice du changement.

C’est donc une alternative au système classique qui participe à l’empowerment de chacun, en renforçant les liens communautaires et en remplaçant, parfois, la défaillance des services publics. Tout se passe hors du système, et se fond dans la communauté elle-même.

« Parler de Time Bank et de communauté n’a pas de sens : ils sont tous les deux imbriqués, et ne font qu’un. »

La Time Bank a le pouvoir de se répliquer

Aujourd’hui, il n’existe qu’une Time Bank en France : la Banque de Pièces d’Heures du Labo, portée par l’association Le Labo du Nautilus , en Bretagne.

Or, pour démarrer une Time Bank dans sa communauté, il suffit de peu : un papier et un stylo font l’affaire. C’est la force de ce concept. Dans un premier temps, il faut convenir des  services et savoirs échangés entre les habitants. Par la suite, un site web global permet d’héberger gratuitement cette « banque » locale.On y trouve également tous les conseils des Time Bank déjà existantes.

Tout bien considéré, il s’agit d’un concept simple, qui utilise les outils numériques pour mettre en oeuvre ce que les sociétés anciennes utilisaient déjà : un partage de connaissances, d’expériences, de temps entre voisins. C’est finalement un « retour vers le futur » plutôt qu’une innovation futuriste.

Un modèle de société basé sur la coopération, l’échange, l’égalité et l’entre- aide : tout ce que nos sociétés postmodernes ont voulu nous faire oublier. Il n’appartient qu’à nous de le réinventer !

Anne-Sophie Roux et Tiénot Dagron.
 

Si vous souhaitez en savoir plus sur les projets, les initiatives et les personnes qui font vivre les communautés rencontrées par Anne Sophie Roux, rendez-vous sur le blog Wanangatrek.com
 

À LIRE AUSSI : Le précédent article : transition écologique: inspirons-nous des savoirs māoris

A lire aussi :