Covoiturage Libre devient une coopérative pour concurrencer BlaBlaCar

Quand on dit covoiturage, on pense instantanément BlaBlaCar, star de l’économie collaborative et instigatrice de ce mode de déplacement en France. Initialement gratuite, la plateforme est devenue payante en 2011, suite à l’entrée d’actionnaires à son capital.
 
En réaction, des utilisateurs déçus par ce tournant, décident de construire une plateforme qui leur convient : Covoiturage Libre est née. « Dès le départ, ils ont voulu inscrire la plateforme comme un bien commun, c’est-à-dire un groupement de personnes et non de capitaux« , décrypte Françoise Bernon, déléguée générale du Labo de l’économie sociale et solidaire.

Créée avec très peu de moyens, une poignée de bénévoles et quelques donateurs, l’association comptabilise désormais 100 000 trajets par an et 150 000 covoitureurs. Cent fois moins que BlaBlaCar qui dit réunir près de 15 millions d’utilisateurs en France en 2018.

Si les consommateurs privilégient encore BlaBlaCar à son concurrent pourtant plus éthique et moins cher, c’est certainement pour une question de garanties : la possibilité pour les conducteurs comme pour les passagers d’être remboursés automatiquement en cas d’annulation. Option qui n’est pas encore proposée par Covoiturage Libre.

Devenir une coopérative pour grandir

Loin de concurrencer le géant, Covoiturage Libre « est quand même le deuxième résultat du secteur sur Google !« , souligne Bastien Sibille, président de la plateforme depuis 2014. Forte de son petit succès, l’association évolue. L’équipe de Covoiturage Libre souhaite explorer les possibilités de l’économie coopérative pour grandir et s’imposer dans le marché. Alors le 23 novembre, ils lanceront Mobicoop, « la coopérative des mobilités partagées« . Un changement de nom mais surtout de statut : « devenir une coopérative est une chance de grandir et d’avoir plus d’utilisateurs !« , selon Bastien Sibille.
 

Développer la plateforme technique, la communication, l’organisation interne, le budget… les objectifs de la transition sont nombreux. Le but de Mobicoop est de s’inscrire dans un mouvement coopératif : s’émanciper des modèles d’entreprises classiques, mais aussi de l’économie collaborative telle qu’elle est pratiquée actuellement. « BlaBlaCar, Uber, Airbnb font de l’économie collaborative« , explique Bastien Sibille, « mais ces boites restent tout à fait capitalistes : une poignée de fonds de pension américains s’enrichit sur vous, celles et ceux qui font vivre les plateformes. »

Une entreprise qui appartient à ses membres

Cette transition s’inscrit dans une dynamique plus large que l’on appelle le « coopérativisme de plateformes ». Théorisé en 2016 par Trebor Scholz, ce concept regroupe des structures comme Coopcycle, un service de livraison à vélo éthique. Elles s’opposent au « capitalisme de plateformes » : des structures comme Uber ou Deliveroo, critiquées pour leurs pratiques d’évasion fiscale, la précarisation des travailleurs qu’elles entraînent. Et leurs commissions de 10 à 30 % qui les « éloignent des valeurs de l’économie du partage », selon Bastien Sibille.

Le mouvement coopératiste connaît une forte progression depuis une vingtaine d’années : vignerons, artisans, développeurs informatiques, commerçants… les coopératives se diversifient en gardant les mêmes principes fondateurs. « La coopérative est contrôlée économiquement et démocratiquement par chacun de ses membres », détaille Bastien Sibille. Et surtout, elle appartient à tous les coopérateurs : c’est un bien commun, une ressource partagée au sens moral comme matériel.
 

« L’économie coopérative repose sur 4 critères : le lien social, la coopération entre les acteurs, la transparence des échanges et l’équité », énumèrere Françoise Bernon du Labo de l’ESS, « Mobicoop répond à toutes ces exigences « 

En effet : pour Mobicoop, pas d’actionnaire, pas de hiérarchie décisionnaire mais 20 000 coopérateurs qui croient au projet et y prennent part en investissant à hauteur de 100 euros chacun. En visant un budget de 2 millions d’euros, Bastien Sibille espère démocratiser sa plateforme, et peut-être un jour, faire de l’ombre à BlaBlaCar, Uber et autres Airbnb…
 
À l’heure où les entreprises « uberisées » sont remises en cause, une chance de se développer se présente pour de nouveaux modèles plus éthiques. « Mais il faut en parler, développer la pédagogie autour de ce genre de projets, pour qu’un maximum de citoyens y prennent part et changent leurs habitudes », conclue Françoise Bernon.

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