Partager la publication "Vestiaire Collective : « Il faut rendre la mode de seconde main plus attrayante »"
C’est une première pour une plateforme de seconde main. Vestiaire Collective, spécialisée dans le commerce de vêtements et d’articles de luxe, vient d’obtenir la certification “B Corp”. Un label qui reconnaît son engagement écologique et social. Dans la foulée, la licorne française a réalisé une levée de fonds qui pousse sa valorisation à 1,45 milliard d’euros.
Une nouvelle preuve du succès de la seconde main, accru notamment par la crise sanitaire. Mais comment soutenir encore ce marché de la mode et le rendre plus circulaire, plus responsable ? Autant de questions dont Dounia Wone, responsable du développement durable chez Vestiaire Collective, est venue discuter au Conscious Festival, dont WE DEMAIN était partenaire, du 24 au 26 septembre. Elle partage sa vision du marché et des défis qui l’attendent.
Vous venez de participer au Conscious Festival, à La Caserne, nouvel incubateur de mode durable parisien. Que retirez-vous de cette rencontre ?
Dounia Wone. Participer au Conscious festival était pour Vestiaire Collective et pour moi une évidence. Ce tissu qui se noue en France mais aussi au niveau international autour de la mode durable est assez incroyable. Je participais à une table ronde autour de la circularité avec WeTurn, Veepee, Arianee, et l’on se rend bien compte que les choses vont changer, mais en collaboration, pas en silo. Cela ne marchera que si l’on collabore les uns avec les autres. Maintenant, l’enjeu est de toucher le public le plus large possible et d’amener des personnes qui ne sont pas forcément « acquises » à s’y intéresser. Et pour cela, c’est génial de transformer des lieux d’exception comme La Caserne en lieux de culture et d’inspiration.
Vestiaire Collective vient pour sa part d’obtenir la certification B Corp. Comment ? Et quel impact pour l’entreprise ?
Vestiaire était déjà intrinsèquement un business circulaire et responsable, mais la création de mon poste il y a un an et demi visait à mettre cette responsabilité au cœur de l’entreprise, sur le long terme, à la fois sur le volet social et environnemental. Donc, très vite, j’ai voulu aller chercher cette certification “B Corp” qui couvre cinq domaines (gouvernance, collaborateurs, collectivité, environnement et clients, ndlr). C’est une très bonne base de travail. Et nous l’avons obtenue en un an seulement, au lieu de trois en général. Notamment car nous avons réussi à mobiliser tous les étages de l’entreprise, du CEO à l’opérationnel.
En quoi cela a changé Vestiaire Collective concrètement ?
Les gros changements sont, par exemple, d’inclure les investisseurs dans cette gouvernance responsable en leur demandant de s’assurer que les décisions que l’on prend sont alignées avec les questions écologiques et sociales. De modifier nos statuts et d’y inclure notre mission, d’instaurer plus de process. Car si Vestiaire Collective, qui à 12 ans, n’est pas encore une très grosse entreprise, on est sur ce chemin. Et un chemin qui va très vite ! Donc il est important de rédiger et de partager ces process avec tous les employés. Je vous donne un exemple : jusqu’ici, il n’y avait pas de politique claire et écrite qui disait « chez Vestiaire les bénéfices sociaux sont égaux dans tous les pays ». C’est désormais le cas.
Vous venez aussi de faire de grosses levées de fonds. Comment vont-elles renforcer cette responsabilité sociale et environnementale ?
Maintenant que l’on calcule et que l’on connaît notre impact climat par exemple, il faut encore le réduire. Pour cela, il faut des leviers, des gens, proposer des choses nouvelles. Les deux gros pôles qui peuvent faire la différence chez nous sont la logistique et la tech. Ces levées de fonds vont par exemple nous permettre de proposer de nouvelles fonctionnalités sur notre plateforme : par exemple, que les clients puissent voir les articles qui se trouvent près de chez eux pour encourager l’achat local, plutôt qu’à Hong Kong. Autre chantier : développer des infrastructures locales pour approcher les centres d’authentification des articles – essentiels chez Vestiaire Collective pour garantir des achats de confiance. Les centres qui se trouvent aujourd’hui en Europe, Asie, États-Unis, peuvent être localisés. Également, développer l’envoi direct et choisir nos transporteurs. Tout cela demande des investissements. Idem pour réduire l’impact de la tech.
La seconde main connaît une forte progression mais reste encore minoritaire dans les achats des Français. Comment l’encourager davantage ?
D’abord je pense qu’il faut qu’il y ait une offre d’articles de seconde main attrayante, moderne, de meilleure qualité, qui parle aux consommateurs : ce que l’on essaye de faire sur notre plateforme. Ensuite, on essaye de transmettre le plus largement possible notre expérience aux marques pour leur apprendre à porter la circularité dans leur business model. Il y a douze ans, peu croyaient en Vestiaire Collective. Et, aujourd’hui, les marques font la queue pour créer des partenariats comme celui que nous avons lancé avec Alexander McQueen récemment. On leur transmet notamment notre expertise sur le pricing car ils ne savent pas combien valent leurs articles en seconde main après leur sortie de boutique. Nos algorithmes et nos bases de données les intéressent. Et en même temps, il s’agit aussi de dire aux consommateurs qui vont acheter chez Alexander McQueen qu’il est bien de revendre son sac par exemple… mais aussi d’acheter de seconde main par la suite.
À lire aussi : À Paris, un magasin pour démocratiser la seconde main
Justement beaucoup de gens vendent pour racheter vite sur Internet. Comment éviter une forme de surconsommation aussi dans la seconde main ?
Oui, très vite nous avons fait l’analyse du cycle de vie des articles et vu qu’il y a un effet de rebond. Comme la mode est entrée dans un cycle infernal de fast fashion, avec la seconde main, c’est parfois pareil. Donc chez Vestiaire Collective, on essaye vraiment de faire passer ce message de l’achat raisonné à travers notre manifesto : « Achetez moins, mais mieux. » C’est notre mot d’ordre.
Comment y pousser les consommateurs ?
On développe par exemple une fonctionnalité qui permet de donner un badge, une sorte de récompense aux gens qui ne font pas qu’acheter ou vendre, mais qui font les deux. Elle sera accompagnée d’une communication dirigée disant par exemple : « Vous avez acheté cet article, peut être que vous avez envie de vendre autre chose de votre garde-robe et pas juste de cumuler ? » On est bien conscient des dangers de la surconsommation, et l’on ne veut pas l’appliquer à la seconde main.
D’autres projets encore, notamment dans les domaines sociaux ?
Oui, on veut être une « Best place to work », pas juste parce qu’on a un baby-foot et un canapé confortable, mais parce que l’on réfléchit à la santé mentale des salariés, à la prise de parole, à la participation à la décision… Notamment sur des thématiques qui ont été choisies par les employés, de diversité ethnique, genre, orientation sexuelle… On le fait aussi en se donnant une feuille de route claire sur les actions sociales qu’on pourrait mener dans l’année, qu’on partage avec les investisseurs et avec nos employés. Et par ailleurs, on va créer notre premier rapport d’impact en début d’année prochaine. Ce sera très important car cela nous permettra d’être transparent avec notre communauté sur ce que l’on fait déjà et les améliorations possibles. Pour que les gens sachent aussi pourquoi ils choisissent Vestiaire Collective versus un autre site de e-commerce.