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Avignon, Valence et Nantes, championnes françaises de l’autonomie alimentaire

Le cabinet de conseil Utopies dresse le classement de l’autonomie alimentaire des villes. En moyenne, ces dernières ne consomment que 2 % de denrées locales. Comment l’expliquer ? Quelles sont les pistes d’amélioration ? Entretien avec Arnaud Florentin, co-auteur de l’étude.

Le 02/06/2017 par WeDemain
(Crédit : Utopies)
(Crédit : Utopies)

Retisser un lien social entre producteurs et consommateurs, réduire leurs émissions de CO2, connaître la provenance des produits alimentaires… Les villes ont beaucoup à gagner de l’autonomie alimentaire.

Mais, dans les faits, où en sont-elles ?

Le cabinet de conseil Utopies, qui aide les entreprises à intégrer le développement durable à leur stratégie, a évalué le degré d’autonomie alimentaire des cent premières aires urbaines françaises.

Résultat : L’aire urbaine d’Avignon est la plus autosuffisante de France avec une autonomie alimentaire de 8,2 %, suivie par Valence (6,43 %), Nantes (6,37 %) et Angers (6,36 %). À l’inverse, avec un taux d’autosuffisance inférieur à 0,2 %, les aires urbaines de Thionville, Compiègne, Creil et Forbach se situent en bas de classement.
 
Les aires urbaines de Nantes et Angers offrent un plus grande diversité de types de produits locaux. À noter que très peu d’aires urbaines atteigne un niveau d’autonomie supérieur à 5 % dans au moins deux catégories de produits.

En moyenne, le degré d’autonomie alimentaire des cent premières aires urbaines françaises est de 2 %. Alors que 98 % des produits alimentaires consommés localement sont importés, 97 % de la production agricole des villes du classement finit dans des produits alimentaires consommés à l’extérieur du territoire.

Pourquoi les villes françaises consomment-elles aussi peu de produits locaux ? Arnaud Florentin, directeur associé d’Utopies et co-auteur de l’étude répond à We Demain.

We Demain : Comment expliquer que le degré d’autonomie alimentaire des 100 premières aires urbaines françaises soit en moyenne de 2 % seulement ?

Arnaud Florentin : Ce qui est frappant c’est que nos systèmes d’alimentation locaux répondent à un schéma économique relativement absurde. À l’échelle des aires urbaines, nous importons la quasi-totalité des produits agricoles qui entrent dans notre alimentation et exportons dans le même temps la quasi-totalité de ce que nous produisons dans nos champs ou nos fermes.

Notre consommation alimentaire porte sur des produits élaborés, qui ne peuvent raisonnablement être tous produits localement.

Pourquoi un tel schéma ?

Nos territoires se sont progressivement inscrits dans la mondialisation par une ultra spécialisation et un modèle économique tourné essentiellement vers la demande extérieure.
 
Cette forte spécialisation est autant agricole — avec les grandes monocultures —, qu’agro-industrielle, avec les grands sites de transformation concentrés dans quelques territoires et majoritairement approvisionnés par les grandes monocultures françaises ou étrangères.
 
L’organisation alimentaire de nos territoires est aujourd’hui clairement déséquilibrée : l’intégration à la mondialisation s’est faite au détriment de la diversification.

Pourquoi est-il important que les zones urbaines gagnent en autonomie alimentaire ?

Les territoires ont intérêt à entamer leur propre démarche d’enracinement de l’offre alimentaire. Comme le rappelle Raphael Souchier, expert en économies locales durables, il s’agit de rendre aux territoires ruraux leur fonction nourricière, de ranimer les échanges avec les villes voisines et, pour les grandes villes, d’y produire une part de la nourriture dont elles ont grand besoin.
 
Il ne s’agit pas de relocaliser des activités existant déjà ailleurs mais de chercher à les faire émerger localement à travers des modèles économiques innovants : économie circulaire, démarches collaboratives dans la production ou la distribution, chantiers d’insertion, micro usines ou micro fermes…

Pourquoi est-ce crucial, pour les villes, de consommer plus de produits locaux ?

C’est d’abord une question de résilience environnementale. Les collectivités doivent réduire leurs émissions de CO2 et autres impacts liés aux transports (embouteillages, accidents…) et assumer l’impact environnemental de leur consommation alimentaire. Le tout, avec des ressources locales naturelles, techniques et humaines.
 
C’est ensuite une question de résilience économique. Cela passe par la capacité de nos exploitations agricoles et de nos activités agro-alimentaires à être moins dépendantes en amont —diminuer la vulnérabilité et la dépendance aux matières premières importées, sécuriser les approvisionnements exposés aux risques climatiques, géopolitiques, sociaux et sanitaires — et en aval face à des marchés extérieurs très fluctuants.
 
C’est enfin une question de résilience sociale. Celle-ci passe par le rapprochement des consommateurs et des producteurs, la restauration d’un climat de confiance et de transparence totale. Il faut aussi redonner une mission concrète aux agriculteurs locaux.

Pourquoi Avignon est-elle numéro 1 du classement ?

La cité des papes présente à la fois une importante ceinture verte — forte spécialisation locale dans la culture de fruits, légumes et autres cultures type serre, pépinière et floriculture —, et un certain nombre d’industries de transformation connectées à cette ceinture verte.

Votre étude montre que 10 à 15 % d’autonomie serait un objectif raisonnable à atteindre pour les villes.

Oui. Pour y parvenir, nos territoires doivent impérativement regagner en diversité agricole via la polyculture, l’agriculture urbaine… mais aussi dans les activités de transformation.
 
Il s’agit de reconnecter l’industrie agro-alimentaire et les exploitations agricoles avec des petites unités de production. Mais aussi d’innover — avec les produits invendus par exemple —, lorsque les ressources n’existent pas localement tout simplement.

Vous expliquez aussi que les clés de la réussite ne sont pas les mêmes pour l’ensemble des aires urbaines étudiées. C’est-à-dire ?

Certains territoires disposent « d’actifs agricoles » suffisants pour, en théorie, être autonomes à plus de 90 %. Je pense à Angers, Albi, Pau… Se pose ici la question de la réorientation des activités agricoles au niveau local.
 
D’autres, en revanche, pour des raisons de densité urbaine et de foncier, présentent un potentiel inférieur à 25 % comme Paris, Bordeaux ou Marseille. L’enjeu, pour ces villes, réside dans de nouvelles formes d’agriculture urbaine ou semi-urbaine.

La localisation de l’alimentation est un puissant antidote, à condition de ne pas réduire le propos au repli sur soi et au protectionnisme.

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